« (…) Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit. (…) Seuls les deux traits de sillage laissés par les safrans marquent l’obscurité. Les yeux me piquent tellement je scrute le radar. Lorsque je vais dehors, j’ai l’impression de voir sortir une masse claire (un iceberg, ndr) toutes les minutes. (…) J’ai la gorge serrée. Je me suis fait un thé brûlant. Une partie de moi reste concentré sur le bateau et l’autre est en mode survie. J’imagine tous les scénarios, mais aucun n’est le bon. La combinaison et le matériel de sécu sont à mes pieds (l’Iridium de secours et le kit de base). Pourquoi faire ? Je n’en sais rien. Je regarde même la carte une nouvelle fois. Loin, bien loin de tout! Je suis juste sous le Cap de Bon Espérance.
Depuis ce matin, j’ai cette boule au ventre qui ne me quitte plus. Par 48° 45 Sud et 10° 19 E, je suis le témoin oculaire de ce fameux réchauffement climatique. De mémoire de naviguant, on n’avait jamais vu de glace aussi Nord en cette Saison. (…) Je pensais être sorti d’affaire, mais la température de l’eau rechute brutalement à 5° puis 4.9°, signe de leur présence proche. Je sors sur le pont, l’atmosphère est glaciale et le vent apparent créé par la vitesse du bateau renforce la sensation de froid. L’aube blanchit. Je retrouve les contours du bateau. L’écume blanche du moutonnement des rafales sur l’eau ressemble à s’y méprendre à une plaque de glace. A chacune d’entre elles, je me contracte un peu plus. Au loin, une masse plus limpide ressort, juste dans mon Est. Je retiens mon souffle… encore un ? Ce ne sont que les premiers rayons du jour qui sortent juste sous les nuages de l’horizon. J’arrive à trouver la force de sourire. Je vais retrouver mes yeux pour quelques heures. Cette nuit a été l’une des plus longues de mon existence. Il faut que j’arrive à dormir un peu avant la prochaine nuit…. »
Thomas Coville, “la boule au ventre”
Deux jours de près au menu de Francis Joyon
« C’est sûr que mon avance va en prendre un coup, je m’attends à deux à trois journées à ne progresser que de 250 milles sur la route. Mais le moral est bon. Il ne faut pas que je me plaigne : j’ai un bateau à 100% de son potentiel, je ne fais qu’entamer un peu mon avance et ces journées de près inévitables sont le prix à payer pour gagner en latitude nord ». A la vacation ce vendredi, Francis Joyon n’apparaissait pas franchement inquiet de son net ralentissement dans la remontée de l’Atlantique Sud. « Tout le jeu consiste à suivre les oscillations du vent, à tirer des bords pour gagner au maximum vers le nord », précise le skipper d’IDEC, au moment de boucler son 42e jour de mer.
La journée d’hier a été la plus lente de ce tour du monde pour le moment. « Mais il fallait bien se décider à traverser cette zone de basse pressions et Francis a très bien fait de s’y mettre hier car le système grossit. Ce qui veut dire qu’il s’en est bien sorti car ça aurait été bien pire de n’y aller qu’aujourd’hui », estime Jean-Yves Bernot, le routeur d’IDEC. Francis Joyon confirme en plaisantant : « garder des vents portants, cela voulait dire traverser l’Atlantique jusqu’à l’Afrique, ce qui n’était tout de même pas très raisonnable ! » Francis Joyon a donc profité de la journée d’hier pour remettre à niveau le bateau et le bonhomme : « j’ai beaucoup bricolé, consolidé mes chariots de lattes de grand voile, et puis je me suis reposé, j’ai bien récupéré.»
L’au revoir des albatros
Ainsi va la vie à bord du grand trimaran rouge « que les albatros ont quitté hier… maintenant j’ai droit à une mer un peu vide mais il fait bon : vingt degrés dans la journée, c’est tout de même beaucoup plus agréable lorsqu’il faut aller manœuvrer à l’avant » précise Francis Joyon qui va même tenter de s’accorder un peu de lecture, une fois le bateau calé sur un bord. « J’ai lu Coloane au Cap Horn, là je vais me mettre dans du plus classique, du Douglas Kennedy ». Histoire de patienter entre deux virements de bord, en remontant vers ce fameux 27e ou 25e sud où « enfin je devrai toucher les alizés d’est et faire accélérer le bateau au travers ».
Francis Joyon ne se donne pas pour l’instant de timing pour atteindre l’équateur « c’est encore trop tributaire de la progression dans ces fameux deux à trois jours à venir ». Cet après-midi, IDEC navigue à peu près à mi-distance entre le Cap Horn et l’équateur, par 34° Sud et 31°nord, au milieu de cet Atlantique Sud qui est le premier, dans ce sens, à lui poser de réels problèmes de progression « dans du vent debout » comme dit Francis, qui atteignait tout de même des vitesses de l’ordre de 16 nœuds ce matin, tribord amûre. Son avance sur le record d’Ellen MacArthur a certes baissé, mais IDEC bénéficie tout de même encore de près de 3000 nautiques d’avance sur le chrono de référence, soit plus de 5500 kilomètres. Et Ellen MacArthur aussi, tout comme Orange II en 2005, avait rencontré ce genre de difficultés, au même endroit, lors de son record.
Les vents d’Est espérés lundi
Il n’y a donc pas péril en la demeure pour Francis Joyon, il est simplement en train de manger son pain noir en attendant des jours meilleurs, quand viendront enfin ces fameux alizés d’Est tant convoités qui permettront à nouveau d’allonger la foulée sur la route. Ce devrait être pour la journée du 7 janvier, lundi.
En attendant, Francis Joyon pourra toujours se féliciter de son choix de n’avoir installé aucun moteur à bord de son grand trimaran. « Depuis le départ, grâce à l’éolienne et aux panneaux solaires plus seulement 9 litres de méthanol pour la pile à combustible, les batteries sont chargées à bloc, je suis vraiment très content de ça aussi », explique-t-il. Et pour le grand défenseur de la nature qu’il est, ces énergies propres prennent tout leur sens au vu des icebergs rencontrés en grand nombre cette année que ce soit par IDEC, par Sodeb’O ou par les concurrents de la Barcelona World Race. « C’est une année à icebergs et surtout cela faisait bien longtemps qu’on n’en avait pas vu aussi nord. Ces morceaux de banquise qui se détachent sont un signe de plus que la planète se réchauffe… »
A 13h, IDEC naviguait à 16 nœuds sur le même bord au Nord-Ouest. Et à un peu plus de 5150 milles de la ligne d’arrivée à Brest, son avance sur le record d’Ellen MacArthur s’élevait encore à près de 3000 milles.
Sodeb´O : deux jours et demi de retard à Bonne Espérance
Par 49° de latitude sud, Thomas Coville a franchi la longitude du cap de Bonne Espérance, au large de l’Afrique du Sud, ce vendredi soir 4 janvier à 18h16 heure française, après17 jours, 22 heures et 33 minutes de course depuis son départ dans sa tentative de record autour du monde en solitaire. Le skipper du maxi trimaran Sodeb’O s’intercale donc toujours entre le temps de référence à battre d’Ellen MacArthur – qu’il améliore d’un jour, 11 heures et 13 minutes – et celui du trimaran IDEC. Au cap, Sodeb’O accuse 2 jours, 15 heures et 17 minutes de retard sur Francis Joyon qui avait passé cette longitude en 15 jours, sept heures et 16 minutes.
A plus de 21 nœuds, Sodeb’O file toujours en avant d’une dépression et Thomas Coville entame donc la traversée de l’océan Indien sur un cap très Sud qui pourrait même le conduire à passer dans le sud des îles Kerguelen, Thomas Coville étant déjà ce soir à moins d’un degré des Cinquantièmes Hurlants, alors qu’il entame ce soir son 19e jour de course. Son avance sur Ellen MacArthur est de l’ordre de 825 milles à ce moment du parcours. Francis Joyon, de son côté, a engrangé près de 3000 milles d’avance sur ce même chrono de référence, et en est, lui, à la remontée de l’Atlantique Sud, au grand large du Venezuela.
IDEC freiné au grand large de l’Uruguay
IDEC est ce matin au grand large de l’Uruguay et de sa capitale Montevideo. Francis Joyon a réussi à bien gagner en latitude en faisant un cap plein nord depuis 20h hier soir et il est maintenant largement sorti des Quarantièmes : à 6h ce matin, IDEC naviguait par 37° Sud et 29° Ouest. Mais comme il l’annonçait hier, Francis Joyon commençait à être confronté à des vents faibles qui faisaient chuter la vitesse à moins de 10 noeuds.
Une navigation complexe commence pour s’extirper de l’anticyclone qui barre la route vers les vents d’Est et le Pot au Noir. L’avance sur le record d’Ellen MacArthur s’en ressent légèrement (une cinquantaine de milles) mais elle reste supérieure à 3360 milles. IDEC a bouclé dans la nuit les trois quarts du parcours de son tour du monde en passant au-dessous de la barre des 5400 nautiques (théoriques) restant à couvrir pour boucler la boucle.
Objectif 50 noeuds aux Masters of Speed
Avoir des conditions météorologiques de record de vitesse sur le canal des Saintes-Maries de la Mer, l’un des vœux 2008 des Masters of Speed va être exaucé dès aujourd’hui et demain. En effet, un vent de Sud-Est, soufflant à 40 nœuds, rafales à 50, est attendu dès aujourd’hui.
Finian Maynard, l’homme le plus rapide à la voile de la planète sur une courte distance (48,70 nœuds) attend le moment propice pour s’élancer et tenter de battre son propre chrono.
Mais sont aussi dans les starting blocks : Antoine Albeau, recordman windsurf de France en vitesse (46,55 nœuds), ainsi que David Garrel, Karin Yaggi, Marion Raizy, Cédric Bordes, Pascal Maka, Christophe Simian …
Les masters of Speed en chiffres :
48,70 nœuds : le record du Monde de vitesse absolu à la voile réalisé le 10 avril 2005 par Finian Maynard
500 mètres : la longueur du canal des Saintes-Maries de la Mer
14 : le nombre de titre de Champion du Monde de Windsurf détenu par Björn Dunkerberck
41,25 nœuds : le record du Monde de vitesse féminin en planche à la voile réalisé par la Suisesse Karin Yaggi le 10 avril
46,82 nœuds : le record de Finian à l’Automne 2004, il met fin à l’hégémonie du voilier Yellow Pages
1986 : Pascal MAKA est le premier windsurfer à homologuer un nouveau record avec 38,86 nœuds.
46,55 nœuds : record de France Antoine Albeau
50 nœuds : l’objectif des Masters of speed
Le nouveau bateau de Dee Caffari mis à l’eau
Loin des 40 noeuds qui avaient vu son monocoque démâter lors de la Transat Ecover B to B, Dee Caffari a pu bénéficier de conditions idéales pour les premiers tests en mer de son tout nouvel Imoca : 15-25 noeuds de vent de sud et grand soleil au large de Wellington (Nouvelle Zélande).
Le tout nouveau 60′ Open Aviva avec lequel la britannique Dee Caffari prendra le départ du prochain Vendée Globe a donc tiré ses premiers bords dans des conditions parfaites, en attendant le Vendée Globe, "le plus important challenge de sa carrière", selon les propres termes de la navigatrice.
Ci-dessus, la première photo du nouvel Aviva de Dee Caffari.
IDEC est reparti après 12 heures de calmes
C’est cette journée du 3 janvier qu’ont choisi Francis Joyon et son routeur Jean-Yves Bernot pour traverser la bulle anticyclonique et ses calmes qui barraient la route d’IDEC dans sa remontée de l’Atlantique Sud. Un passage inévitable qui se solde par une douzaine d’heures de calmes et donc de très petites vitesses. Mais à 17 h cet après-midi, le grand trimaran était de nouveau sur des vitesses plus conformes à son potentiel, lesquelles augmentaient de nouveau jusqu’à près de 15 noeuds, après avoir été parfois inférieures à 5 et même à 3 noeuds dans la journée.
"Cela fait trois jours que nous savions qu’il faudrait en passer par là", résume Jean-Yves Bernot, "nous avons donc eu droit logiquement à 12 heures de calmes que Francis a du mettre à profit pour se reposer. Ce matin je lui ai d’ailleurs envoyé un message qui disait : "programme du jour : la sieste! Ce soir, Francis est reparti à 14 noeuds, la bulle se déplace donc bien d’ouest en est comme nous l’avions prévu. Derrière, IDEC commence à toucher des vents globalement de secteur Nord, Nord-Ouest d’abord puis Nord-Est ensuite. Francis va donc devoir faire du près, mais dans 15 à 20 noeuds de vent et sur mer relativement plate, ce qui lui permettra d’atteindre des vitesses de l’ordre de 18 noeuds. En deux bords, avec un virement demain, ce vent de Nord devrait permettre d’aller chercher le 25° Sud où Francis trouvera les vents d’Est pour monter jusqu’à l’équateur."
Cette journée du 3 janvier, une des plus lentes depuis le départ du Tour du Monde (environ 250 milles) ne devrait donc être qu’un coup de frein passager dans la marche du grand trimaran IDEC. Malgré ce ralentissement, Francis Joyon a réussi à conserver 3200 milles d’avance sur le chrono de référence d’Ellen MacArthur, soit près de 6000 kilomètres.


















