Route Kerguelen pour Wavre, leadership pour Dick

Mike Golding - Ecover 3
DR

Le mât dans l’air et la quille dans l’eau sont les talons d’Achille des monocoques de course au large. Ces appendices subissent les efforts du vent et la violence des vagues. Dans les 50es Hurlants, au beau milieu d’un Océan Indien fidèle à sa mauvaise réputation, la mer croisée et les creux de 6 à 8 mètres malmènent les solitaires et leurs montures dans un véritable rodéo nautique. Les avaries successives de Loïck Peyron (Gitana Eighty) mercredi et de Dominique Wavre (Temenos II) ce vendredi surviennent après plus d’un mois de course où le matériel a été mis à rude épreuve par des conditions météorologiques difficiles. Peyron fait désormais route vers l’Australie, à environ 2700 milles au loin, ce qui représente entre 12 et 15 jours de navigation environ. Dominique Wavre pointait en 10e position lorsqu’il a constaté en début d’après-midi que sa tête de quille était cassée. Conséquence : la quille et le bulbe ne sont plus maintenus en position fixe et peuvent, au gré des vagues, osciller dangereusement d’un côté à l’autre. Le skipper suisse navigue actuellement sous voilure réduite (2 ris/trinquette), ballast plein, et espère atteindre la Baie du Morbihan aux Kerguelen samedi vers 10h du matin. L’hiver dernier, Dominique Wavre et sa compagne Michèle Paret avaient fait escale en Nouvelle-Zélande au cours de la Barcelona World Race à cause d’un problème de corrosion sur la quille en acier. Au retour, suite à ces problèmes, l’équipe de Temenos avait décidé d’opter pour une quille en carbone en vue du Vendée Globe.

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Record de distance pour Dick

Les options sud de Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) et Mike Golding (Ecover) se révèlent toujours fructueuses. Le premier occupe les avant-postes depuis dimanche dernier, tandis que le Britannique vient de se hisser en 24h de la 4e à la 2e place. Jean-Pierre Dick a mené la flotte aujourd’hui entre les Kerguelen et l’île Heard, marque de passage obligatoire. Le rythme effréné en tête de course est plus élevé que jamais. Avec 448 milles sur les dernières 24h, à la moyenne de 18,6 nœuds, Jean-Pierre Dick, solide leader, a battu le précédent record de l’épreuve (439 milles pour Roland Jourdain en 2004) et s’approche même à 20 milles du record absolu de distance d’un solitaire sur 24h en monocoque. Un record que détient Alex Thomson depuis 2003 avec 468 milles.

Voix du large…

Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) : « Les conditions sont difficiles, mais j’avance à bonne vitesse. On devrait faire près de 20 nœuds de moyenne aujourd’hui. Il faut ménager sa monture, ne pas casser ce matin. La mer est bleu foncé, la houle présente depuis l’entrée des mers australes et les oiseaux nombreux. C’est un paysage superbe, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. »

Michel Desjoyeaux (Foncia), à la vacation de 11h : « Ç’a un petit peu molli, après un bon vent ce matin. Je suis dans les perturbations de Kerguelen. Je n’ai pas regardé ce que j’ai fait cette nuit, car j’ai trop dormi et je suis allé dans la mauvaise direction. J’ai fait sécher mon linge ce matin. Je pense qu’il ne va pas se passer grand chose avant l’Australie. J’ai failli partir à la chasse à la baleine. Tout à l’heure, il y avait deux bestioles devant moi qui ne voulaient pas se laisser rattraper. »

Sébastien Josse (BT) : « Tout va bien. Nous sommes poussés par des vents un peu plus réguliers à 28-30 nœuds. Faire des moyennes de 19 nœuds ne m’intéresse pas. Plonger vers le sud et voir des glaçons non plus. La route est encore longue, mon retard relatif et l’important est de préserver le matériel. Le problème est l’humidité plus que le froid. Je porte des gants à l’intérieur du bateau. »

Dominique Wavre (Temenos II) : « Ici, tout est froid. La mer est creusée, près de six mètres… On fait des aquaplanings sur les vagues, à plus de 20 nœuds, même à 30 nœuds une fois… Le ciel est gris avec des percées de soleil. Ça réchauffe un peu l’intérieur de la cabine. Pour pallier le bruit à l’intérieur, j’écoute des émissions de radio sur mon iPod. Je rigole tout seul dans ma cabine aux blagues de Laurent Ruquier. Je barre extrêmement peu, juste un quart d’heure le temps des manœuvres sur les voiles, puis je laisse le pilote. Comme l’eau est à 3°C, rapidement, si on barre, on n’a plus de sensations dans les mains. J’ai d’ailleurs toujours des petites chaufferettes dans les poches. »

Loïck Peyron (Gitana Eighty) : « J’avance assez rapidement sous gréement de fortune. La bôme est verticale, j’ai un petit foc devant et le dernier morceau de grand-voile intact derrière. Je vais le plus au nord possible et décidé aujourd’hui si je vais vers l’Afrique du Sud ou l’Australie. On a peut-être une solution de remorquage vers l’Afrique du Sud. Mais pour l’instant, je fais une route à 90° à cause du vent. La vie continue. C’est l’occasion de finir ma grande bibliothèque du bord. Ça aide à passer les heures un peu longues. C’est assez difficile de dormir. Le bateau est moins confortable qu’avec le mât. Ça secoue énormément. »

Sam Davies, (Roxy) : « Il fait beau. Le soleil brille et le ciel est bleu. J’ai eu pas mal de vent, 35-40 nœuds, pendant la nuit. Des surfs impressionnants. J’essaie de voir comment progresser plus rapidement. J’empanne pour anticiper le passage entre Heard et les Kerguelen. Parfois c’est assez musclé ici. »

Dee Caffari (Aviva) : « Le mauvais temps arrive toujours la nuit. C’est toujours plus terrifiant comme cela ! C’était surtout l’état de la mer qui était méchant. Le problème pendant les manoeuvres est que les rafales et les vagues agissent ensemble pour créer une mer désordonnée. »

Steve White (Toe in the Water) : « J’ai tout simplement oublié que la porte des glaces avait été déplacée. La première fois en remontant vers le nord, j’ai failli la franchir, car j’étais seulement douze milles plus au sud. Par la suite en me rendant compte de mon erreur j’ai pu remonter. Sinon, j’aurais été puni comme le mauvais garçon de la classe. »

Jean-Baptiste Dejeanty (Groupe Maisonneuve) : « ça caille ! Sinon, je me suis battu deux heures cette nuit avec mon gennaker. Ensuite, mon pilote s’est arrêté et le bateau a viré tout seul. Je me suis retrouvé à contre, le bateau couché à 90°, avec tout du mauvais côté. J’étais dans mon sac de couchage, pas habillé. Ça fait un peu bizarre… »

Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) : « Je suis en pleine dépression, dans une mer croisée très forte. J’ai trois ris dans la grand-voile et la trinquette. Je vais faire le gros dos. La situation est assez complexe pour nous. C’est très dur de tenir un cap avec des mers aussi croisées. »

Les premiers au pointage de 16h : 
1- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 15164 milles de l’arrivée
2- Mike Golding (Ecover) à 46,2 milles du premier
3- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 51 milles
4- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 66,1 milles
5- Sébastien Josse (BT) à 106,4 milles

Séléction internationale de 16h00: 
10- Dominique Wavre (Temenos II) à 279,9 milles
12- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 663 milles
13- Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 670 milles