Il est plus que commode pour tout le monde de coller l’étiquette de grand favori à Michel Desjoyeaux, premier candidat à sa propre succession, pour sa dernière course sur Géant. Expérience et palmarès hors normes plaident en sa faveur. "Si l’on s’en tient au jeu ridicule des pronostics, alors oui, Mich’", sourit Thomas Coville (Sodebo). "Tout le monde est d’accord pour dire que Michel est le champion toutes catégories", abonde Lionel Lemonchois (Gitana 11), "Pour moi le très grand favori reste Michel Desjoyeaux", surenchérit Franck Cammas (Groupama). Voilà pour le folklore. Sauf qu’en l’occurrence, le jeu est effectivement ridicule et on sait bien que Michel Desjoyeaux ne s’y laissera pas prendre, même s’il aimerait bien "voir l’arrivée du premier si possible dans un miroir" et imiter ainsi le doublé de Laurent Bourgnon. Seulement voilà, il n’y a guère plus que le respect dû au maître dans ces pronostics de comptoir : sur douze trimarans engagés, au moins huit ont l’ambition de gagner. "Dire que Michel est le grand favori, c’est se planquer derrière son petit doigt", rigole sans détour Pascal Bidégorry (Banque Populaire), "moi je n’aime pas les pronostics, mais j’affirme que dix bateaux sur douze peuvent gagner". Yvan Bourgnon (Brossard) acquiesce en écho : "j’ai un bateau compétitif et le bonhomme est bien prêt, mais j’en vois 8 autres qui sont aussi bien préparés que moi!"
Franck Cammas (Groupama) a le privilège d’avoir la machine la plus récente. En équipage, il a tout gagné cette année, mais tempère : "je ne suis surtout pas favori. Groupama est très rapide dans 10 à 15 noeuds de vent, mais si on a ces conditions 70% du temps en Grand Prix, cette proportion tombe à 20% au large. Outre Michel Desjoyeaux, ceux qui ont axé leur préparation exclusivement pour le Rhum comme Thomas Coville, Alain Gautier ou Yvan Bourgnon seront sans doute dangereux." En revanche, il leur manque cette confrontation avec leurs pairs qu’offre la navigation en flotte. "Et jusqu’ici l’expérience prouve que c’est la confrontation qui permet de se forger des victoires", estime Pascal Bidégorry, "mais ça ne veut pas dire que Sodebo et Brossard n’arriveront pas premiers!"
En dix jours?
Entre ceux qui ont opté pour la chasse aux records en solitaire comme Thomas Coville et Yvan Bourgnon et ceux qui ont opté pour le circuit des Grands Prix en équipage, la préparation fut donc radicalement différente. "Pourtant, on a un niveau homogène comme jamais cette année", estime Thomas Coville. Sur son Foncia, Alain Gautier, deux fois deuxième de l’épreuve (en multi en 98, en mono en 94) sera lui aussi un très sérieux prétendant, tout comme le Suisse Stève Ravussin sur Orange Project. Thierry Duprey du Vorsent (Gitana 12) et le jeune Antoine Koch (28 ans, Sopra Group), eux, auront avant tout pour ambition d’apprendre sur cette Route du Rhum – La Banqu Postale, même si des surprises ne sont pas à exclure. Ce sera évidemment bien plus dur pour Claude Thélier (Région Guadeloupe-Terre de Passions) et Gilles Lamiré (Madinina) dont le rêve est avant tout de finir. Ils naviguent sur deux bateaux d’ancienne génération, mais mythiques : l’ex-Primagaz pour Claude Thélier et l’ex- Elf-Aquitaine (puis Gitana IX) pour Gilles Lamiré. A moins de 48 heures du départ – dimanche à 13h02 – le trac quasi inévitable lié à "l’engagement total" (Lemonchois) que représente une transat en solitaire sur un trimaran Orma est quelque peu apaisé par des conditions météos annoncées clémentes dimanche, avec un système anticyclonique et du vent modéré, au moins pour les premières heures de course. Tous se félicitent de cette entame a priori en douceur. Ils savent aussi qu’ils ont de fortes chances de battre le record de Laurent Bourgnon (12 jours et 8 heures). Il faut pour cela naviguer à plus de 12 noeuds de moyenne, une performance évidemment dans les cordes des machines d’aujourd’hui que leurs pilotes mènent parfois au-delà de 25 noeuds. Et la météo semble être de la partie : "il y a un scénario pour glisser assez vite sous l’anticyclone et toucher l’alizé", résume Lionel Lemonchois. "On va traverser en 10 jours", annonce Thomas Coville. "En, 10, 12 ou 14, peu importe, pourvu qu’une fois coupée la ligne d’arrivée je puisse me dire que j’ai fait du bon boulot", assure de son côté Pascal Bidégorry. Le skipper de Banque Populaire ajoute : "la plus belle des victoires, ce serait que 100% des bateaux soient à l’arrivée. Je touche du bois mais ce n’est pas impossible."
Source La Route du Rhum – La Banque Postale