Un dernier front avant la ligne

Macif François Gabart
DR

Au large des côtes brésiliennes, Actual (Le Blévec-de Pavant) a tenté un coup stratégique dès ce mercredi matin en se déportant progressivement vers la terre : il navigue à moins de 5 milles des plages avec l’espoir de trouver un peu plus de pression. Pour l’instant, cela ne porte pas ses fruits en termes de vitesse pure mais cette initiative a incité le leader FenêtréA Cardinal (Le Roux-Eliès) à enclencher un empannage de recadrage. Les alizés ayant tourné au secteur Nord-Est d’une quinzaine de nœuds, le leader a préféré assuré en contrôlant son concurrent sur la même trajectoire. Parce qu’il y a risque : à l’approche du cap Frio, véritable entrée dans la baie de Rio de Janeiro, une dépression se forme et un front orageux va fondre sur les deux multicoques dès jeudi après-midi. Or ces phénomènes sont difficilement cernables par les modèles météo. Ce sont donc des conditions extrêmement délicates à appréhender et à anticiper. Rester au contact devant, sur la même ligne stratégique est donc la meilleure façon de réduire le risque d’un débordement impromptu.

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550 milles derrière, les premiers IMOCA suivent quasiment la même route que leurs prédécesseurs depuis le Pot au Noir : les décalages latéraux sont faibles à l’échelle de l’océan à l’image des Italiens de Team Plastique (Di Benedetto-Monaco) à l’équateur qui naviguaient une petite centaine de milles plus à l’Ouest que leurs concurrents polonais Energa (Gutkowski-Marczewski). Car dans l’ensemble, le « couloir de trajectoires » ne fait pas plus d’une trentaine de milles ! Il n’y a donc pas grand-chose à faire si ce n’est barrer pour mieux négocier les vagues d’un alizé plutôt soutenu d’une vingtaine de nœuds, régler les voiles pour s’adapter aux petites bascules nuageuses ou aux baisses d’intensité de la brise, et se pencher sur la configuration finale qui se présente complexe… Car avec près de deux jours de delta par rapport aux deux premiers Multi 50, les cinq premiers IMOCA vont devoir affronter le front orageux vendredi soir, pile au moment où il abordera le cap Frio ! De Nord 25 nœuds, le vent devrait passer au Sud-Ouest 20 nœuds : il y aura donc forcément un passage difficile au large de Rio de Janeiro.

Cheminées Poujoulat pénalisé depuis sa sortie du pot au Noir

Class40 : Regroupement équatorial

Le Pot au Noir ne semble pas vraiment freiner les premiers Class40 qui glissent toujours à plus de dix nœuds alors que le leader GDF SUEZ est déjà par 6° Nord… Mais les images satellites confirment que la Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT) s’est rétractée en descendant sur le 4° Nord. Mais ce qui va surtout changer par rapport aux passages des MOD70, des Multi 50 et des IMOCA, c’est que le vent va assez brutalement virer du secteur Est 15-20 nœuds au Sud autour de 2-5 nœuds ! Il va donc y avoir une très nette compression de la flotte : les neuf premiers pourraient se retrouver en moins de 50 milles. Les leaders Sébastien Rogues et Fabien Delahaye ne sont pas en situation aisée puisqu’ils vont devoir ouvrir la route en arrivant à la tombée de la nuit. Avec une bonne trentaine de milles de retard, son dauphin Mare (Riechers-Brasseur) n’est pas non plus en ballottage favorable ! Et les Espagnols de Tales Santander 2014 (Pella-Santurde) qui sont très rapides depuis les Canaries auront quant à eux six heures de delta et le trio suivant (Vaquita, Watt & Sea Région Poitou Charentes, SNCF-Geodis) à peine une dizaine d’heures. Il va y avoir réduction des écarts jusqu’à la sortie et un match très serré entre ce triumvirat ainsi que pour le trio suivant (Groupe Picoty, Campagne de France, ERDF-Des pieds et des Mains) mais pas vraiment de coup de Trafalgar. Il se pourrait même que les premiers très ralentis dans un premier temps, puissent s’échapper un peu plus vite lorsqu’ils retrouveront un ciel dégagé et des alizés de Sud-Sud Est demain jeudi…

Damien Seguin sur ERDF aux abords du pot au Noir

Ils ont dit

Pierre Brasseur, co-skipper de Mare (Class40) : « On se rapproche du Pot au Noir et on le sent, car le ciel commence à s’assombrir, on a des grains et de la pluie, on s’accroche. Tales Santander 2014 nous colle au train mais nous revenons sur GDF SUEZ. Tout le monde revient sur le leader. Cela fait deux jours qu’on attaque fort. On barre 24 h sur 24 h depuis le Cap Vert, c’est fatiguant, mais ça marche donc on continue ! Depuis le début, c’est une course de vitesse, il faut savoir préserver le bateau et les voiles, car la casse n’est jamais loin. »

Halvard Mabire, skipper de Campagne de France (Class40) : « On a explosé notre spi et il nous manque beaucoup : nous sommes un peu impuissants. Ce n’est pas gagné pour la réparation. Il faut attendre que les conditions changent, c’est très désagréable. On avait des conditions raisonnables, entre 24 et 27 nœuds de vent, on maitrisait bien le bateau. Il n’a pas explosé en claquant, mais c’est un spi qui avait pas mal servi, on l’avait juste mis en révision, il semblait encore correct, c’est un peu inexpliqué. Du coup, nous employons des voiles moins adaptées, comme le petit gennaker, on est sous toilé. Nous sommes moins rapides, à chaque classement on prend quelques milles, c’est difficile à avaler. Je n’ai jamais vu autant de vent dans les alizés. On vient de franchir le 10° nord, et il y a encore du vent. Le Pot au Noir, c’est d’ici deux jours. Les premiers sont passés facilement, mais pour nous ça va être compliqué. La porte était ouverte pour ceux de devant, et ils ont eu l’indélicatesse de la refermer derrière eux ! »

Marc Guillemot, skipper de Safran (IMOCA) : « Nous avons les mêmes conditions qu’hier, qu’avant hier et que demain, c’est à dire un alizé soutenu de travers depuis que nous sommes sortis du Pot au Noir. Rien de très excitant donc, pas vraiment de stratégie, c’est tout droit. On continue à essayer malgré tout de grappiller quelques milles. Ce n’est pas le genre de navigation dont on raffole, mais il faut le faire. Les côtes brésiliennes recèlent d’un tas de pièges entre les cargos et les objets. ».

Safran au vent de Fernando de Noronha ce mardi

Classement de 16h

MULTI 50
1 – FenêtréA Cardinal à 596,63 milles de l’arrivée
2 – Actual à 50,01 milles du premier
3 – Rennes Métropole / Saint-Malo agglomération à 1038,62 milles du premier

IMOCA
1 – MACIF à 1204,58 milles de l’arrivée
2 – PRB à 20,09 milles du premier
3 – Maitre CoQ à 85,52 milles du premier

CLASS40
1 – GDF SUEZ à 2532,71 milles de l’arrivée
2 – Mare à 28,77 milles du premier
3 – Tales Santander 2014 à 58,45 milles du premier