Stève ou la sérénité de l´outsider…

Ravussin Stève portrait 2006
DR

Des conditions cousues main pour les trimarans de la nouvelle génération, légers et aux carènes très « pincées » offrant un minimum de surface mouillée. Lancé en 2001 sous l´appellation de Banque Populaire III, le trimaran Orange ne présente pas de telles caractéristiques. Son poids et sa largeur appellent avec appétit vent fort et mer formée, l´exact opposé de la configuration attendue dimanche entre Pointe du Grouin et Cap Fréhel. Ravussin ne s´en émeut pas outre mesure : « La place d´outsider me va bien » déclare dans un haus sement d´épaule le Suisse Stève Ravussin. Il attend l´heure H, ce moment libérateur où toute supputation sombre dans la vanité et où seuls restent les hommes, leur bateau et leur conviction teintée d´humilité devant l´immensité à traverser.

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Bon vent, belle mer…
« Il est vrai que j’aime le vent et les conditions musclées » avoue un Ravussin particulièrement détendu à trois jours du départ de la 8ème Route du Rhum. « Comprenez moi bien, je suis aussi très heureux de partir dans des conditions maniables, avec un risque de casse limité. » La ligne de départ unique d’où s’élanceront dimanche les 74 voiliers, maniés par des navigateurs solitaires, promet d’offrir non seulement un grand spectacle télévisuel, mais aussi un redoutable embouteillage de voiles et de carbone croisant et décroisant leurs routes approximatives. Le beau temps, s’il se confirme, encouragera de surcroît moult plaisanciers à investir les 18 milles qui séparent la pointe du Grouin, zone de départ, de la bouée mouillée sous le cap Fréhel et dernière marque de parcours obligé avant le grand large et la Guadeloupe. A l’anticipation de 3 600 milles d’Atlantique s’ajoute donc pour les solitaires et peut-être plus particulièrement pour les 12 pilotes de multicoques de 60 pieds l’inquiétude d’avoir à gérer un plan d’eau sillonné de centaines d’étraves.

Un départ pied au plancher …
Dans l’attente des certitudes météos que ne manquera pas de lui apporter dès aujourd’hui Roger Nilson, routeur-navigateur attitré du clan Orange, Stève Ravussin endosse avec un certain plaisir le costume de poursuivant : « Je pense que tout le monde va partir pied au plancher » explique Stève. « Il faut s’attendre à une surenchère de vitesse surtout dans les petits airs, et une position un brin en retrait dès le départ n’est pas pour me déplaire, à condition bien sûr de ne pas se laisser décrocher ». Le Suisse fourbit donc ses armes, au premier rang desquels la bonne lecture des prévisions météos, aidé en cela par l’inséparable Roger. « La course est longue et les occasions de perdre ou de gagner du temps nombreuses. Mon jeu consiste à trouver des trajectoires limpides et de les suivre le plus rapidement possible. Il faut ensuite compter sur le facteur mécanique. On a tôt fait de perdre plusieurs heures pour un simple changement de lattes brisées. Mais le trimaran Orange a surtout un immense potentiel de vitesse qu’il me faudra exploiter à chaque opportunité, car nous aurons aussi les moyens de creuser des écarts. »
Veille au matériel, lucidité à l’analyse météo, résistance au mal, endurance à l’effort…. bienvenue dans la course au large, version multicoque océanique.