Le chantier de St Philibert vrombit du bruit ininterrompu des ponceuses. Le trimaran porte encore les stigmates de ce corps à corps avec les éléments déchaînés qui l’ont envoyé au tapis et disloqué en Novembre dernier. De son côté, Thomas Coville n’est pas non plus sorti indemne de cette fortune de mer.
Une énorme frustration
" J’avais déjà démâté mais c’était ma première fortune de mer de cette ampleur.. On a pensé qu’on allait perdre le bateau. Qui dit perdre son bateau dit tout perdre. Cela représente des années d’efforts, de passion, de travail acharné de toute une équipe" . L’énergie déployée et l’aide providentielle de l’équipage du chalutier guilvinise l’Agrion ont permis de ramener ce coursier en piteux état à Douarnenez. Compte tenu de la sérénité et de l’envie qui habitaient le duo de Sodebo avant le coup de canon, la frustation a été énorme. " Grâce à ma préparation et notamment à San Salvador Cadix j’avais balayé les doutes qui m’habitent habituellement. La douche n’en a été que plus glaciale" confie Thomas Coville .
Son bateau dévasté , Thomas Coville accablé n’a t’il pas eu la tentation de jeter l’éponge ? La réponse fuse sans hésitation " J’ai eu la chance d’avoir à sauver mon bateau et d’avoir deux jours de sas dans le chalutier avant d’arriver à terre. Cette période de réflexion et le réconfort humain de ces marins pêcheurs ont été une vraie chance. Ce contexte de cloisonnement m’a permis de me reconstruire et d’arriver à quai avec une vraie conviction."
Reprendre confiance
Son partenaire Sodebo et toute l ‘équipe ont décidé se relancer dans la bagarre pour amener ce trimaran sur la ligne de départ de la prochaine Route du Rhum. " C’était notre objectif initial à la construction de ce bateau ". La reconstruction est un travail patient et ingrat qui devrait permettre à ce trimaran de retrouver son élément début Juin. Aujourd’hui , les moignons des bras de liaison du flotteur bâbord renvoient à cet accident qui a torpillé des certitudes. " Avec l’équipe on avait pas de doute sur la fiablité de notre machine et l’on estimait avoir fait des concessions à cette fiabilité. Aujourd’hui, il faut non seulement reconstruire pièce après pièce, ce qui au quotidien est un exercice difficile et douloureux, mais il faut aussi reprendre confiance techniquement dans notre bateau " explique Thomas Coville.
Le Rhum en tête
Thomas Coville et son équipe sont désormais tendus vers l’objectif de la Route du Rhum " C’est clair qu’ avec toute l’équipe je crois qu’on retrouve l’énergie de reconstruire à travers cet objectif. Personnellement, j’ai vraiment cela en tête. C’est la course qui me fait rêver depuis toujours *. Elle passait devant mes fenêtres. Il y a une part d’émotionnel, d’affectif dans cette préférence car la transat anglaise est tout aussi dure…" . Et si Thomas et son partenaire pensent très fortement à d’autre aventures, ( notamment à un retour sur le Vendée Globe) , pour l’heure la griserie du Rhum dope leur énergie. " C’est tous les quatre ans comme les Jeux. Il n’y a pas de droit de se rater. Courir le Rhum en multi c’est un engagement physique , technologique, humain très fort. Et plus j’avance dans le métier, plus j’ai une attirance forte évidente pour le multi." Tout l’art est d’amener le couple homme- bateau au sommet de leur forme. " Une alchimie complexe mais un challenge passionnant " conclut Thomas qui a retrouvé toute sa détermination.
Gilbert Dréan.
* Thomas Coville a déjà remporté la Route du Rhum en 1998 dans la catégorie monocoques où il avait remplacé au pied levé Yves Parlier sur Aquitaine Innovations.