Toute la difficulté est de savoir innover au bon moment. Trop tôt, on prend le risque de développer un concept qui n’est pas suffisamment abouti, trop tard, on aura laissé la concurrence prendre le dessus. On a vu ainsi quelques bateaux « révolutionnaires » avoir des carrières d’une brièveté exemplaire, comme un prototype dénommée « Babouche », taillé en lame de couteau et sur lequel le skipper ne pouvait tenir sur le pont. Heureusement, il chavira en baie de Concarneau avant même de prendre le départ de la Mini Transat 1987. Pour d’autres, la mise au point d’un concept novateur est une affaire de temps et de conviction.
Quand David Raison mit à l’eau son Magnum, le cercle des sceptiques était largement fourni. « C’est un bateau qui m’a demandé une longue mise au point. Tout d’abord, parce que certains procédés innovants comme la quille basculante tout en pouvant être plus ou moins descendue, demandent une parfaite maîtrise des processus de manœuvre. Mais aussi, parce que la carène implique une autre manière de naviguer. On ne recherche pas les mêmes angles au près comme aux allures portantes… » Même son de cloche chez Samuel Manuard, architecte de plusieurs prototypes pouvant prétendre à la victoire : « Aujourd’hui, on constate que les coureurs doivent passer de plus en plus de temps sur l’eau. L’adéquation entre le solitaire et son bateau reste le paramètre premier. Mieux vaut disposer parfois d’une machine un peu plus simple, que l’on saura utiliser au mieux, que d’une usine à gaz que l’on ne maitrisera pas. Après certains projets sont plus novateurs que d’autres. Quand David Raison dessine son Magnum, il saute un pas, mais la tendance lourde est là depuis plusieurs années d’avoir des bateaux de plus en plus puissants devant. »
C’est la même philosophie radicale qu’applique Dominique Pédron, de la société Isotop, quand il décide de construire un Mini équipé du DSS, une sorte de foil horizontal amovible d’un bord sur l’autre, censé compenser l’efficacité d’une quille pendulaire par un appui dynamique sous le vent. Jean Saucet, collaborateur du projet tire les premiers bilans : « On a pu voir que le bateau était très rapide au près dans le petit temps, mais on manque d’appuis dans de la brise. Pour que le foil soit efficace, il faut de la vitesse et c’est cette phase de transition qu’il nous faut travailler. » Le DSS est-il la solution d’avenir chez les Minis ? En tous les cas, c’est un projet à suivre.
Un seul nouveau proto en lice
Il reste que dans le contexte économique actuel, les nouveaux prototypes ne sont pas légions. Pour cette édition 2013, un seul nouveau prototype verra le jour et les architectes les plus reconnus n’ont pas enregistré une seule commande depuis plus de deux ans. « Le contexte général n’est pas porteur, c’est certain. Et paradoxalement, le changement de parcours a rendu les coureurs encore plus hésitants. Pour beaucoup c’est : attendons de voir les bateaux qui ont marché en 2013 pour prendre des décisions pour 2015 » confirme David Raison. « La prise de risque financière est un frein évident à la créativité. Aujourd’hui, ce sont plutôt les coureurs qui auraient tendance à freiner devant toute proposition trop différente » souligne Samuel Manuard. Alors, on joue sur des améliorations de détail : augmenter la possibilité de quête longitudinale d’un mât, travailler sur des système permettant de régler les bouts dehors en hauteur, installer un appendice sur le tableau arrière pour modifier les filets d’eau et gagner en stabilité aux allures portantes, enlever les ballasts en prévision d’un parcours proche du vent arrière…