L’effet Cyrano

Trimaran Géant
DR

Un roc, un pic, un cap ou une péninsule : en soufflant sur les reliefs, le vent a tendance à être dévié. Et s’il vient de la mer sur une falaise, il doit s’élever en altitude, créant une molle au vent de la côte, d’autant plus marquée que la brise est faible : c’est une zone tampon ou  un « effet Cyrano » lorsque le relief est en pointe car il y a alors contournement de la brise autour du cap, donc rotation importante. Bref, le choix l’aller raser Saint Vincent (où l’Amiral de Tourville vainquit la flotte anglo-hollandaise en 1693) a ses défenseurs et ses opposants. De fait, la situation météo n’est pas très habituelle dans cette zone puisqu’une bulle anticyclonique se positionne devant le détroit de Gibraltar générant normalement un flux d’Ouest faible le long de la côte et des calmes au large. Le problème est que cette bulle va « exploser » dans les heures qui viennent pour laisser place à un léger flux de secteur Sud-Ouest sur le détroit de Gibraltar… Le timing de ce déplacement de situation est difficile à déterminer et c’est bien là le souci des six navigateurs : prendre ce qu’il y a tout de suite et voir après, ou anticiper une évolution et se placer en fonction ?
 
En tout cas, après plus de 650 milles parcouru depuis le départ de Lorient, la flotte se retrouve dans un mouchoir de poche : 45 milles d’écart entre le premier, Banque Populaire et le dernier, Gitana X ! Et ce malgré une journée de brise portante, une journée de près dans du médium puis dans du vent mollissant… Le tout avec des options radicalement opposées qui finissent par arriver en même temps au même point ! Le cap Saint Vincent redistribue les cartes puisque Franck Cammas est désormais derrière Pascal Bidégorry et Michel Desjoyeaux et il devrait ensuite laisser passer devant ses étraves Frédéric Le Peutrec, ce dernier étant à quelques milles de la pointe, le mieux placer pour le franchir en tête. Et derrière cette « bande des quatre », Armel Le Cléac’h a retrouvé des ailes en naviguant sur son flotteur bâbord et Thierry Duprey du Vorsent est lui aussi à distance raisonnable pour ne pas se faire décrocher.
 
La difficulté reste toutefois devant : comment traverser la baie de Cadix jusqu’à Gibraltar ? Il y a probablement un effet thermique sur la pointe Sud du Portugal mais avec le soleil qui va se coucher, le vent synoptique va reprendre ses droits… et ils semblent bien faibles. Les gennakers vont fleurir mais les vitesses ne vont pas aller crescendo, du moins pour la nuit. A moins que la bulle du détroit ne daigne se résorber plus vite que prévue. Le point de 19h00 devrait nous éclairer sur la véritable hiérarchie après ce cap… de la peine.

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