Une entreprise coûteuse, que Charlie et sa femme Catherine ne peuvent assumer seuls. Catherine a monté une association pour récolter des dons dans ce but. L’enjeu est simple : il s’agit de sauver un monument de la course au large, avant qu’il ne soit trop tard.
Alors que son skipper, sain et sauf, devrait débarquer ce week-end aux Açores, "le bateau qui ne voulait pas mourir", comme l’ont surnommé les médias, dérive en ce moment vers le large, à la latitude du Cap Finisterre. Le temps presse. Sa balise Argos n’émettra pas au-delà du 15 novembre et il deviendra alors impossible de le localiser. C’est Laurent Bourgnon, le double vainqueur de la Route du Rhum, armateur d’une vedette offshore, qui tente d’organiser la récupération et le remorquage de Switch.fr (lire ce jour "Le Point de vue de Laurent Bourgnon sur notre site, ndlr). Et l’affaire est possible : il y a une fenêtre météo vers le 11-12 novembre qui permettrait de réaliser l’opération. Mais celle-ci est évidemment coûteuse. Parti avec un budget minimal sur cette mythique Route du Rhum, Charlie Capelle ne peut assumer seul le coût du sauvetage de son bateau. Cet A Capella de légende, qui a nécessité des dizaines de milliers d’heures de travail, ne doit pas mourir. Rappelons qu’il avait déjà traversé l’Atlantique tout seul après un naufrage, avant d’être reconstruit pièce par pièce par Charlie Capelle. Rappelons encore que Mike Birch – légendaire vainqueur de la première route du Rhum en 1978 – est le parrain du petit trimaran jaune.
Ce n’est pas juste un bateau qu’il faut sauver, c’est un monument de la course au large, dont on avait pu vérifier encore à Saint-Malo l’extraordinaire capital de sympathie auprès du grand public et des médias, tous bluffés par la belle histoire et par la qualité des finitions de ce trimaran qu’on croyait neuf, tant Charlie Capelle avait réalisé un travail d’orfèvre pour être au départ de ce Rhum, "sur un bel objet de marine", comme il dit. Charlie, on le sait, ne laissera jamais tomber ce bateau qui a décidé de sa carrière, mené sa vie. Pour la première fois, il fait appel à la solidarité des gens de mer et de tous pour tenter de sauver le petit trimaran qui dérive en ce moment même, retourné, sur l’océan.
Pour lui venir en aide et permettre le financement de l’opération, merci d’entrer en contact avec la S.A.R.L ACAPELLA OCEAN 46 rue Emile Combes 56600 LANESTER ou charliecapelle@wanadoo.fr
Les 20 nœuds de vent qui soufflent du Nord Ouest dans le dos des leaders de la Route du Rhum version 60 pieds monocoques font le bonheur des solitaires qui trouvent et devraient conserver jusqu’en Guadeloupe les conditions idéales de navigation pour lesquelles leurs voiliers ont été conçus. Sous grand voile haute et gennaker, les monocoques donnent toute leur puissance et allongent la foulée vers les Antilles. Jean Le Cam ne s’en cache pas. Il parvient, une minute et une minute seulement de temps en temps à oublier la pression de la course pour profiter à plein de ce magnifique ciel d’alizés, de la chaleur qui commence à se faire sentir, et de cette longue cavalcade qu’il espère prolonger jusqu’à Pointe à Pitre. Point de grandes manœuvres stratégiques en vue. Il a joué, en compagnie de Jean Pierre Dick la carte de l’ouest, espérant que la dorsale dans son sud bloquerait un tant soit peu l’ami Jourdain. Las. « Bilou », au prix n’en doutons pas, d’énormes efforts est parvenu à conserver de la vitesse pour se recaler sur la route directe et voir le vent monter progressivement à l’anémomètre pour lui permettre à son tour d’orienter ses étraves au Sud Ouest dans ce nouveau régime de vent fort.
Au sprint jusqu’à Pointe à Pitre Sill et Véolia, VM Matériaux et Virbac-Paprec se retrouvent ce soir lancés à corps perdu dans un final dont l’épilogue n’est point encore écrit. « Ca ne se jouera pas en vitesse pure » résume Le Cam, « car nos bateaux ont des performances similaires. Il faut faire marcher la machine, dessus tout le temps. C’est pourquoi je me suis reposé cette nuit. » Après 9 jours de mer, jamais Jean n’a en effet semblé aussi relâché. « C’est le sprint final et je suis d’attaque ». Tous les sens en éveil, Le Cam voit et sent tout ; « Wavre n’a pas encore passé le front. Armel (Le Cléac’h) a bien joué, mais il est trop loin. Dick est derrière… » A un petit millier de milles de l’arrivée, les solitaires se livrent sans retenue. Reste pourtant une inconnue qui n’échappe à aucun de ces marins aguerris ; le contournement de la Guadeloupe est synonyme de fort ralentissement… par devant. « C’est sûr et on le dit depuis le début, l’arrivée par le Nord de la Guadeloupe peut être scabreux. On peut tous venir tamponner sous la Souffrière…» Avec cet espoir en tête, la chasse au Bilou est lancée…
«La Route du Rhum a une importance particulière pour moi… C’est une course dont l’histoire et l’atmosphère ne ressemblent à aucune autre. Je suis certaine du fait que cette épreuve peut réellement propulser un marin sur le devant de la scène, lui ouvrir des portes.
Mon souvenir du départ en 2002 et de la tempête que nous avons essuyée est gravé dans ma mémoire. Mike Golding et moi-même avions choisi de rester assez nord, et de ne pas suivre la flotte qui plongeait au sud… Les avaries et abandons n’ont pas tardé à déferler, et la bagarre en classe IMOCA s’est très vite résumée à un duel entre Mike et moi. Le rythme était très élevé, nous avons connu notre lot de soucis également – les conditions étaient telles qu’il aurait fallu courir en équipage, c’est en tout cas ce que je me suis dit à maintes reprises sur le coup ! C’était très éprouvant, j’ai donné tout ce que j’avais pour garder le bateau sur le droit chemin… Quant à l’arrivée, c’était tout simplement incroyable. Cette foule, cet accueil, cet enthousiasme ! Gagner dans ces conditions n’est pas anodin, pour moi comme pour mon équipe ce fut un moment-clé.
Mes deux participations m’ont clairement aidée à faire ma place dans le monde de la voile, et à me donner une véritable image sérieuse de navigatrice professionnelle auprès des médias français. La réputation de cette épreuve est telle qu’à mon sens seul le Vendée Globe bénéficie d’une aura encore plus importante. Avant le départ, j’avais conscience de cela, et c’est d’ailleurs assez impressionnant, j’étais plutôt nerveuse. Lorsque l’on parle de cette course avec les autres skippers, on s’aperçoit à quel point il s’agit d’une épreuve imposant le respect.
Cette année, la compétition est magnifique… Il est dommage d’avoir vu PRB démâter, cela a dû être un coup pour l’équipe. Mais d’après ce que l’on a pu voir, il s’agit d’une machine très rapide – il y a néanmoins manifestement quelques petits soucis à régler (ndlr : n’oublions pas que l’écurie Offshore Challenges a elle aussi un plan Farr en construction actuellement). Bilou réalise une très belle course, et la bagarre entre les 5 meilleurs monocoques IMOCA s’annonce passionnante (ndlr : entretien réalisé à mi-course). Je garde naturellement un œil attentif sur la progression de la flotte, et je leur souhaite à tous bon vent.»
Après un peu plus de 9 jours de course, six grands multicoques sont déjà arrivés à Pointe-à-Pitre, (Desjoyeaux 4e, Cammas 5e, Bourgnon 6e) où l’on attend désormais le Foncia d’Alain Gautier, dans la nuit. Autre illustration des conditions exceptionnelles de cette édition, Foncia aussi arrivera dans un temps inférieur à l’ancien record de Laurent Bourgnon, établi en 1998. Les quatre derniers multicoques de 60 pieds en course, eux, ont encore plusieurs jours de mer devant leurs étraves. Claude Thellier (Région Guadeloupe Terre de Passions) est pour l’instant le plus proche du but après Foncia, à environ 800 milles de Pointe-à-Pitre. Chez les monocoques, le suspense continue même si la tête de course est désormais à moins de 1000 milles de l’arrivée. Roland Jourdain (Sill & Veolia) a néanmoins pris un sérieux avantage, puisqu’il possède un matelas de plus de 110 milles d’avance sur ses plus dangereux adversaires passés par une route plus nord : Jean le Cam (VM Matériaux) et Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec). Tout peut encore arriver bien sûr mais "Bilou", avec une avance supérieure à 10% de la route restant à courir, a pris une sérieuse option d’autant que les quatre bateaux de tête vont naviguer de nouveau dans le même système météo. Chez les multis 50, le Crêpes Whaou! de Franc-Yves Escoffier est à moins de 950milles de l’arrivée et possède désormais… plus de 350 milles d’avance sur le Trilogic d’Eric Bruneel. En multis de classe 2 en revanche, le duel est toujours indécis entre l’Ideal Stelrad de l’Anglais Ross Hobson et l’Imagine de Pierre Antoine, relativement proches l’un de l’autre (25 milles). En monocoques de classe 1, 2 et 3, les leaderships sont plus affirmés à l’avantage de Jeunes Dirigeants en classe 1, d’Artforms en classe 2 et de Roaring Forty en classe 3. Du côté des Classe 40 enfin, on assiste à une bagarre stratégique extraordinaire avec un écart latéral énorme entre les bateaux (400 milles). A 1600 milles de l’arrivée Le leader britannique Phil Sharp récolte les fruits d’une option nord très osée et très payante pour le moment. Phil Sharp se retrouve avec un capital de 107 milles d’avance sur son dauphin Gildas Morvan (Oyster Funds), un peu moins au nord, et plus de 210 milles sur le troisième Dominic Vittet (Atao Audio System) qui a réussi à s’extirper des calmes du sud après une nuit difficile où nordistes et centristes ont engrangé, à l’inverse des sudistes.
Multicoques 60′ Orma : Alain Gautier attendu dans la nuit pour la 7e place Ce mardi soir, six grands multicoques Orma sont déjà arrivés à Pointe-à-Pitre ou on a déjà fêté vainqueur et podium. Dans l’ordre, Lionel Lemonchois (Gitana 11, vainqueur), Pascal Bidégorry (Banque Populaire, 2e), Thomas Coville (Sodeb’O, 3e), puis Michel Desjoyeaux (Géant, 4e) Franck Cammas (Groupama, 5e) et Yvan Bourgnon (Brossard, 6e). Tous pulvérisent l’ancien record de l’épreuve : il n’y a jamais qu’un peu plus de 9 jours qu’on a quitté Saint-Malo… Le prochain attendu sur la ligne est le Foncia d’Alain Gautier, pointé à moins de 190 milles de l’arrivée à 16h. Sans réels adversaires sur l’eau désormais, Alain annonce une "arrivée cette nuit". Alors qu’Orange Project a chaviré et que Stève Ravussin a été récupéré par un cargo russe, outre Foncia, quatre grands multis restent en course. Si Gilles Lamiré (Madinina) ferme toujours la marche, c’est Claude Thellier (Région Guadeloupe-Terres de Passions) qui est le plus proche du but ce soir, à environ 810 milles de l’arrivée. Claude n’a pu être joint à la vacation du jour, à l’inverse des deux jeunes skippers qui tentent de boucler leur première transat en multicoque en solitaire : Thierry Duprey (Gitana 12) et Antoine Koch (Sopra Group). Relativement proche de Claude Thellier au sud de la route directe, Thierry Duprey bataille avec son bateau meurtri dans un choc avec une baleine et pestait ce midi contre "10 heures dans la pétole dont je ressors à peine". Son étrave endommagée l’empêche de porter la voile du temps et Thierry avoue que son ambition première est de ramener le bateau proprement à bon port et de continuer à beaucoup apprendre, "entre autres sur la gestion du sommeil". Même sagesse chez Antoine Koch, beaucoup plus au nord, lui aussi handicapé par un flotteur qui prend l’eau et un rail arraché qui l’empêche d’envoyer sa grand voile au-delà du deuxième ris. Pour lui aussi, participer et arriver seront deux belles victoires. Gitana 12 pointe ce soir à 719 milles de Foncia, soit environ 900 milles de l’arrivée, Sopra Group est 70 milles derrière et il reste encore 1900 milles à Madinina pour boucler sa belle aventure.
Monocoques Imoca : Roland Jourdain maintient la cadence Stressantes. Epuisantes. Ces dernières 48 heures n’ont pas laissé les solitaires beaucoup se reposer. La traversée d’un front dépressionnaire a imposé un grand nombre de manœuvres et engendré un stress important. Zones de pétole. Vents instables en force et direction. Le tout sous des trombes d’eau. Entre dimanche 16h et mardi à la même heure, l’écart entre Roland Jourdain (Sill et Veolia), solide leader, et le deuxième, Jean Le Cam (VM Matériaux), est passé de 50 milles dimanche à 160 milles lundi pour retomber à 115 milles aujourd’hui mardi. L’accordéon des écarts engendre systématiquement un stress important, soit de voir son adversaire revenir à fond soit qu’il s’échappe à jamais. A moins de 1000 milles de l’arrivée, Jean Le Cam semble s’être fait une raison. « 100 milles de retard (à midi, ndlr), cela ne va pas être facile à reprendre maintenant » déclarait Jean à la vacation de la mi-journée. D’autant que Bilou, décalé dans le sud, navigue maintenant dans le même système météo et a remis le turbo en direction des Antilles. Revenu en troisième position, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) a perdu le contact avec Jean Le Cam, qui le précède maintenant d’une trentaine de milles. Quant à Dominique Wavre (Temenos), pointé deuxième lundi, il se retrouve à nouveau en quatrième position depuis le retour en force de Dick et Le Cam. Reste maintenant au groupe de tête à négocier un empannage dans la courbure anticyclonique pour enfin faire route directe vers Pointe-à-Pitre où les premiers sont attendus vendredi matin. Les premiers monos devraient donc aussi battre l’ancien record de Laurent Bourgnon en trimaran !
Monocoques 40 : Sharp fait le grand écart Aux commandes de la flotte des Classe 40 depuis 36 heures, Phil Sharp tire pleinement les bénéfices de son pari audacieux et continue de creuser l’écart sur ses poursuivants. " Il est passé sur la droite, il en profite bien le coco! " lâchait Gildas Morvan ce matin à la vacation. Le Britannique est en effet en train de prendre la poudre d’escampette. Hier à 16 heures, il devançait le skipper d’Oyster Funds de 19,5 milles. Aujourd’hui à la même heure, il possède 107,6 milles d’avance sur le Finistérien. Et pour cause, alors que ses camarades de jeu sont flashés entre 2 et 7 noeuds au maximum depuis 24 heures, Phil Sharp ne laisse pas son speedomètre descendre en dessous de 12 noeuds. " J’ai du vent assez fort, jusqu’à 40 noeuds dans les raffales " annonçait le skipper de philsharpracing.com en fin de matinée. " Sharp a l’avantage. Il risque bien de sortir avec 300 milles d’avance sur nous. Mais rien n’est joué " a affirmé Dominic Vittet (Audio Atao System).
Multis Classe 2 : Crêpes Whaou, loin devant Après 48 heures pénibles, Franck Yves a repris sa route à bonne vitesse en début de nuit, après avoir passé le front. Derrière, la flotte des 50 pieds multis prend son mal en patience, attendant de traverser la dorsale qui a freiné le leader 24 heures plus tôt. Seul, Loïc Escoffier plus au nord, sur Deléage & Diazo tire son épingle du jeu en ayant été ralenti que quelques heures.
Multis Classe 3 : Ideal Stelrad a repris la tête Les deux multis classe 3 encore en course soutiennent le rythme. Pierre Antoine (Imagine Institut des maladies génétiques) s’est fait dépasser par son ‘ami Anglais’, Ross Hubson. « Je suis tombé dans une bulle hier, il n’y avait pas un souffle d’air. A la fois, j’en ai profité pour réparer ma grand voile qui était déchirée sur 4 mètres de long. Huit heures de couture et de collage, j’espère qu’elle va tenir quand ça va repartir. Il va falloir négocier proprement ce qui nous arrive. Il n’y a plus de choix de système. Il est plus au nord, nous allons y entrer par deux portes différentes… Ideal Stelrad a touché hier le sud, sud ouest et est parti avant moi. Il a davantage de route à faire pour rejoindre la Guadeloupe, je suis plus proche de la route directe… On verra bien ».
Mono Classe 1 : Ils ont retouché du vent Les bateaux les plus à l’ouest ont redémarré les premiers et c’est Jeunes Dirigeants (Pierre Yves Guennec) décidément très en forme, qui a tiré les premiers bénéfices de la dépression du sud ouest. Il maintient son avance, à 16 heures aujourd’hui, 97,2 milles le séparent de Ville de Dinard son poursuivant. « Je croyais que mon bateau marchait mieux que le sien au près, ben non, là encore il est le plus rapide » explique Bruno Reibel qui, par ailleurs nous envoie une petite carte postale depuis les Açores. « C’était hier, des paysages merveilleux, des dizaines de dauphins, un ciel bleu, du soleil, j’ai même vu des tortues de mer… Aujourd’hui, c’est l’automne, j’espère que demain il ne va pas neiger… »
Monos classe 2 : Servane Escoffier (Vedettes de Bréhat Cap Marine) et Luc Coquelin (Cap Guadeloupe 971) profitent du ralentissement du leader Kip Stone (Artforms) pour reprendre un tiers de leur retard. Mais l’Américain possède toujours plus d’une centaine de milles d’avance sur ses poursuivants.
Mono Classe 3 : Roaring Forty est toujours en tête et concentré sur sa navigation. Il devançait Dangerous When Wet de plus de 300 milles à 16 heures et Fantasy Forest de 505,8 milles.
Un chavirage « au ralenti » Stève Ravussin, d’habitude si enjoué et débordant de joie de vivre est sous le double choc d’un chavirage puis d’un sauvetage qui ont failli lui coûté la vie. Son trimaran Orange project s’est retourné cette nuit, dans des conditions de vent fort, 35 nœuds, et sur une mer courte. Dégagé de tout impératif de résultat après son arrêt forcé aux Açores la semaine dernière, Stève naviguait selon ses dires avec le maximum de sécurité, deux ris dans la grand voile et solent, ballast rempli au maximum pour garder le bateau bien à plat. Alors qu’il s’employait à l’avant du bateau à fixer le gennaker aux filets, le pilote automatique a brusquement décroché et le bateau a commencé à lofer en grand, c’est à dire à serrer le vent, offrant un maximum de surface portative à la force du vent. Alors que Stève se précipitait depuis l’avant du bateau vers le poste de barre, le pilote a de nouveau fait des siennes en forçant le trimaran à abattre violemment. Le trimaran mû par une énorme inertie venue de l’arrière à ainsi enfourné très fort et la plateforme est montée à la verticale, tête de mât profondément enfoncée dans l’eau. « C’est l’arceau de protection installé par la volonté de Lalou Roucayrol (ex skipper de ce multicoque sous les couleurs de Banque Populaire) autour du poste de barre qui m’a sauvé la vie » explique Stève. « Car lorsque le bateau a basculé, j’y suis resté accroché, ne sachant pas de quel côté il allait retomber. Le mât a un long moment résist&ea cute;, empêchant le chavirage complet, mais il s’est finalement enfoncé dans l’eau et le trimaran s’est complètement couché à l’envers » poursuit Stève. « Je me suis retrouvé sous les filières. J’étais en combinaison de survie, que j’avais enfilé pour me protéger la peau de l’agression de l’eau salée. Je ne suis pas un bon nageur et j’ai lutté pour garder la tête hors de l’eau. Une première fois, je me suis vu mourir. J’ai reçu le bras de liaison sur le dos et ce sont les mouvements de la houle qui, en soulevant le bateau, m’ont permis de respirer. » Stève a trouvé les ressources pour se hisser sur les filières d’Orange project retourné. Il a pu déclencher ses balises de détresse dont les signaux ont été récupérés par le Maritime Rescue Center Control de Norfolk aux Etats-Unis. Norfolk a prévenu la direction de la Route du Rhum et mis en alerte les cargos naviguant sur zone. C’est le pétrolier Okhta Bridge qui croisait le plus près qui s’est détourné. Ironie de l’histoire, ce pétrolier appartient à la compagnie Sovcomflot, sponsor de Stève l’été dernier durant la Oops Cup en Scandinavie.
Un sauvetage dantesque Voir arriver sur soi la masse d’un pétrolier est à n’en pas douter une expérience effrayante. Le gros navire russe s’est présenté ce matin par le travers d’Orange project. « Le bateau s’est approché à 5 mètres de moi. J’étais empêtré dans une masse de bouts, ficelles et cordages et je ne comprenais pas comment l ‘équipage souhaitait effectuer sa manœuvre. Ils ont à plusieurs reprises tenté de m’envoyer des filins depuis l’avant du bateau. J’étais sous la voûte de l’étrave qui culmine à plus de 20 mètres ! Je me suis confectionné une espèce de baudrier et j’ai réussi à attraper leur filin. Celui-ci était relié à un enrouleur automatique et dès que l’équipage a cru que j’é ;tais arrimé, ils ont tiré violemment et je me suis vu propulsé le long de la coque. J’avais gardé sur moi des ciseaux avec lesquels j’ai coupé comme j’ai pu tous les câbles qui m’enserraient et me retenaient au trimaran…J’ai hurlé comme jamais, croyant ma dernière heure arrivée… » Stève est ainsi depuis en sécurité aux bons soins de l’équipage Russe. « Ils sont formidables de gentillesse et d’attention. Physiquement je vais bien. Moralement, j’ai l’impression d’avoir « crâmé » toutes mes cartouches… »
Une Route du Rhum cauchemardesque Le bateau dérive à présent loin de toutes côtes habitées. Une balise continue d’émettre et de donner sa position aux autorités maritimes. Il n’est pas pour l’heure question de récupérer ce qui ne sera plus bientôt qu’une épave. « Je voulais cette Route du Rhum. Je m’y étais préparé, ainsi que toute mon équipe. Elle a tourné au cauchemar… » conclut Stève.
Lionel Lemonchois signe l’édition la plus rapide de toutes les Route du Rhum depuis la création de l’épreuve, en 1978. Il pulvérise le record de l’épreuve, jusqu’ici détenu par Laurent Bourgnon, qu’il améliore de 4 jours, 15 heures et 22 minutes. Lionel Lemonchois et son Gitana 11 se dirigent actuellement vers la Darse de Pointe-à-Pitre où le vainqueur livrera ses premières réactions.
Bernard Stamm est toujours largement en tête de la Velux 5 Oceans, à environ 300 milles de l’Equateur. Pour le moment Cheminées Poujoulat navigue dans des conditions éprouvantes pour l’homme comme pour l’électronique embarquée. A bord le thermomètre oscille entre 32 et 40 degrés, associés à une moiteur étouffante. Dur ! D’autant que Bernard est confronté à un vent instable en force comme en direction. Sa moyenne journalière en souffre. Pour le moment, son speedo oscille entre 5 et 8 nœuds. Derrière Cheminées Poujoulat, le Spirit of Yokoh de Kojiro Shiraishi est maintenant confronté à des conditions similaires. Bernard Stamm, qui a été le premier à s’engager dans le fameux Pot au Noir, conserve une large avance, – 273 milles, sur son poursuivant immédiat. Derrière, à 384 milles du leader, Mike Golding réduit l’écart mais approche lui aussi de la zone de convergence intertropicale et de sa météo capricieuse. Bernard Stamm garde donc toujours un sérieux avantage, tant sur l’eau que psychologique, sur ses adversaires. Premier à buter sur le Pot au Noir, le skipper de Cheminées Poujoulat sera aussi le premier à s’extirper de cette zone compliquée et à prendre le large alors que ses petits camarades resteront à batailler ferme dans la moiteur équatoriale.
Le premier sentiment? C’est comme dans un rêve. Je suis dans un rêve, je suis dans un rêve… Pendant toute la course, le bateau a été magique. Il a répondu parfaitement à tout ce que je lui demandais, on a formé un tandem formidable. Et je vais finir par croire que je sais faire du bateau!
A peine 255 milles de plus parcourus que la route directe théorique. C’est très peu… On a eu des conditions exceptionnelles qui permettaient de rester presque en permanence très près de l’orthodromie (la route théorique la plus courte, ndr), des conditions de vent portant qui se prétaient à faire un temps. Mais je n’ai pas pensé au record, juste à la course et à gagner.
Un rythme de folie? On s’habitue à la vitesse. Quand le bateau naviguait au-dessous de 25 noeuds j’avais l’impression de me traîner… et en même temps Gitana 11 ne m’a jamais stressé. Depuis que je l’ai pris en main pour naviguer sur ce bateau en solitaire, en juin, je me suis senti tout de suite en confiance. Même à 35 noeuds sous pilote automatique, je n’ai eu à aucun moment la sensation que c’était trop ou qu’on se mettait en danger. Honnêtement, je ne me suis fait une petite frayeur qu’une seule fois, dans la bascule derrière le front au début. C’est la seule fois où j’ai tout choqué en grand, mais c’était de ma faute, pas celle du bateau.
Tu dégageais une impression de facilité et de vitesse permanente. C’était bon? J’ai pris un plaisir incroyable, de la pointe du Grouin à l’arrivée, ce n’était que du bonheur! Et je n’ai jamais eu la sensation de m’épuiser. C’est sûr, je n’ai pas molli, je la voulais celle-là, je la sentais bien. Il fallait tenir la cadence mais j’ai la sensation de ne pas m’être fait extrêmement mal, le film s’est juste déroulé comme dans un rêve. J’étais tout seul sur mon petit bateau, sur mon nuage. Ce qui m’angoissait le plus c’était d’affronter tout ce monde qui me regarde à l’arrivée, mais ça va un peu mieux, vous me faites moins peur maintenant…
A chaque moment stratégique, tu prenais la bonne décision et accélérais encore… Il y a eu une espèce d’osmose, tout se passait parfaitement bien, je n’ai jamais senti de faiblesse, jamais fait d’erreur de manoeuvres, tout se déroulait parfaitement, c’est incroyable. Je n’avais jamais ressenti ça à ce point-là, sauf peut-être lors du tour du monde sur Orange. Même quand je dormais j’avais l’impression d’être conscient, c’est une sensation assez bizarre. Et mes routeurs Yann Guichard et Sylvain Mondon ont fait un travail formidable, ils étaient la tête et moi les bras. Ensemble, on a réussi à rester toujours sous le vent des autres et au portant, sous le vent, c’est devant.
Envie de dire quelque chose aux détracteurs des multicoques? Il y en a ici? (rires) Ce sont les bateaux les plus extraordinaires qu’on ait inventé. Et la quasi-totalité de la flotte va arriver dans des temps exceptionnels. Que demander de plus?
Tous tes adversaires, le monde de la voile te rend un hommage appuyé. Tous sont contents que tu gagnes, ça fait quoi? C’est fort, ça c’est fort… (grosse, grosse émotion, il contient difficilement un sanglot). C’est vraiment fort. Pardon, je suis un peu ému… Je les en remercie.
« Je tiens à donner un sérieux coup de chapeau à Lionel, mais également à l’ensemble des coureurs. Des éditions du Rhum comme celle-là, on aimerait en avoir plus souvent ! Pas de casse, de la belle régate, du beau sport et une belle partie de stratégie sur l’océan… que demander de plus ?
Lionel a fait son chemin et maintenu la pression tout au long de la course, sa démonstration est superbe, il n’y a pas d’autre mot. Le contraste avec le millésime 2002 est naturellement radical, car même s’il y a cette année quelques petites misères – et mon copain Stève en a fait les frais en tapant un container – a priori tout le monde sera à l’arrivée (entretien réalisé quelques heures avant le chavirage malheureux de Stève Ravussin, ndlr).
Le rythme maintenu par la tête de flotte est impressionnant, il n’y a qu’à regarder le score final et l’amélioration du chrono précédent pour se rendre compte de l’engagement que cela a demandé aux marins… Car même s’il est vrai que la météo a été particulièrement favorable, le métier a parlé, il suffit de voir que les leaders sont ceux qui ont accumulé le plus d’expérience. Il faut être solide, avoir une bonne notion de sa machine, savoir se caler au niveau du sommeil… Sur ce type de course, le plus éprouvant mentalement c’est probablement la peur de casser : cette année, les conditions étaient raisonnables, mais il faut tout de même savoir garder de la vitesse sans faire souffrir son bateau. C’est leur lot à tous, mais à ce jeu, Lionel a clairement été le meilleur.
Malheureusement, il y aura eu des mésaventures quand même : mon ami Charlie Capelle a chaviré, il a été récupéré sain et sauf mais à l’heure actuelle son bateau est à la dérive. Nous tentons d’organiser sa récupération, avec ma vedette offshore, mais les conditions météo vers le cap Finisterre ne sont pas bonnes en ce moment. Il faudra voir comment cela évolue… peut-être y aura-t-il une fenêtre ce week-end ? »
Alors comment ça va ? Et bien disons que sportivement, c’est frustrant d’être en retrait. Maintenant, je ne vais quand même pas me plaindre, je fais le plus beau métier du monde ! Mon côté aventurier est assouvi, mais il est vrai que j’aurais aimé exprimer un peu plus mon côté sportif. J’étais 2ème aux Açores, cela montre que j’ai quand même un bon niveau, c’est prometteur pour l’avenir. Si je n’avais pas eu ces problèmes de verin, je pense que j’aurais pu faire mieux, mais bon… on ne va pas refaire l’histoire.
Quelles conditions as-tu actuellement ? Il fait beau et il y a du vent, j’ai 22 nœuds de vent là, tout va bien. De toute façon, on a toujours eu des conditions idéales, entre 15 et 30 nœuds de vent. On a jamais eu de conditions dures. C’était un vrai bonheur cette traversée.
Tu es actuellement 6ème au classement, regrettes-tu ton option au Sud ? Mon option au Sud est due au fait qu’avec mes problèmes techniques j’étais ralenti, je ne pouvais plus aller à la même vitesse que les autres. Au lieu de suivre le reste de la flotte tout en sachant que je ne pourrais espérer qu’une 5ème ou 6ème place, j’ai préféré tenter un coup au Sud pour espérer un podium.
Tu penses arriver quand ? Vers minuit à la Tête à l’anglais et vers 6h à Pointe à Pitre (heure locale).
Fais-tu déjà un bilan de cette course ? C’était très enrichissant, le plateau était relevé ! Il y a eu peu de casse, ce qui permet justement de garder ce plateau relevé, souvent des courses se font par élimination mais pas cette fois-ci. Le rythme était effréné, c’est une réelle expérience. Et puis, je suis surtout content de la terminer, et de retrouver la Guadeloupe. C’est une région que je connais très bien, j’ai couru pendant pratiquement 10 ans là-bas. J’ai le sentiment de m’être donné à fond, et pour moi c’est important, surtout pour l’équipe et pour les gens qui m’ont suivi, j’ai d’ailleurs été agréablement surpris de tout ce soutien. Et puis Lionel a 46 ans, je crois, ce qui prouve que j’ai encore quelques années devant moi, le temps de progresser et d’avoir plus d’expérience !
Que penses-tu justement de la victoire de Lionel Lemonchois ? Je suis content pour lui, c’est quelqu’un qui a un palmarès énorme, il méritait d’être (re)connu auprès du grand public. Jusqu’à présent, on le connaissait plus en tant qu’équipier que skipper.