Le Baulois Loïck Peyron était le premier parvenu en vue de la ligne, fonçant sous gennaker au ras du côté français du rivage. Russel Coutts et Philippe Cardis étaient à ce moment au côté totalement opposé du plan d’eau. D’empannages en empannages, de risées en trous d’air, le jeu était à plusieurs reprises redistribué à l’avantage de l’un et de l’autre. Russel Coutts, rivé à sa barre y croyait jusqu’au bout et soufflait d’un empannage la victoire.
Ils étaient finalement 577 embarcations à une, deux ou trois coques à s’être élancé ce matin deux minutes après 9 heures sur la légendaire ligne de départ du 68ème Bol d’Or Rolex qui barre devant « la nautique » toute la largeur du Léman. Sans doute alerté par tant d’animation, le vent, aux abonnés absent au moment du coup de canon libérateur, faisait une timide puis plus franche apparition au fur et à mesure que les voiliers partis majoritairement bâbord amure vers le côté français du lac se déhalaient, grands gennakers déployés sous un soleil blafard. Les ténors de la spectaculaire catégorie des Décisions 35 étaient prompts à se mettre en évidence. Alain Gautier (Foncia Switzerland), à la lutte avec les étonnants petits catamarans M2 Team New Wave et Flam, tenait un moment le commandement devant Loïck Peyron (Okalys) et l’équipage d’Ernesto Bertarelli (Alinghi). Le vent mieux établi au secteur Est pour 5 à 6 nouds permettait déjà aux petits M2 de « lever la patte » et de s’accrocher dans le sillage des catas de 35 pieds. Deux heures plus tard, la tête de la flotte croisait devant Yvoire et quittait la partie basse du Léman connut ici sous l’appellation de « petit lac ».
La magie du Bol d’Or Rolex a une nouvelle fois opéré ce matin quand le coup de canon a libéré la flotte pour 80 milles de course d’un bout à l’autre du lac Léman. Et peu importe finalement que les 577 bateaux n’aient pour leurs premiers hectomètres bénéficié que d’un flux anémié d’Est. Dans le sillage d’une centaine de bateaux spectateurs de toute taille et de toute provenance, les voiliers accéléraient gentiment au ras du côté français du lac, avant de s’égayer au rythme des changements de bords sur toute la surface du plan d’eau. Et de toute la diversité des embarcations présentes, les protos les plus sportifs transformaient le moindre souffle de vent en vitesse, à l’image de Full Pelt à Joe Richards et du Psaros 40 « Syz and Co » de Jean Psarofaghis ou Alex Schneiter et son « Tilt », déjà loin devant l’immense flotte des monocoques.
Thonon en 3 heures.
Peu avant midi, et alors que le vent ne dépassait toujours pas les 6 nouds, la tête de la flotte emmenée par les Decision 35 progressait au gré des risées entre 5 et 10 nouds de vitesse. Preuve de la concentration et de l’énergie déployée aux réglages, les équipages parvenaient travers au vent à monter sur un flotteur, accélérant soudain à plus de 12 nouds. Les avantages encore peu significatifs se faisaient et se défaisaient au rythme des changements de bord. Alinghi en tête depuis Versoix voyait le retour de Jean-François Demolle (Cadence) et de Philippe Cardis (Julius Baer). Plus en retrait, au sortir du « petit » lac, les Psaros 40, superbes concentrés de technologie carbone tombait dans un trou de vent et Alex Schneiter (Tilt), Nicolas Engel (Taillevent II) et Eric Delaye (Oyster Funds) se trouvaient un moment complètement à l’arrêt. C’est le moment que choisissait une partie de la flotte des M2 pour se diviser, Tilt, Orusla et Flam partant résolument vers Rolle, tandis que Team New Wave, GLG Finances et Star Logistiques piquaient vers Thonon.
Le Bouveret en 5 heures 40!
Il aura donc fallu 5 heures et 40 minutes aux leaders pour franchir la marque du Bouveret et amorcer le retour vers Genève. Cadence s’est présenté le premier à 14 heures 42, suivi d’Alinghi, de Banque Gonet et son skipper Russel Coutts, Julius Baer puis Foncia, dans un vent qui avait alors totalement déserté le plan d’eau. Loick Peyron et Okalys restaient un moment « scotchés», et se voyaient doublés par le M2 Team New Wave de Bertrand Geiser bien revenu de sa route plus nord près de Lausanne. Loïck enroulait la bouée et relançait immédiatement vers le côté Suisse du plan d’eau. Option gagnante qui voyait son Okalys et Julius Baer, puis Banque Gonet suivi du Foncia d’Alain Gautier s’envoler à près de 10 nouds vers Cully tandis qu’Alinghi et Cadence multipliaient les empannages dans les petits airs sous les montagnes françaises, sur une route certes plus courte mais ô combien risquée sous le dévent des reliefs. Ils y croisaient les premiers monocoques emmenés par Taillevent II. Et alors que les multis repartaient sous gennaker, les premiers « Surprise », classe riche d’une centaine d’unités, passaient devant Rolle, étalés sur toute la largeur du lac . « Nous avons pris un super départ » racontait Xavier Lecoeur, barreur de « Mirabaud 2 », « mais notre bord prolongé vers Yvoire n’a pas payé. On s’est bagarré toute la journée dans du vent faible, 3 à 4 nouds, suffisant pour garder les voiles gonflées et régater avec les bateaux de notre classe. La différence se fait alors sur les réglages et sur la permanence de la concentration. » Bien calé au centre du lac, le petit M2 « Team New Wave » de Bertrand Geiser et Christophe Stamm s’emparait un instant de la tête du classement général toute catégorie.
L’orage en arbitre
Il était annoncé.. . il est arrivé. Peu après 17 heures, l’orage subit et violent, accompagné de pluie et d’une brutale accélération du vent s’est abattu sur la flotte. Un grain avec des « baffes » à plus de 20 nouds avec une grosse rotation à l’ouest qui permettait aux multis de tête de plonger vers Evian, et aux monocoques en route vers Le Bouveret d’envoyer le spi et d’accélérer au portant. Un coup de tabac qui provoquait quelques dégâts au sein de la flotte. La direction de course devait gérer une vingtaine d’incidents, mâts cassés et chavirages. Russel Coutts, solide et obstiné à la barre au cour du coup de vent revenait devant Rolle et soufflait la première place à Loïck Peyron toujours à la lutte avec Philippe Cardis (Julius Baer). Ernesto Bertarelli (Alinghi) était la grande victime du coup de vent. Son Décisison 35 démâtait devant Evian. A l’entrée du « petit lac », et avec le retour d’Alain Gautier, le sort de la course était loin d’être joué. Même le « petit » M2 Team New Wave semblait encore en mesure de bouleverser la hiérarchie des « gros » D 35. Au terme d’un haletant final plein de suspens, Banque Gonet s’imposait avec 2 minutes et 18 secondes d’avance sur « Julius Baer », au terme de 11 heures 45 de course. Philippe Cardis, héritait pour la seconde année consécutive de la seconde place. Loïck Peyron complète le podium devant son compatriote Alain Gautier lui même en véritable match race avec « Zen Too » de Picciotto.