Happy end pour Eliès, début du Pacifique pour les leaders

Yann Elies
DR

Dans les annales du Vendée Globe 2008-2009, ce 41e jour de course restera gravé à jamais comme celui du soulagement et de l’émotion partagés par toute la communauté de la course au large, marins, équipes à terre et organisateurs. Le témoignage émouvant de Marc Guillemot, commentant en direct l’arrivée des secours et l’évacuation de Yann Eliès, parle de lui-même : ” je ne sais pas si j’ai rêvé mais j’ai vu des dizaines de dauphins se mêler à la fête quand le bateau australien est arrivé. Parce que c’est une fête aujourd’hui, un grand jour, un Noël avant l’heure. Je suis hyper ému. Sur cette course, nous sommes devenus des boules de sensibilité et il arrive qu’on craque un peu “. ” C’est une histoire normale, une simple histoire d’hommes ” poursuivait le skipper de Safran. Pourtant, l’escorte sensible de ” Marco ” qui a accompagné Yann dans son calvaire de 48 heures aura été déterminante. Celle de Samantha Davies qui a fait son possible pour arriver à temps sur zone -en vain- également. Au sein de la flotte, tous les concurrents ont retenu leur souffle en attendant les bonnes nouvelles de ce matin.

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Les sauveteurs australiens rapides et efficaces
A 10h00 (TU+1) ce samedi, la frégate Arunta, armée par cent hommes d’équipage, est arrivée sur la position de Generali. Les opérations menées par la marine australienne sous les ordres du commandant Stephen Bowater ont été un modèle de professionnalisme et d’efficacité. En moins d’une heure, après avoir été embarqué sur une civière dans un semi-rigide, Yann était à bord du navire, confié aux soins d’un médecin urgentiste du ” Royal Flying Doctor Service “. D’après les informations livrées par le Commandant Bowater, Yann souffre bien d’une fracture du fémur mais aussi de côtes fêlées. Il était cet après-midi en cours d’examen médical.
Quant au bateau lui-même, il devrait être récupéré dans les jours prochains par l’équipe de Generali. Philippe Laot et Jean Baptiste Epron ont été dépêchés sur place pour mener les opérations de récupération. Actuellement, le 60 pieds Generali dérive lentement vers le nord, à 700 milles au sud des côtes australiennes. Sa configuration de voilure a été conservée (grand-voile 3 ris et trinquette) et il est équipé de deux balises qui indiquent en permanence sa position.

Les anges gardiens reprennent leurs ailes à 1300 milles de Foncia
Marc Guillemot, coiffé d’un bonnet offert par la Marine australienne, peut dès lors retirer ses ailes d’ange gardien et retrouver, comme Sam Davies, celles du compétiteur reprenant le fil de sa circumnavigation.
Loin devant, dans le sud-est de la Tasmanie, la course est menée tambour battant depuis le 16 décembre par Michel Desjoyeaux. Depuis 5 jours, le skipper de Foncia impose un rythme qu’il est le seul à tenir. Roland Jourdain, accroché dans son sillage le reconnaissait volontiers : ” Mich va toujours plus vite et ce n’est pas étonnant venant de lui “. La nuit dernière, les deux marins quittaient l’Océan Indien, reléguant leurs poursuivants les plus proches entre 150 et 400 milles derrière. Aujourd’hui, ils étaient suivis par Sébastien Josse et Jean Le Cam, entrés à leur tour dans le Pacifique.
Même s’il est prématuré de parler de ” décrochage ” alors que la flotte n’est pas tout à fait à la mi-parcours, le fameux top 10 qui a longtemps animé la régate a explosé sous la pression conjointe du rythme de course, des soucis techniques, des chutes de moral et des coups de fatigue.
Jean-Pierre Dick en sait quelque chose, lui qui a perdu énormément de terrain pour réparer son safran tribord. Ce faisant, le Niçois signe un véritable exploit en matière de bricole, fait d’arme salué par plusieurs de ses adversaires. Toutefois, fatigue et inquiétude quant à la fiabilité de sa réparation transperçaient dans la voix du marin à la vacation du jour. Côté performance, Sébastien Josse (BT), Jean Le Cam (VM Matériaux), Armel Cléac’h (Brit Air) et Vincent Riou (PRB) ont eu aujourd’hui une petite opportunité à saisir : profiter de la dépression qui les propulsait vers l’est pour combler leur retard sur une tête de course provisoirement ralentie dans une dorsale. Jean le Cam, notamment, n’a pas hésité à mettre du charbon. Au pointage de 16h00, VM Matériaux glissait à plus de 19 nœuds en direction de la prochaine porte Néo-zélandaise.

Voix du large…

Le commandant Stephen Bowater, dans une interview avec Andy Robertson : « Il est évident qu’il (Yann) s’est cassé le fémur. Il a sans doute des côtes fêlées et d’autres blessures que le médecin est en train d’évaluer. En ce moment nous progressons vers le nord pour qu’il soit traité à terre. Il a le moral, il est sur le point d’appeler sa femme. Il nous a fallu 45 minutes. En fait, ce qui a pris du temps, c’était de retrouver son passeport ! Mon équipe de 100 jeunes Australiens a bien travaillé pour arriver rapidement malgré le mauvais temps. C’est un sacrifice pour ces gars, mais ils sont là pour ça et ils font leur boulot sans hésiter. Je suis fier de mon équipage et cela fait vraiment plaisir d’avoir pu effectuer ce sauvetage aussi rapidement. Malheureusement, cela arrive parfois de devoir sortir pour sauver des navigateurs en course. Mais en tant que marins, c’est ce que nous faisons. C’est la loi de la mer. »

Michel Desjoyeaux (Foncia) : « J’ai eu une journée un peu calme, ça fait du bien. Le soleil est en train de se coucher, dans un petit rayon orangé. J’étais en train de faire un sudoku en attendant à la vacation. Ce jeu est nickel pour rester concentré. Hier, j’étais sur une grille niveau ” diabolique ” et je n’y suis pas arrivé. Donc je suis allé me reposer. C’est un bon test pour savoir si tu es dans le coup ou pas, excellent pour la lucidité intellectuelle. En ce moment, je vais péniblement à 11 nœuds. Dans les heures qui viennent, les écarts entre concurrents vont se réduire un peu. Mais une nouvelle dépression arrive. J’espère que je vais bientôt toucher un peu de vent. »

Jean Pierre Dick (Paprec-Virbac 2), 7e à 868 milles : « La réalisation de mon safran de fortune a été extrêmement laborieuse. J’ai cependant réussi à remettre la cassette dans son endroit initial. J’ai glissé ” Ivory ” (la plaque de carbone) dans le tableau arrière. Grosso modo l’objectif est atteint. Mais c’était une vraie bataille pour remettre la cassette. J’ai même utilisé des drisses, il y avait des bouts partout dans le cockpit. Est-ce que ce système va tenir ? C’est toute la question. La partie haute est un peu vacillante, mais semble fonctionner convenablement. »

Les 5 premiers au pointage de 16h00
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 12 225 milles de l’arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 60,8 milles du leader
3- Sébastien Josse (BT) à 148,6 milles 
4- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 166,4 milles 
5- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 355,4 milles