L´Empire du milieu s´éveille à l´America.

China Team à Valence 2006
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 L’équipe est née en mars 2005, du rapprochement entre l’homme d’affaire Wang Shao Yong, diplômé de Harvard, aujourd’hui dans le top 10 des entrepreneurs chinois, et le trio De Lesquen-Gellusseau-Mas, à la tête du défi français en 2000 et 2003. China Team, aussi prononcé Djong Gouo Djé Tué, littéralement « l’équipe de l’empire du milieu », a fait son entrée dans la compétition en juin dernier. Depuis, le budget tarde à décoller. Le matériel fatigue et la base sur le port America’s Cup ne sera livrée qu’en août. Mais l’équipe franco-chinoise  vit à Valence une aventure bien différente de celle de ses voisins  fortunés. 

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La quête de l’Aiguière d’argent a toujours révélé des pays émergeants.  Lorsqu’en 1851, la goélette américaine vient chiper la « Coupe des  Cents Guinées » aux anglais, l’Europe découvre la jeune puissance  outre Atlantique. L’Océanie reprendra le flambeau 132 ans plus tard, avec la victoire australienne. L’Asie entrera en scène en 1992 avec le premier syndicat nippon. Le Japon occupe alors le 3 e rang industriel mondial. Et en 1995, le petit poucet néo-zélandais écrasera le colosse américain à San Diego. A l’heure où l’économie mondiale retient son souffle devant l’éveil du dragon chinois, l’arrivée du géant communiste dans l’un des événements phares du capitalisme occidental illustre une nouvelle fois le rôle de l’America’s Cup, au delà du sport.

Dans ce pays où les marinas et les chantiers poussent comme des champignons (noirs), la fédération de voile chinoise ne regroupe que  600 adhérents ! Intéresser la Chine à ce sport constitue donc un sacré défi. A l’Est de la grande muraille, la Coupe a déjà eu sa première
heure de gloire. En février, une émission de variété, présentant l’événement aux côtés des plus grandes stars du pays, a réuni 235 millions de téléspectateurs !

En prévision des J.O 2008 à Pékin, la « Chinese Yachting Association » (CYA) met le paquet. Des sportifs ont été recrutés au quatre coins du pays pour former l’équipe olympique de voile. C’est le cas de Whang Jue, 22 ans. En sport étude rugby à Shanghai, la fédération l’a recruté en 2002 pour préparer les Jeux en Laser. « Je n’étais jamais monté sur un bateau, cela m’a paru simple à manier, même si la technique de la régate est plus compliquée. » Il participera aux sélections du China Team organisés cet hiver, à Hong Kong puis Shenzhen : « Dès le premier jour, j’ai su que je voulais aller à Valence pour la Coupe » même s’il a du mal à l’expliquer, sinon "pour le défi sportif sûrement ».

Cinq chinois et deux singapouriens, issus en majorité de la voile légère, régatent à bord de l’ex-FRA 79, aujourd’hui CHN 79. Deux  traducteurs, l’un français, l’autre chinois, jouent au quotidien le trait d’union. Hubert Lemonnier, diplômé en commerce international à Shanghai, juge que « la différence majeure entre ces deux cultures réside dans le rapport à la hiérarchie. Les Chinois respectent les ordres, là où les français contesteraient. Ils apprennent vite, mais  ne laissent pas de place à l’interprétation personnelle, donc à l’initiative. » Pierre Mas, directeur sportif et barreur, considère lui que la difficulté reste avant tout sportive : « Ce n’est pas un problème de culture, ils écoutent, reproduisent ce qu’on leur montre mais ne comprennent pas la régate sur ces bateaux et cela nous prendra du temps. »

En juillet, un nouveau défi attend l’équipe. La construction du tout premier Class America chinois débutera à 200 kilomètres de Hong Kong. Obligation du règlement, les concurrents doivent faire naître leur bateau dans leur pays d’origine avant de rejoindre l’Espagne. C’est la  première fois qu’un bateau en carbone de cette taille sera construit  en Chine. 
 
Julia Huvé