L’Océan Indien se sent des âmes de nettoyeur. Tels ces hommes de main sans scrupules qui éliminent sur contrat, il prend un malin plaisir à dévaster les espoirs des concurrents du Vendée Globe sans états d’âme du plus huppé au plus humble. En sept jours, ils sont donc six concurrents à avoir du en rabattre de leurs ambitions : Loïck Peyron (Gitana Eighty) tout d’abord, démâtait au sud-ouest des Kerguelen. Puis Dominique Wavre (Temenos 2) se voyait contraint de faire route sur Port-aux-Français, quille en vrac. Dans la foulée, Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) se voyait contraint de rejoindre ce qui restera pour lui l’Archipel de la Désolation. Malgré l’aide des personnels des TAAF et l’apport de Dominique Wavre, le navigateur suisse ne pouvait empêcher son bateau de s’échouer et de subir de graves dommages. C’est ensuite Jean-Pierre Dick qui heurtait un OFNI (Objet Flottant Non Identifié) et enregistrait de gros dégâts sur son safran tribord. Enfin, la tendance se confirmait avec le démâtage de Mike Golding et l’annonce de l’abandon de Jean-Baptiste Dejeanty (Maisonneuve).
Cow-boys solitaires
” Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés “. Comme les animaux de la fable, les navigateurs solitaires subissent cette longue litanie qui, visiblement, plombe un peu plus l’ambiance chaque jour. A l’instar d’un Yann Elies (Generali) s’imaginant pauvre cow-boy pourchassé par un Indien menaçant ou d’un Vincent Riou (PRB) qui reconnaissait s’être fait des frayeurs en percutant sans grand dommage apparent un growler qu’il n’avait pas pu détecter, tous ressentent une fatigue bien légitime. De Roland Jourdain (Veolia Environnement) à Jean Le Cam (VM Matériaux), ils ont hâte de sortir de ces mers croisées, de ces lumières rasantes, de ces vents tortueux. Le Pacifique peut être parfois brutal, mais il promet souvent des chevauchées beaucoup plus limpides… A l’arrière de la flotte, ils font contre mauvaise fortune bon cœur : Sam Davies (Roxy) tient remarquablement tête aux assauts croisés de Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) et de l’adversité. Malgré la fatigue, la jeune Anglaise continue de diffuser son bonheur de vivre et s’offre le luxe de pointer en tête de la colonie étrangère de la flotte. Plus à l’arrière, Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) se permettait, quant à lui, de battre son record personnel sur 24 heures.
Desjoyeaux encore et toujours
En tête de course, Michel Desjoyeaux n’en revenait pas encore de se retrouver leader d’une course qu’il avait tant désirée au point d’avoir cru la perdre… A l’annonce de son classement, c’est un bonhomme tout ému qui laissait percer le jour derrière les analyses. Le skipper de Foncia parlait à la vacation d’un bonheur inqualifiable. Inqualifiable, finalement, le terme sied bien au navigateur de Port-la-Forêt… Les quatre premiers devraient franchir la longitude du Cap Leeuwin dans la nuit, pulvérisant ainsi le record de l’épreuve depuis la longitude du Cap de Bonne Espérance. On se rapproche petit à petit du tableau de marche de 2004.
Voix du large…
Michel Desjoyeaux (Foncia) : « C’est une bonne nouvelle pour moi et une mauvaise pour Mike. C’est dur pour lui. Jusque-là, il avait fait une belle course. Il prenait des initiatives intéressantes à suivre. Ce doit être une énorme déception pour lui. Malheureusement, la casse fait partie du jeu. Sinon, ma position en tête aujourd’hui est inespérée. C’est top, génial. Ce que ressens est inqualifiable. Mais ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut être devant, c’est dans deux mois. Il faut d’abord finir. »
Mike Golding (Ecover) : « J’ai mis 30 minutes à couper tout le gréement. Dans cette situation, avec une mer formée, il faut faire vite pour éviter que le mât ne tape dans la coque, au risque de l’endommager. Il me reste la bôme, mais j’ai perdu toutes mes voiles, sauf mon tourmentin et un spinnaker. Je vais confectionner un gréement de fortune avec tout ça. Ensuite, je ne sais pas encore où je vais aller, si je vais me diriger vers l’Australie ou vers Hobart en Tasmanie, qui sont à peu près équidistants, à 1000 milles de moi. Tout dépendra de l’orientation du vent. Je suis vraiment dégoûté. Tout allait bien pour moi. Cette nuit, j’ai fait attention, en navigant prudemment. S’il fallait tout refaire, je n’aurai rien changé. Vraiment, je ne sais pas pourquoi la malchance s’abat tout le temps sur moi. »
Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) : « Dans la nuit, le safran a pris un petit coup. Son attache s’est un peu détériorée à cause des grosses vagues. Je vais monter un peu au nord pour avoir une mer plus calme et faire des réparations car il faut le terminer ce Vendée ! Je garde espoir, même si je sais que c’est une opération longue et difficile. Ça va être de la chirurgie mais je ne sais pas, on va voir… Je suis triste pour Mike après cet abandon. Cet OFNI a tordu le haut du safran. Je vais essayer de le remettre en le calant. Ca m’oblige à bricoler des cales. C’est aussi un peu de débrouillardise. Je vais me la jouer à la Mac Gyver. Malheureusement, il faut que je remonte au Nord pour faire ces réparations. Il ne faut pas que la réparation ne touche pas l’eau car il faut que ca colle. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu autant de vent dans l’Océan Indien. »
Classement à 16h (TU + 1) : 1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 13680,6 milles de l’arrivée 2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 14 milles du premier 3- Sébastien Josse (BT) à 43,3 milles du premier 4- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 61,9 milles du premier 5- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 92,4 milles du premier
Séléction internationale : 10- Sam Davies (Roxy) à 900,3 milles du premier 11- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 1003,4 milles du premier 12- Dee Caffari (Aviva) à 1330,8 milles du premier



















