En fait, à part les cinq premiers qui cachent certainement des soucis techniques pour ne pas dévoiler un handicap plus ou moins marqué, et Samantha Davies (Roxy) qui semble survoler autant les océans que les avaries ou les interrogations métaphysiques, presque personne n’a été épargné par les problèmes matériels, et pratiquement tout le monde a subi des avaries dans l’Indien. Un océan qui va enfin être dans le tableau arrière des deux compères, Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) et Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) : logiquement lundi soir, ils seront tous les deux entrés en Pacifique… quand le leader Michel Desjoyeaux (Foncia) naviguera déjà dans l’Atlantique ! Un océan d’écart et pas n’importe lequel : le plus grand, avec presque 6 000 milles de différentiel. Et comme souvent lors d’un Vendée Globe, les premiers sont semble-t-il moins touchés par les avaries mineures que les derniers qui devront passer plus d’un mois supplémentaire en mer avant d’être acclamés en embouquant le chenal des Sables d’Olonne…
Tout fatigue…
Et la lassitude se fait sentir lors des vacations radio, à l’image de celle de Jean Le Cam (VM Matériaux) qui était marqué du sceau de la fatigue, de la volonté d’en finir avec ces mers du Sud, d’enfin pouvoir parer ce cap Horn pour remonter vers la « maison ». Laminés, plusieurs solitaires le sont sans conteste quand les ennuis succèdent aux problèmes : Jonny Malbon (Artemis) ne sait plus comment réparer sa grand voile qui se délamine ! Il a beau coller des patchs pour éviter que cette séparation entre les fibres de Kevlar et le film en Mylar qui fait office de support, ne se propage, c’est une opération de dernier secours quand on sait que le jeune Britannique n’en est qu’à la mi-parcours… À plus de 12 000 milles des Sables d’Olonne ! Et le problème semble identique pour Dee Caffari (Aviva) qui voit sa grand voile se dégrader à vitesse grand « V » sans avoir les moyens d’intervenir efficacement pour « suturer la plaie » : délaminage égale affaiblissement à court terme, puis déchirure, voilure réduite, voire grand voile inutilisable… En bricolant avec de la résine de stratification et du joint Sikaflex, cela semble les dernières cartouches dont dispose la navigatrice anglaise !
Car si les premiers peuvent encore supporter un coup de vent qui a des allures de tempête, sachant que c’est pratiquement l’ultime redoutable obstacle à surmonter, la situation n’est pas la même lorsqu’il faut doubler la mise (ou presque), en termes de distance au but et de temps passé en mer. Les marins savent que la Nouvelle-Zélande est quasiment le dernier repli possible dans le Pacifique et qu’une fois à plus de 2 000 milles d’Auckland, c’est dans la région du monde la plus isolée qu’il faudra se débrouiller, seul : les uniques portes de secours se situent à des milliers de milles, au Chili ou en Polynésie…
Si les conditions semblaient propices à de bonnes glissades pour Vincent Riou (PRB) et Armel Le Cléac’h (Brit Air) samedi midi, c’est parce que les deux hommes étaient en bordure de dépression, une dépression proche de l’Antarctique (mer de Bellingshausen) qui se renforce par une perturbation secondaire qui s’enroule autour de la première… 40 nœuds minimum de Nord-Ouest pour les trois premiers qui doivent aussi faire avec une mer qui ne s’est toujours pas rangée ! Le vent devant mollir par le large en tournant à l’Ouest, le leader a choisi d’aller à la rencontre de la bascule pour sortir plus tôt de la tempête quand ses deux poursuivants préféraient naviguer avec des déferlantes moins méchantes en se rapprochant du continent Sud américain.
En tout cas, Michel Desjoyeaux devrait être le premier au cap Horn, à ce rythme probablement dimanche juste avant minuit avec quelques heures (entre 2 et 4 heures) seulement de marge sur son dauphin, Roland Jourdain (Veolia Environnement). Normalement, le vent sera plus coopératif à leur passage devant le « caillou » avec une vingtaine de nœuds de secteur Ouest et un ciel dégagé… Mais allez savoir dans ces coins où la confrontation des masses d’air et des masses d’eau, la barrière de la Cordillère des Andes et la proximité de la péninsule Antarctique (le détroit de Drake fait à peine 500 milles de large !). La suite s’annonce pas si évidente que cela, puisque la brise va enfin mollir dans le Pacifique après cette grosse perturbation… pour se renforcer de nouveau en milieu de semaine ! Enfin, saluons la superbe performance de Samantha Davies qui a largement dépassé les 400 milles quotidien ce samedi avec le meilleur score du jour : 409,6 milles en 24h, soit 17,06 nœuds de moyenne…
Les 5 premiers au pointage de 16h00
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 7597,2 milles de l’arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 56 milles du leader
3- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 424 milles
4- Vincent Riou (PRB) à 661,6 milles
5- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 683,3 milles du premier
Classement des premiers étrangers
6- Sam Davies (Roxy) à 2040,4 milles du premier
8- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 2612,6 milles du premier
9- Dee Caffari (Aviva) à 2833,1 milles du premier