La Transat relancée ?

Bretagne - CMB Performance - Xavier Macaire

Le suspens est remonté d’un cran au passage du Cap Vert avec la bonne opération de Cercle Vert qui n’a pas suivi les leaders et passe les îles par le nord. « C’est un nouveau départ, c’est parfait, ça va relancer le match pour la suite. » racontait Gildas Mahé à bord de Generali à la vacation de midi. Qui aurait cru qu’à 800 km au large de Dakar, la flotte de la 13e édition de la Transat AG2R LA MONDIALE allait continuer à régater aussi serré ! Au beau milieu de la couronne du cap Vert, quatre bateaux bataillent pour une place au soleil à Saint-Barth : Gedimat contre Agir Recouvrement et Generali contre Bretagne – CMB Performance. Quant aux trois derniers équipages (Cuisines Ixina, Free Dom Services à Domicile et Lorientreprendre), ils vivent depuis plus de 48h, l’enfer de tout marin : la pétole (absence de vent).

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La porte s’est refermée violemment pour la queue de flotte. Tandis que les leaders cavalaient le long des côtes du Sahara et entamaient leur traversée de l’Atlantique, la queue de peloton commençait à atteindre les Canaries péniblement. Très péniblement. Jugez plutôt : Stéphanie Jadaud et Tolga Pamir à bord de Free Dom Services à Domicile ont parcouru 4 milles soit 7 km en 24h… De quoi s’arracher les cheveux surtout quand les camarades de devant en avalent bien plus : 180 milles, soit 324 km dans le même temps. N’empêche, les marins le savent bien, la météo demeure la maîtresse du jeu sur l’échiquier atlantique, il faut savoir être patient avec l’espoir que la revanche ait bien lieu. « C’est quand même dur de vivre tout ça quand on est régatier » confiait ce midi Tanguy Le Turquais (Cuisines Ixina), dont l’optimisme n’est pourtant pas encore ébranlé…

Le pari de Cercle Vert
Gildas Morvan et Alexis Loison jouent le tout pour le tout. Accumulant du retard depuis le golfe de Gascogne, les deux compères ont choisi une trajectoire bien différente. Autant tenter un coup plutôt que s’aligner derrière ! Les voilà donc au nord de l’archipel du cap Vert, alors que six autres bateaux continuent de descendre, à naviguer entre les dévents et les accélérations des îles. Le choix de se rapprocher de la route directe portera t’il ses fruits ? Météo Consult prévoit toujours des vents plus forts dans le sud… Cercle Vert abat ses cartes.

Avantage Gedimat
Dans la bataille d’empannages, le tandem Chabagny/Tabarly est en pointe sur la route sud… 1 petit mille devant Hardy/Biarnès sur Agir Recouvrement. C’est aujourd’hui le sixième jour que les deux équipages naviguent à vue et se contrôlent en permanence. Imaginez que de jour comme de nuit, ils se surveillent, affinent leurs réglages, s’observent pour ne pas se laisser distancer. C’est le prix à payer et toute la difficulté d’une course à armes égales. Seuls les hommes font la différence.

De Gedimat à Bellocq Paysages – Saveurs de Cornouaille, 5 Figaro Bénéteau régatent à couteaux tirés au beau milieu des 10 îles, dans une faune marine impressionnante. Les skippers, depuis la nuit dernière, accueillent poissons volants et autres calamars sur le pont, voire sur le front, et naviguent parmi les dauphins et les cachalots. Une transat AG2R LA MONDIALE qui ne manque pas de sel depuis le départ de Concarneau le 3 avril dernier.

LA PHRASE DU JOUR
« On est passé très proche d’une baleine ou d’un cachalot et on voit des dauphins tous les jours. Un oiseau s’est aussi posé une nuit à bord du bateau pour se reposer. » Arthur Prat, Les Saintes

ILS ONT DIT OU ECRIT

Milan Kolacek, Fulgur Evapco : « On a 20 nœuds, sous spi, c’est très sympa. On peut rattraper le déficit de sommeil. Et se requinquer pour la deuxième partie du parcours. On va chercher l’opportunité de descendre un peu plus sud dès que possible. Aujourd’hui, on va traverser l’archipel du cap Vert. Nous avons discuté pour savoir où passer pour bénéficier d’un renforcement du vent entre les îles. On a déjà choisi la route et on est déjà placé pour ça. Entre Sao Nicolau et une petite île dessous. Nous avons pas mal progressé hier. Je crois qu’on a trouvé la vitesse du bateau. Je pense qu’on sait mieux comment faire marcher le bateau. Nous allons essayer de rattraper nos deux plus proches concurrents. Hier, c’était énorme. On a vu peut-être 200 dauphins, c’était magnifique. »

Arthur Prat, Les Saintes : « Ce matin, en regardant les positions, nous avons vu que notre nuit avait été assez productive. On a fait un pari en poussant le bord vers le sud et apparemment, ça a payé. Il reste encore un paquet de milles pour rattraper les gars devant. Mais ça remonte le moral et c’est cool. Nous serons dans une douzaine d’heures au cap Vert. On a 20 nœuds avec une mer désordonnée, mais on glisse bien. On espère que ça tiendra toute la journée. Hier, on a eu une mer difficile. C’était un calvaire à la barre, mais bon, c’est le jeu. Niveau énergie, nous ne sommes pas trop mal. Même si à chaque fin de nuit, on manque toujours un peu de jus. Mais on est près pour la 2e partie de la course ! Tous les jours, on fait le tour du matériel. On ne veut pas qu’un petit problème se transforme en gros pépin. Côté physique, comme nous passons des heures et des heures au poste de barre, on commence à avoir les fesses irritées. Les mains sont tuméfiées, gonflées et abîmées par la manip des bouts. Mais rien d’intolérable, Nous sommes habitués. Pour l’instant, je préfère cette édition à notre première il y a deux ans. En 2014, on avait opté pour l’option nord et ça avait été difficile. Là, ce sera plus long en distance mais c’est plutôt sympa. Le fait d’être H24 sur l’eau avec les concurrents qu’on a là, on progresse, on apprend des petits trucs tous les jours. C’est tout bénef pour nous ! Hier, on est passé très proche d’une baleine ou d’un cachalot. Autrement, des dauphins tous les jours. Un oiseau s’est aussi posé une nuit à bord du bateau pour se reposer ».

Gildas Mahé, Generali : « Nous sommes repassés devant Bretagne – CMB Performance. On le voit, à 2 milles de nous. C’est un nouveau départ, c’est parfait, ça va relancer le match pour la suite. On a choisi un passage pour être préservé des influences des îles. On est dans un flux d’alizé légèrement mollissant mais pas trop perturbé par les îles. Ça fait quelques jours que c’est de la descente sur le fil du rasoir. Ça demande beaucoup de précision. Là, on a un référentiel permanent avec Bretagne CMB Performance que l’on peut suivre à l’AIS. Ça nous permet d’avancer vite dans l’archipel en attendant le croisement avec Agir Recouvrement et Gedimat. Le ciel est couvert, on ne voit pas grand-chose, c’est dommage, j’aurais bien vu un peu mieux le Cap Vert où je ne suis jamais allé. Il y a beaucoup de poissons volants. Nico en a pris un dans la tempe ! Il s’est même pris un calamar. On dirait qu’il les attire ! On regarde aussi la quille et les appendices en permanence car il y a du plastique un peu partout dans l’océan. »

Tanguy Le Turquais, Cuisine Ixina : « Dans ma tête, il se passe plein de choses. J’en ai un peu marre. On est bloqué dans la pétole. Il faut être très patient ! On regarde le stock de nourriture, de gasoil, d’eau. Il nous reste 16 jours d’autonomie. Après, il faudra se rationner. On regarde la météo mais on ne sait pas quand ça va se débloquer. Normalement, on devrait avoir 7 nœuds de vent vers 22h ce soir. Là, on a 3 nœuds. Il est possible qu’on reste toujours englué dans la dorsale si on n’arrive pas à avancer un peu. On est quand même plus chanceux que les deux de derrière. On a une toute petite porte de sortie. Pour l’instant, on est dans le timing pour pouvoir la prendre. Pour ceux qui sont plus au nord, ça risque d’être très très compliqué. On a eu un coup de mou hier. C’est dur de vivre tout ça quand on est régatier… Là, tu m’appelles à un moment où les nerfs sont bien tendus. J’espère que je vais arriver à me détendre. On souhaite de tout cœur voir Saint Barth. On veut voir Saint – Barth et on va tout faire pour ! »

LE CLASSEMENT 13 AVRIL 16H00
1- CERCLE VERT (Gildas Morvan- Alexis Loison) à 2199, 20 milles de l’arrivée
2- GEDIMAT (Thierry Chabagny-Erwan Tabarly) à 18,57 milles du premier
3- AGIR RECOUVREMENT (Adrien Hardy-Vincent Biarnes) à 19,93 milles du premier
4- FULGUR-EVAPCO (Milan Kolacek-Pierre Brasseur) à 32,35 milles du premier
5- GENERALI (Nicolas Lunven-Gildas Mahe) à 37,49 milles du premier