La flotte de la Globe40 a repris la mer ce samedi depuis la baie de Saint Paul sur l’île de la Réunion en direction de Sydney, soit 5 120 milles à parcourir dans l’océan Indien, qui s’annonce comme l’une des étapes les plus exigeantes de ce parcours autour du monde qui devrait durer 3 semaines. La bataille s’annonce intense, autant pour les Class40 à étrave ronde que pour les scows. L’équipage de Crédit Mutuel, troisième au classement général, voudra prendre sa revanche, et le record de distance parcourue en 24 h par un Class40 pourrait à nouveau être battu.
Après une pause méritée de 20 jours pour les premiers et de 10 jours pour les suivants, les huit équipages de la Globe40 avaient hâte de reprendre la mer ce samedi et de poursuivre leur grande aventure autour du monde. L’escale à La Réunion leur aura permis de souffler et de passer de bons moments avec leurs proches tout en découvrant l’île au meilleur moment de la saison. Une île qui ne manque pas d’attraits, entre montagne, volcan, cirques et littoral avec son lagon.
Pour l’équipage Free Dom de Thibaut Lefevère, local de l’étape, charpentier et chef d’entreprise à La Réunion, cette escale avait une saveur toute particulière. Son équipe Free Dom a reçu un formidable accueil et suscité un bel engouement. Elle a été un excellent support pour promouvoir la voile et la course au large à La Réunion, où, à travers le village installé au Port, de nombreux enfants et visiteurs sont venus découvrir les bateaux et encourager les marins.
Lors de cette étape, nous avons eu l’occasion de rencontrer l’ensemble des équipages et l’organisation, qui capitalise sur les enseignements de sa première édition réussie. À l’arrivée à La Réunion, les bateaux présentaient peu de problèmes techniques : un filet de pêche avait cisaillé de quelques centimètres le voile d’équipe du bateau belge, une fuite était à colmater sur un ballast, et une perche d’aérien devait être refixée sur le bateau canadien. Le bateau brésilien a eu un léger travail de composite à effectuer sur la coque après un choc sans gravité avec un OFNI. Dans l’ensemble, les bateaux sont beaucoup mieux préparés. Tous disposent désormais de voiles bien plus adaptées, chacune pesant presque le double d’une voile utilisée sur une transat classique, avec davantage de matière. Chaque bateau embarque 12 voiles et dispose de 4 jokers. Il est interdit de changer de grand-voile sans pénalité. À noter que Crédit Mutuel est le seul à disposer d’un mât à ralingue, tandis que les autres scows ont opté pour un chariot de GV. Pour François Angoulvant, mesureur de la Class40 et directeur technique de la course, les bateaux sont clairement mieux préparés.
Côté sportif, il y a deux classements, dont celui des bateaux à étrave ronde. Le match s’annonce serré entre trois bateaux. L’équipe belge de Jonas Gerkens (Belgium Ocean Racing – Curium) est en tête après avoir remporté magnifiquement la 2e étape de quelques minutes. À son bord, Renaud Dehareng et Benoit Hantzperg ont signé un exploit remarquable. Le premier, amateur et chef d’entreprise, s’est montré à la hauteur du défi, et le second a confirmé tout son talent et sa détermination, malgré des problèmes d’énergie à bord. L’équipe a même battu le record de distance parcourue en 24 h en Class40. Avec son LiftV2 et le retour de Jonas Gerkens, l’équipe part favorite de cette 3e étape.
Deuxième au classement général, le jeune équipage allemand Next Generation Boating Around the World, composé de Melvin Fink et Lennart Burkke, avait impressionné par son retour lors de la 2e étape. Melvin Fink s’est fait connaître sur la Mini Transat 2021 en terminant seul en série lorsque tout le monde avait dû s’arrêter sur la première étape ; il terminera 3e en série. Avec son équipier, ils ont monté un chantier à Hambourg et se sont engagés dans la course un peu sur un coup de tête, mais avec toute la rigueur germanique dans leur préparation. Ils seront les arbitres du duel entre les Belges et l’équipage de Crédit Mutuel, 3e au général. L’équipe, que l’on pensait dominatrice sur ce tour du monde, va devoir défendre son rang sur cette 3e étape. Le nouveau plan Raison a de nombreux atouts, mais Ian Lipinski et Amélie Grassi vont devoir s’arracher pour contenir le LiftV2, très rapide aux allures portantes et au reaching dans la mer formée.
Ian Lipinski nous confiait progresser encore dans les réglages de ce bateau plus complexe que son précédent, n’ayant jamais fait de transat avec pour l’éprouver : « 8 300 milles parcourus en réel sur une étape, ce n’est pas rien pour un Class40. C’est la première unité d’un nouveau plan qui n’a pas fait de transatlantique — occasion rêvée pour tester la fiabilité d’un bateau. On s’est beaucoup entraîné, on a pas mal régaté… et le bateau est intègre. Mais, forcément, il y a de l’usure. » L’heure est à la reconquête. « On est bien énervés, Ian et moi, assène Amélie Grassi. Nous voyons bien les enjeux de cette étape : nous sommes chauds et motivés ! »
Quant aux quatre points de retard sur Belgium Ocean Racing – Curium et au demi-point concédé aux Allemands de Next Generation Boating Around the World, ils ne changent pas la philosophie du skipper : « Je préfère envisager l’étape comme une nouvelle course, avec la volonté de la gagner, comme à chaque fois. Je n’ai pas envie d’adopter la posture du joueur qui a perdu au casino et qui mise plus fort pour rattraper ses pertes. J’ai le sentiment que, sauf problèmes techniques, la hiérarchie fait qu’il y a devant l’équipage belge et nous, et les Allemands juste derrière. Ils pourraient jouer devant, mais j’ai l’impression que ce n’est pas si simple pour eux de tenir les vitesses moyennes que nous affichons. Le Class40 Belgium Ocean Racing – Curium est un très beau bateau, très bien mené. Nous avons le potentiel pour être devant. Il n’y a pas quarante bateaux à surveiller sur cette course, mais il suffit d’un bon adversaire pour nous pousser à élever le niveau. »
La flotte progressera par le contournement de l’Australie via les mers du Sud. « L’objectif premier sera sans doute de faire du sud pour aller chercher les vents du sud, résume Ian Lipinski. Nous sommes bien au nord des systèmes de dépressions du grand sud. On aura probablement d’abord des conditions anticycloniques qu’il faudra traverser pour récupérer ces dépressions qui circulent autour de l’Antarctique. » En théorie, Crédit Mutuel et ses rivaux ont 5 120 milles nautiques à parcourir, soit 9 482 kilomètres : environ trois semaines de mer. « Cela représente plus de temps en mer que les transats que l’on dispute chaque année, souligne Amélie Grassi. Il va falloir trouver un rythme et affronter le froid, puisque la limite de la zone des glaces descend très bas, jusqu’au 48°S. C’est excitant, car cela va nous mener à des endroits où je ne suis jamais allée : traverser l’océan Indien, passer le cap Leeuwin, glisser sous l’Australie… C’est stimulant ! »
Pour cette deuxième édition, l’organisation a imposé le chauffage à bord pour des raisons de sécurité. Miranda Meron, directrice de course, table sur trois semaines de course. Elle sera en veille permanente avant d’être rejointe par Pierre Hays pour la seconder. Après avoir fait le Vendée Globe, l’Anglaise, qui imaginait participer à la course, s’est finalement retrouvée directrice de l’épreuve, un rôle qui lui va bien. Elle sait parfaitement se mettre à la place des marins lorsque c’est nécessaire, et échanger avec eux en anglais.
Côté Class40 à étrave pointue, les Brésiliens de Barco Brasil, avec José Caldas et Luiz Bolina, seront difficiles à aller chercher. Le chirurgien José Caldas aura été impressionnant sur les deux premières étapes, devant l’étonnante Autrichienne Liza Berger qui embarque sur Wilson Around the World avec son compagnon Jade Edwards-Leaney. Ce dernier, qui possède son chantier en Écosse, a quasiment remis à neuf leur Class40 n°93. Ils devancent au classement général le bateau Freedom, qui embarque sur cette étape les Réunionnais Noé Delpech et Maxime Bourcier. Les Anglais Richard Palmer et Rupert Holmes, sur Jacanda, s’offrent le tour du monde d’une vie après avoir longtemps couru en IRC dans le Solent. Enfin, la Canadienne Melodie Schaffer, présente sur la 1re édition, est revenue avec encore plus de détermination. Elle repart sur cette 3e étape avec Colin Campbell à bord de Whiskey Jack.
La flotte devra dans les prochains jours faire route toujours vers le sud en évitant les pièges de l’anticyclone des Mascareignes si nombreux à l’aller , et ce afin de rallier les grands flux de vent d’ouest dans les latitudes les plus basses vers les quarantièmes. Le parcours impose une limite sud à 46° dans sa première partie puis 48° sous l’Australie. A ce jour les prévisions donnent au moins une dizaine de jours de course sous l’influence de dépressions très actives, annonçant une étape à la fois très rapide et à nouveau assez dure pour les machines et pour les marins. Aprés 3000 milles entre la Reunion et les abords du continent australien il faudra remonter dans la grande baie du même nom pour passer le détroit de Baas à la réputation difficile ( même si la possibilité théorique de passer au sud de la Tasmanie reste ouverte) pour remonter ensuite vers Sydney ; avec une arrivée qui promet là-aussi d’être mythique à l’intérieur même de la baie sur une ligne située entre Shark Island ( oups.. ) et la côte au sud, à vue du célèbre opéra de Sydney et l’Harbour Bridge, points de repère emblématique de la célèbre cité australienne; les deux prestigieux clubs le Royal Sydney Yacht Squadron ( RSYS) et le Cruising Yacht of Australia ( CYCA ) accueilleront successivement la GLOBE40, qui pourra être aux premières loges pour le départ de Sydney-Hobart le 26 décembre prochain, une des courses les plus célèbres au monde. A ce jour il faudra environ 18 à 19 jours pour atteindre Sydney après les premières arrivées imaginées vers le 11/12 décembre.

























