Danger, caillou sur la route ! L’île de Madère, son climat subtropical et ses volcans se dresse sur la route des candidats aux portes du sud. Et provoque la première cassure dans ce petit peloton qui se la joue collé-serré comme aux plus belles heures de la course du Figaro. Et dans le rôle des francs-tireurs, on retrouve les deux frères ennemis de l’édition 2004, à savoir Vincent Riou sur PRB à l’ouest et Jean Le Cam sur VM Matériaux à l’est. Chacun des deux a de bonnes raisons de croire en son étoile : pour Vincent, il s’agit avant tout de récupérer, de choisir une route simple. Le coup de vent du Golfe de Gascogne a laissé des traces et le tenant du titre avouait préférer perdre un petit peu de terrain pour se positionner au mieux en vue du Pot au Noir. Autre discours de la méthode chez Jean Le Cam pointé à plus de 19 nœuds au dernier classement qui tablait sur une rotation du vent à l’est pour mettre, d’ici peu, de l’ouest dans sa route et parer ainsi l’archipel des Canaries.
Un coup d’avance
Car les navigateurs sont ainsi faits qu’ils doivent gérer le temps présent et se projeter à deux, trois voire huit jours. Gérer le temps présent, c’est veiller à préserver le matériel, s’alimenter proprement et savoir dormir : c’est un mode de fonctionnement qui fait la part belle à l’intuition, qui demande un comportement primitif… Les guetteurs du vent ont des lointains liens de parenté avec les gardiens du feu de l’époque des cavernes. Mais dans le même temps, il faut aussi se projeter dans une autre dimension, imaginer la route du bateau dans un univers complexe peuplé de barbules de vent, d’isobares et de polaires de vitesse. Le navigateur devient bionique, il digère les informations que lui produisent les ordinateurs, les restitue sous forme de choix de route. A ce petit jeu, chacun a son tempérament. Quand un Loïck Peyron avoue ne relever que deux fichiers par jour à bord de son Gitana Eighty, de peur de s’encombrer le cerveau d’informations inutiles, d’autres font tourner les modèles en permanence quand d’autres encore peuvent parfois envoyer balader le tout pour se fier à leur intuition. C’est aussi ce qui fait le charme de la course au large : elle peut révéler des talents si différents que les risques de formatage généralisé sont encore faibles.
Sables qui rient, Sables qui pleurent
Aux Sables d’Olonne pendant ce temps, des destins se croisent et se confrontent. Quand Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) pouvait estimer avoir mangé son pain noir et reprenait enfin la mer pour accomplir son tour du monde, Kito de Pavant (Groupe Bel) et Yannick Bestaven (Aquarelle.com) accostaient les pontons de Port Olona à quelques minutes d’intervalle. Les salariés du Groupe Bel de la région réservaient un accueil puissant et chaleureux à leur skipper quand les amis de Yannick cherchaient à préserver un cercle intime autour de leur navigateur. Deux accueils différents mais deux détresses identiques quand les deux marins se sont retrouvés face à face. Ces deux-là savent ce qu’ils perdent et vont avoir sûrement du mal à regarder sans amertume cet océan qu’ils ont tant aimé et qui ne les a pas ménagés. Alex Thomson, quant à lui, devait aussi signifier son abandon avant de se retirer dans son île. Le skipper d’Hugo Boss était lui aussi profondément abattu de voir ainsi quatre années de travail réduites à néant. Finalement, le plus dur n’est pas pour ceux qui partent, mais bien pour ceux qui restent à quai.
Voix du large…
Alex Thomson (Hugo Boss) : « Objectivement, on va essayer de prendre du recul et tout analyser, mais je reste persuadé que nous étions une des équipes les mieux préparées et un des bateaux les plus prêts jusqu’à cette collision avec un chalutier. C’est un jeu cruel, mais il ne faut pas oublier que les épreuves vous rendent plus fort pour la fois d’après. Je vais rentrer à la maison maintenant, me reposer et commencer ensuite à réfléchir à l’avenir… »
Jérémie Beyou (Delta Dore): « Une chose est sûre, j’ai bien quitté le monde des terriens. Je ne pense plus au bureau ou aux préoccupations que l’on peut avoir à terre. Et cela ne me manque pas !?Il faut maintenant que j’installe un rythme. Depuis le début, je n’ai pas beaucoup barré le bateau et cela me manque. En ce moment, je passe trop de temps à régler les problèmes de communication vidéo du bord et pas assez à analyser la météo. Le vent est rentré depuis peu. Je viens de passer plusieurs grains. Je te laisse, ça y est le vent est là… Il faut que j’y aille. »
Dominique Wavre (Temenos 2) : « Bonjour, j’ai du vent assez établi qui me fait bien glisser et être assez rapide. J’ai attaqué mon premier plat déshydraté hier soir car dans l’après-midi, j’ai fait une grosse session ” Bob le bricoleur ” : tiens la clé sur le pont pendant que je visse l’écrou dessous ; ça ne marche pas à tous les coups, mais je me suis ”demerdu”. »
Classement à 16h (TU + 1) : 1- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 22 570,3 milles de l’arrivée 2- Sébastien Josse (BT) à 13,6 milles du premier 3- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 18,2 milles du premier 4- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 24,1 milles du premier 5- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 52,9 milles du premier



















