
Tourmentin et édition 2002, les mots clés du Rhum 2018 ? Deux questions et deux mots clés qui semblent, avec de fortes probalités venir vite plomber nos colonnes dès dimanche soir, annonciatrices de casses, d’abandons et on l’espère (cross finger) pas de drame.
Un incroyable départ attendu
Avec les prévisions météos qui s’annoncent après un départ à 14h qui sera sans doute l’un des plus beaux, des plus majestueux et aérien que l’on ai vu sur le Rhum, des plus photogénique sur une ligne de départ incroyable avec 123 bateaux dont des Ultimes et des Multi50 volants, la course va rapidement se corser. La direction de course aura à peine le temps de se remettre du stress du départ qu’il va falloir anticiper la suite dont le scénario semble faire de l’une des mythiques courses au large française le théâtre d’une pièce d’un drame antique comme le craint Lalou Roucayrol.
Un drame antique qui va se jouer en plusieurs actes – dont deux “dramatiques” c’est déjà sûr – qui vont nous tenir intensément en haleine 5 jours avec une petite dépression puis une énorme, dont l’expérimenté Francis Joyon promet qu’un tiers de la flotte n’en sortira pas indemne.
Les plus prévoyant ont donc travaillé la mise à poste de leur tourmentin. Les plus chanceux ont eu le temps d’aller l’essayer dans la brise quant elle est venue il y a plusieurs mois déjà. Les autres vont l’étrenner pour la première fois en faisant le dos rond tout en croisant les doigts. C’est là que le tourmentin fera son entrée sur scène.
Le tourmentin, c’est un foc de tempête. C’est le plus petit foc d’un voilier. Cette voile, réalisée en tissu très épais, est conçue pour résister au gros temps. Lorsqu’elle est utilisée seule, elle maintient le bateau aux allures de fuite (vent venant de l’arrière) nous dit Wikipédia.
Pour démancher ce sera “facile” mais dès la nuit de dimanche à lundi, une première dépression va déjà secouer les skippers et les bateaux. Les Ultimes seront déjà passés, les Multi50 aussi. C’est derrière, les Rhum multi, les Class40 qui vont commencer à entrer dans le dur suivis par les Rhum mono qui pourraient déjà penser à s’abriter un peu. Fin du premier acte.
Une édition comme en 2002 ?
Le deuxième acte arrivera sans transition avec une large dépression. Des scènes violentes avec des vents à 40 noeuds pourraient choquer des téléspectateurs. C’est là où l’on convoque les souvenirs de chacun de l’édition de la Route du Rhum de 2002 et qu’on lit les bons conseils de Michel Desjoyeaux, cela peut servir.
Lors de la Route du Rhum 2002, dès les premiers jours de course, Michel Desjoyeaux s’était arrêté à deux reprises, dont la seconde fois pendant 13 heures avant de reprendre la mer. Une poignée de jours plus tard, il remportait la plus connue des transatlantique s’imposant au cours d’une édition dantesque, marquée par l’abandon de 15 des 18 trimarans ORMA, les géants d’alors.
“Il va falloir soit taper dedans, soit s’abriter avant. C’est aux concurrents de décider s’ils prennent le départ, s’ils restent en course, s’ils continuent, s’ils arrêtent ou s’ils font juste une pause… Et ce n’est pas parce qu’on s’arrête qu’on abandonne, surtout quand on est incité à le faire. C’est simplement du bon sens marin ! Mais s’ils veulent y aller, ce ne sera pas le vent qui sera gênant mais l’état de la mer avec des vagues hautes et des vents contraires. En 2002, c’était moins étendu et plus difficile à prévoir. Moi, j’étais derrière et je n’ai pas eu très fort. Ceux qui étaient devant, en revanche, ont eu jusqu’à 70 nœuds vers 6 heures du matin. Ils n’avaient que 40 nœuds de prévision dans leur dernier relevé météo à minuit ! Pour le moment, des risques liés aux dépressions secondaires ne sont pas prévus. Mais c’est clair qu’elles n’ont de secondaires que le nom et qu’elles peuvent être très violentes.” dixit Michel.
Cette grosse dépression va toucher toute la flotte. Les Ultimes pourront éviter les vents les plus forts mais vont rencontrer une mer terrible avec des creux importants où les foils n’aurons pas d’utilité. Idec et Sodebo auront leur carte à jouer. Les Multi50 vont déguster également et il y a aura peu d’échappatoires pour eux alors qu’ils sont plus fragiles que leurs grands frères.
Les IMOCA sont les bateaux sans doute les mieux armés pour affronter le gros temps mais la question se pose pour Charal, le tout nouveau bateau de Jérémie Beyou qui ne va peut-être pas prendre le risque de le casser avec son objectif ambitieux sur le Vendée Globe.
Derrière en revanche, les classes les plus lentes comme les Class40 ou Rhum Mono, cela risque d’être l’enfer. Certains envisgeraient même la neutralisation de la course 24h ce dimanche. Ne parlons-pas des Rhum multi ou tout est à craindre, notamment les Acapella, que ce soient celui de Charlie Cappelle ou celui de Loïc Peyron.
Dernier acte
L’approche de la Guadeloupe s’annonce comme toujours tortueux et sans vent. Cela pourrait rabattre les cartes dans toutes les classes. Ce ne sera clairement plus le bateau qui fera alors la différence mais les marins. Celui qui veut aller au bout, au bout de lui-même, au bout de son rêve et mettre son nom au palmarès de cette édition qui pour ses 40 ans s’annonce grandiose.
Épilogue
Presque intuitivement, cette édition paraît s’annoncer comme aucune autre. Tout ce qu’on a pu écrire depuis des mois pourrait bien venir se fracasser devant une réalité salée. Les favoris risquent de ne pas être ceux que l’on croit. Comme si la mer avait envie de rebattre les cartes, que non la technologie ne fait pas tout, que les vainqueurs de chaque classe qui arriveront de l’autre côté auront été bénis des dieux et qu’au franchissement de la ligne d’arrivée, le rideau tombera comme l’épilogue d’une pièce de théâtre d’un drame antique.