Les derniers milles de Marc Guillemot n’ont pas été de tout repos : du petit temps au Sud de la Nouvelle-écosse dimanche, du vent variable dans la nuit et une brise de Sud-Ouest pour finir ce lundi matin après deux virements de bord. De quoi encore solliciter un corps déjà bien fatigué par cette blessure aux côtes dès le troisième jour de mer ! Mais le Breton est un roc, un menhir, un Bigouden pur beurre qui a préféré perdurer jusqu’à l’arrivée à Boston, en acceptant la douleur et la rétrogradation dans le classement, pour encore accumuler de l’expérience et revenir à La Trinité/mer en solitaire, en compagnie de Loïck Peyron comme cela avait été prévu au départ de Plymouth ! Une persévérance et un courage que tous ont salués à l’arrivée au ponton de Marc Guillemot sur Safran, ce lundi à 10h 18′ 47” UTC (soit 12h 18′ 47” heure française), après 14 jours 21 heures 18 minutes et 47 secondes de course. Et une quatrième place dans cette The Artemis Transat 2008.
Commentaire à terre
Marc Guillemot (Safran) à son arrivée au ponton à Boston
« Super ! La course a été plus longue que je ne l’avais imaginée car par rapport aux conditions normales d’une transat Nord où on enchaîne les dépressions, c’était du petit temps : ce qui veut dire beaucoup plus de travail ! Plus de confort côté humidité et shaker car on pouvait bien dormir dans la bannette, mais beaucoup de présence sur le pont et de manœuvres. A choisir, je me demande si ce n’est pas mieux quand ce sont des conditions normales ! Là, cinq à six manœuvres par nuit au minimum : encore cette nuit, je me suis cogné contre la dérive.
Côté côtes, pendant les trois jours qui ont suivi mon choc, je me suis demandé si cela avait encore un sens de persévérer. Parce que continuer en sachant que je ne pourrais pas être au maximum de mes performances. Et les Açores n’étaient qu’à 300 milles. Mais en réfléchissant, je me suis dit que c’était mieux d’arriver neuvième que de ne pas arriver du tout à Boston ! Et deux jours après, je pensais à la 7ème place, et puis voilà. Mine de rien, j’ai grattouillé des places même si j’étais bien distancé par les premiers. C’est la particularité de cette transat Est-Ouest : quand tu pars par devant, tu creuses l’écart puisque tu es en avance sur le système qui arrive sur toi ; a contrario de l’autre sens de la traversée de l’Atlantique où tu peux être ralenti devant et rattrapé par tes poursuivants. De Plymouth à Boston, les premiers ne font qu’amplifier leur avance. Ils touchent toujours les nouvelles conditions en premier. Bravo à eux ! Bravo à Loïck qui a fait une superbe course. »
Un peu moins d’une journée
Pour l’attribution de la cinquième place de The Artemis Transat, Samantha Davies (Roxy) semble à l’abri d’un retour du duo qui ne s’est pas lâché depuis Plymouth ! La jeune Britannique a réussi avec brio à s’échapper dans une dernière zone de molle la nuit dernière. Et comme justement, le vent de Sud-Ouest s’installe désormais au large des côtes américaines, les possibilités tactiques sont quasi nulles et ce n’est qu’une longue ligne droite vers l’arrivée qui ne devrait pas avantager un bateau plus que l’autre. Sam Davies devrait donc logiquement franchir la ligne devant Boston entre minuit et trois heures du matin (heure française) puisqu’elle avait moins de 130 milles à parcourir ce lundi après-midi.
Avec plus de soixante dix milles de retard, Arnaud Boissières (Akena Vérandas) ne se faisait plus d’illusion pour cette cinquième place mais surveillait attentivement son camarade Yannick Bestaven (Cervin EnR) qui a choisi de se caler à son vent en prévision d’une rotation lente de la brise vers le Sud. Seule une huitaine de milles séparent les deux anciens de la Mini Transat mais, avec cette petit différence d’angle due à un écart latéral, le final est très ouvert et de toutes façons, les distances à l’arrivée à Boston seront infimes entre ces deux solitaires. A leur suite, Dee Caffari (Aviva) va leur concéder une demie journée et Steve White (Spirit of Weymouth), une journée entière. Tous les monocoques Imoca encore en course seront donc à Boston avant les premiers Class’40 attendus en fin de journée mercredi.
Commentaire en mer
Arnaud Boissières (Akena Vérandas)
« C’est quasiment ma dernière nuit en mer ! Le jour s’est levé depuis trois heures : c’était une nuit fraîche, et j’ai viré de bord avant Cervin. Je suis passé juste derrière lui et je fais route vers Boston, direct. Il n’y aura qu’à réduire la toile quand le vent va monter. Et arriver le plus vite possible ! Samantha a passé une super nuit car elle nous a bien largué. Moi, j’ai réussi à grappiller deux-trois milles sur Yannick par ci par là. On verra bien à l’arrivée, demain mardi en fin de nuit. On a quinze nœuds mais ça va monter à vingt-cinq nœuds de Sud à Sud-Ouest, au débridé ! Et puis voilà. Un bon reaching pour terminer même s’il y a un peu de stress d’avoir un bateau derrière moi, mais très proche. Il y a de plus en plus de trafic ici. Et puis voilà. »
Yannick Bestaven (Cervin EnR)
« Ca glisse bien pile poil sur la route directe à douze nœuds. C’est une course de vitesse avec Arnaud, qui est devant moi mais sous mon vent, plus au Nord ! On va voir ce qui va se passer quand le vent va tourner plus au Sud. C’est pour ça que je me suis décalé plus au Sud : ça va être serré sur la ligne d’arrivée. On devrait arriver en matinée (heure française). La nuit dernière, dans le petit temps, Samantha s’est échappée ! J’étais collé dans cette bulle : un triste sort que le mien. Le bilan personnel de cette première transat sur l’Atlantique Nord est d’abord sa variété : on a eu tous les types de temps, du près et du portant, des calmes et du vent fort ! Je suis content des progrès de mon bateau depuis l’année dernière. Même si j’ai encore du mal au près par exemple, l’amélioration est sensible par rapport à Roxy. J’arrive à la tenir sans avoir perdu de potentiel dans les allures débridées où Cervin est toujours aussi rapide. A bord, tout est en état ! C’est une bonne nouvelle quand on voit de belles machines toutes neuves qui rentrent à la maison : il y aura du match à la fin de l’année aux Sables d’Olonne ! Ce sera plein de rebondissements. Cette transat a vraiment été bien pour moi, pour la suite du programme. Après, je monte à Québec et en équipage, on fera la transat Québec-Saint Malo en juillet prochain, avec un superbe parcours sur le Saint Laurent. »
Le sacre du printemps
En ce printemps plutôt calme sur l’Atlantique Nord, Loïck Peyron peut savourer un succès exceptionnel puisque sur cinq participations à cette transat, il s’en est offert trois ! La « reine des transat » comme l’on surnomme la plus ancienne épreuve en solitaire de toute l’histoire de la voile océanique, a ainsi été « honorée » par ce courtisan français, ce « ménestrel » du multicoque passé aux aubades du monocoque. Par trois fois ! Artiste de la viole et virtuose de la voile, ce troubadour des flots a fait succomber de ses accords monocordes, Artemis déesse grecque de la chasse, fille de Zeus et gardienne de la Lune. Un astre qui a illuminé le marathon de Loïck Peyron qui, détaché du peloton à l’occasion d’une porte glaciaire, dut se détourner pour porter assistance à Vincent Riou. Autre travail, comme les douze d’Hercule, avant de déclamer son ode à cette treizième transat. Loïck III, enfin sacré roi de l’Atlantique Nord ! Et quelle préparation avant le Vendée Globe, lorsque les deux dernières épreuves en solitaire lui sont dévolues. Le long ruban de la mer océane qui mène jusqu’aux Sables dorés de la conquête du globe, se déroulera-t-il devant son sillage magistral.
Commentaire à terre
Loïck Peyron (Gitana Eighty)
« C’est avec cette course que tout a commencée en France, alors la gagner trois fois est forcément une incroyable satisfaction ! Je crois que lorsque l’on fait du bateau à voile en France, nous le devons quelque part à Eric Tabarly. Nous marchons tous sur ses traces . Mais paradoxalement, j’ai moins pensé à lui cette année que lors de ma victoire en 1996. Il s’agit de ma troisième victoire sur cette épreuve mais de la première en monocoque. Et je suis particulièrement heureux de l’offrir au Gitana Team. J’ai une équipe exceptionnelle, qui peut travailler en toute confiance grâce au soutien inconditionnel d’un armateur tout autant passionné que passionnant : le Baron Benjamin de Rothschild. En deux ans, le Gitana Team remporte deux épreuves majeures en solitaire : la Route du Rhum 2006 brillamment enlevée par Lionel Lemonchois et cette année la Transat Anglaise. C’est une belle récompense pour tout ce travail d’équipe. Je suis heureux mais fatigué ! Ce sont des bateaux physiquement très fatigants. Faire des traversées sur ces monocoques est beaucoup moins stressant que sur les multicoques mais c’est aussi beaucoup plus physique. Il y a du travail en permanence pour tirer la quintessence de nos machines. Gitana Eighty est un bateau bien né, un « beau bébé » qui me donne pleine satisfaction. Et la très bonne nouvelle de cette transat est que malgré mon grand âge j’arrive à tenir la cadence (rires). On apprend tous les jours et c’est pour cela que je continue. Ma victoire dans la Transat BtoB en décembre dernier, et celle-ci me mettent en confiance mais le Vendée Globe sera une autre histoire. Il y a de très sérieux clients . un casting hallucinant où tout se jouera au détail. Avec ces nouvelles générations de bateaux, nous sommes en mode régate en permanence : sur cette transat, c’était du figaro à l’échelle Atlantique et dans quelques mois ce sera du figaro à l’échelle planétaire. »
Classement du lundi 26 mai à 16h00 (heure française)
1- Loïck Peyron (Gitana Eighty) le samedi 24 mai à 3h15’35” UTC en 12j 11h 45′ 35 (redressement de 2h30 du Jury inclus)
2- Armel Le Cléac’h (Brit Air) en 12j 19h 28′ 40” à 7h 43′ 05” du premier
3- Yann Eliès (Generali) en 13j 15h 00′ 22” à 1j 3h 14′ 47” du premier
4-Marc Guillemot (Safran) en 14j 21h 18′ 47” à 2j 9h 33′ 12” du premier
5- Samantha Davies (Roxy) à 107 milles de l’arrivée
6- Arnaud Boissières (Akena Vérandas) à 174 milles
7- Yannick Bestaven (Cervin EnR) à 180 milles
8- Dee Caffari (Aviva) à 304 milles
9- Steve White (Spirit of Weymouth) à 393 milles
Abandon- Vincent Riou (PRB)
Abandon- Unai Basurko (Pakea Biskaia 2009)
Abandon- Sébastien Josse (BT)
Abandon- Michel Desjoyeaux (Foncia)