Alors que la tempête fait rage sur les côtes basques et du côté de Météo France à Toulouse, les vents sont nettement moins violents sur le reste de l’Atlantique Nord et encore plus poussifs au large du Brésil ! Car en bas de ces " hurle vents ", l’anticyclone de Açores impose sa loi : puissantes, vastes, stables, ces hautes pressions génèrent des alizés de Nord-Est soutenus entre la latitude du Cap Vert et celle des Canaries avec plus de vingt-cinq nœuds et des grains. Et même si la tendance est à un lent décalage vers l’Europe, ce centre d’action météorologique a surtout des velléités à se compresser par le Nord sous l’influence d’une succession de dépressions entre Terre-Neuve et l’Irlande. La conséquence est un anticyclone des Açores en forme de haricot qui s’étale très loin, des Canaries à l’arc caraïbe. Michel Desjoyeaux (Foncia) n’a pas d’autre solution que de le contourner largement par l’Ouest : le solitaire navigue donc vent de travers au cap 355° pour ne pas " couper le fromage " trop tôt.
Flirt isobarique
Toute la difficulté est de trouver la voie qui permet de ne pas trop ralentir tout en n’allongeant pas trop la route. Le leader annonce ainsi qu’il navigue dans une vingtaine de nœuds d’Est avec une mer encore très agitée, mais qu’il va envoyer le gennaker dans un vent mollissant dès dimanche soir. Le temps qu’il passera dans cette métastase anticyclonique n’est pas encore bien cerné mais il va perdre du terrain face à Roland Jourdain. Le skipper de Veolia Environnement subit en effet les mêmes conditions que Michel Desjoyeaux il y a deux jours, c’est à dire du vent de Nord-Est puissant avec des grains à plus de trente nœuds. Mais le gain du dauphin ne risque pas d’entamer l’avance du leader, juste l’écorner une journée, puisque le poursuivant aura aussi à négocier ces tentacules anticycloniques dès mardi. Les trajectoires des deux premiers sont d’ailleurs strictement les mêmes et Roland Jourdain aura peut-être l’opportunité de clignoter à droite un peu plus tôt en rasant les Açores.
Le Pot au Noir a bien changé en deux jours seulement ! Autant il était actif mais court pour Michel Desjoyeaux, autant il était calme mais long pour Roland Jourdain, autant il se présente comme presque inexistant pour Armel Le Cléac’h (Brit Air) : le navigateur va passer l’équateur cette nuit et à dix nœuds de moyenne comme il le traverse depuis vendredi soir, le solitaire en sera sorti dès dimanche matin… Coup de pot dans le Pot ! Qu’en sera-t-il pour les suivants : nul ne le sait encore, car dans l’hémisphère Sud, ce n’est pas le même scénario qui se déroule. L’anticyclone de Sainte-Hélène s’est envolé au large de la Namibie et des bouffées d’air chaud s’échappent du Brésil. Résultat : une masse nuageuse s’interpose pour cisailler des alizés de Sud-Est, mous, instables, peu développés.
Le carnaval des brises
O Brazil ! Le carnaval n’a lieu que dans un mois mais c’est déjà le grand feu d’artifice au large de Rio : Marc Guillemot (Safran) dansait encore la nuit dernière au milieu de plateformes de forage en zigzaguant au gré des brises entre pêcheurs et cargos, sous des grains orageux, des éclairs, du tonnerre et une chaleur… tropicale. Le Trinitain entrevoit la sortie et va retrouver des alizés de Sud-Est certes souffreteux mais installés jusqu’à l’approche du Pot au Noir. Le topo est légèrement différent pour Samantha Davies (Roxy) qui doit virevolter entre une dorsale qui pousse un soupir de secteur Nord tandis que la masse orageuse envoie des bouffées d’air asthmatiques de secteur Sud-Est ! Coincée depuis deux jours dans cette nasse piégeuse, la Britannique a droit à des souffles venus de tous les points cardinaux…
Petit à petit, le géant Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) revient à grand pas sur sa compatriote en gardant dans son sillage Dee Caffari (Aviva) : l’Anglais profite enfin du potentiel de son monocoque hyper puissant pour commencer à inquiéter Sam. Elle n’est plus qu’à moins de 300 milles de son étrave et navigue deux fois moins vite ! Effet temporaire puisque Brian tout comme Dee vont aussi devoir traverser cette zone orageuse. Quant à Arnaud Boissières (Akéna Vérandas), il n’a pas de vent portant comme ses deux prédécesseurs, mais une brise de secteur Nord qui l’oblige à faire du près. Il n’a plus qu’à espérer que l’anticyclone de Sainte-Hélène revienne à sa position normale et que les bulles de chaleur brésiliennes se dissipent pour ne pas avoir à louvoyer jusqu’à Salvador de Bahia…
Sortie Pacifique
Steve White (Toe in the water) va être le concurrent qui a le plus navigué au près ! Il est encore à négocier des brises de Nord-Ouest fortes puisqu’elles atteignent jusqu’à quarante nœuds mais au moins le Britannique peut-il faire route directe vers les alizés. Rich Wilson (Great American III) bénéficie d’un vent qui se renforce progressivement et à ce rythme, l’Américain doit franchir le cap Horn lundi. Mais il reste encore plus de 2 200 milles au duo Dinelli-Sedlacek, qui bordure toujours un énorme anticyclone afin d’aller couper l’ultime porte des glaces, avant d’en finir avec le Pacifique… Il y aura plus d’un océan d’écart quand le vainqueur franchira la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne !
Classement de 16h00 :
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 2266,7 milles de l’arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 510 milles du leader
3- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 1017,4 milles
4- Marc Guillemot (Safran) à 2023,8 milles
5- Samantha Davies (Roxy) à 2170,6 milles
6- Brian Thomson (Bahrain Team Pindar) à 2442,3 milles
7- Dee Caffari (Aviva) à 2564,6 milles
8- Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2953,8 milles
9- Steve White (Toe in the water) à 3654,1 milles
10- Rich Wilson (Great American III) à 5217,8 milles
11- Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 6988,2 milles
12- Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 7054 milles



















