Ceux qui misaient sur du gros temps en seront pour leurs frais ! Car si ce week-end la brise est bien au rendez-vous dans le détroit de Bass avec plus de 35 nœuds de vent établis et une mer forte, la situation est en plein changement pour le départ lundi 26 décembre. C’est dans une brise assez faible et variable que le départ sera donné devant Sydney et la descente le long des côtes australiennes jusqu’au détroit de Bass s’annonce laborieuse. Si laborieuse que le vent va finalement s’essouffler au fur et à mesure que la flotte va prendre du Sud et le risque est grand que les petits airs accompagnent les leaders jusqu’au cap Raoul à l’entrée de la rivière tasmane… Le record toujours détenu par Nokia en 1999 a donc peu de chances d’être battu.
Mais qui de Wild Oats XI ou d’Alfa Romeo, les deux derniers maxis à quille pendulaire des architectes américains Reichel & Pugh, imposera sa marque sur ce parcours ? Lancé il y a quelques mois, Alfa Romeo bénéficie d’une préparation minutieuse et la grande expérience de Neville Crichton en course au large devrait être suffisante pour que ce nouveau né soit mené efficacement. Wild Oats XI, quant à lui, n’a jamais navigué au large et en course. Un manque d’expérience qui risque bien d’être pénalisant pour le bateau et son équipage.
L’utilisation des quilles pendulaires a prouvé dans différentes compétitions qu’elles demeuraient encore peu fiables, à l’image des accidents survenus lors de la Volvo Ocean Race 2005, du Vendée Globe Challenge 2004, de The Transat 2004 et lors de la dernière Rolex Sydney Hobart 2004 avec le chavirage de Skandia.
Le Rolex Trophy, régates préliminaires à la Rolex Sydney Hobart, a été l’occasion pour Thwaites, propriétaire de Konica Minolta, de se rassurer sur le choix d’une quille fixe : « Alfa Romeo et Wild Oats ont eu quelques petits soucis lors du Rolex Trophy. Pour mémoire, Skandia avait également eu des problèmes de quilles lors de ces régates. Nous sommes conscients que nous avons un déficit vitesse dans des conditions normales mais nous avons tout de même une chance. L’utilisation des quilles pendulaires a encore ses limites comme le prouvent les problèmes que rencontrent actuellement les Volvo. Selon les analyses météorologiques de Ross Field, notre tacticien, cette édition de la Rolex Sydney Hobart sera ”normale”, ce qui devrait être bon pour nous ».
Embarqué à bord de AAPT depuis 15 jours, Sean Langman avoue son anxiété à propos des quilles pendulaires. C’est la première fois que le marin navigue sur un bateau équipé de cette technologie. Une Rolex Sydney Hobart n’est pas le meilleur endroit pour se familiariser avec ce type de quille : « Au près, je ne sais pas de combien anguler la quille, trop ou pas assez, le risque est présent sans cesse et la sécurité des hommes du bord est primordiale. Il faut garder constamment ces données dans un coin de la tête pour ne pas commettre l’irréparable ». La réflexion de Sean Langman sur la navigation à bord d’un maxi équipé d’une quille pendulaire apporte une autre dimension sur le stress accumulé par le skipper dans une course déjà difficile d’un point de vue tactique et météorologique.
Plus petit que ces grands frères de 92 et 98 pieds, Hugo Boss d’Alex Thomson, un 60 pieds de la classe IMOCA, bénéficie de toute la technologie et de l’expérience des circumnavigations. Spécialement conçu pour le Vendée Globe, Hugo Boss est un monocoque solide, performant et avéré qui risque de surprendre bons nombres de ténors australiens et néo-zélandais.
Malgré toute la débauche d’énergie pour tenter de s’imposer, personne n’osera parier contre Alfa Romeo ou Wild Oats XI. Si la victoire en temps réel est un but, la combinaison du temps réel et du temps compensé serait le but ultime pour ces nouveaux maxis. Seuls cinq voiliers ont réussi depuis 60 éditions à faire le doublé, le dernier étant Sovereign en 1987. Pour le skipper de Wild Oats XI, Mark Richards, la victoire en temps compensé est encore plus belle que la victoire en temps réel. « En temps réel, la victoire se joue entre 4 ou 5 bateaux. En temps compensé, la victoire s’acquiert face à toute la flotte. Sur le mur du club house du CYCA, les photos des vainqueurs de la Rolex Sydney Hobart sont les vainqueurs en temps compensé et non en réel. Gagner la Tattersalls Cup (trophée pour la victoire en temps compensé dans la Rolex Sydney Hobart) est, du point de vue de l’ensemble des marins, la plus belle des récompenses. »
A l’opposé de la pensée de Richard, Langman désapprouve : « La seule victoire pour moi est la victoire en temps réel, avoir les honneurs de la ligne. Les subtilités des règles du handicap ne m’intéressent pas. Pour les médias et le grand public, le premier est désigné vainqueur, ça c’est quelque chose de compréhensible. » Langman a souvent obtenu les honneurs de la ligne mais être le premier à Hobart lui échappe depuis quelque années. « J’ai souvent mené la course et remporté des victoires intermédiaires, mais jamais celle d’Hobart. Je vais tout mettre en oeuvre pour y arriver mais avoir un grand bateau n’est pas forcement la clé pour la victoire, même si elle y contribue. »
DBo. (Source Rolex)