A la veille du départ, Vincent Riou reste encore détendu et commence à se mettre dans sa bulle. Les conditions météos plutôt clémentes pour le départ aident à se préparer tranquillement. Le skipper de PRB qui a déjà inscrit son nom au palmarès du tour du monde est apparu serein et pragmatique.
Tu as l’air assez détendu avant le départ…
La météo qui s’annonce nous rend plutôt zen. Ça veut dire aussi que 8 jours après le départ la flotte risque d’être toujours au complet. C’est plutôt bon signe pour ce Vendée Globe qui trancherait avec les précédentes éditions et des épisodes douloureux. On sait que l’on va partir avec un vent du nord, un flux bien établi jusqu’à l’anticyclone des Açores. Après ce qui se passe, on ne sait pas trop. La première partie de la course devrait être assez rapide. Nous allons mettre 24 heures à passer le Cap Finisterre et puis après nous devrions avoir une descente de l’Atlantique assez rapide sans trop de manœuvres. Les conditions ne vont pas être difficiles mais elles vont être rapides donc cela va nous amener beaucoup de stress. Techniquement, il va falloir être vigilant mais c’est une perspective plutôt sympathique comme début de course.
Face aux foilers, vas-tu prendre plus de risques en terme de stratégie ?
Je ne pense pas. On va faire des routes proches des meilleures routes. Je ne vois personne prendre des positions très tranchée. On sait qu’il faut faire des moyennes et prendre une route pas trop longue.
Tu pars pour gagner en tout cas…
On va essayer. J’ai hâte d’être dans 15 jours pour voir où on en est. Qui va être sorti du chapeau, qui ne sera pas au rendez-vous. Le Vendée c’est ça. On connaît le taux d’abandon. Le risque est sur les favoris mais aussi derrière. Dans la flotte, il y a des bateaux à risques et des skippers avec aussi moins d’expérience.
On a l’impression que vous partez comme une bande de copains…
On est beaucoup dans les leaders à être de la même génération. On se connaît très bien. J’ai commencé avec eux en Figaro. On était bizuth avec Yann et Jérémie, ensuite Sébastien et Armel sont arrivés les années suivantes. Maintenant c’est plus compétitif que cela ne l’était en 2004. On va voir. Il y a une belle flotte.
Ce n’est pas trop dur de laisser ses proches…
Ma famille n’a connu que ça. Ce ne serait presque pas normal si je restais à la maison un jour de départ du Vendée Globe. Ma normalité c’est ça. Ils me disent souvent, on crame à chaque fois une semaine de vacances pour aller au départ de tes courses. Toute les vacances de la Toussait depuis qu’ils sont nés c’est St Malo, Le Havre, les Sables. Ils connaissent cela par cœur. C’est comme tous les ans à la même époque.
Michel Desjoyaux te voit bien gagner, tu pourrais le rejoindre comme double vainqueur du Vendée, cela compte pour toi…
J’ai de très bonnes relations avec Michel. J’ai passé beaucoup de temps avec lui et son frère avec qui j’ai beaucoup appris. Maintenant on a tourné la page. On se voit régulièrement. Si je reviens sur le Vendée, c’est que cela me fait plaisir. Un plaisir global qui consiste à mener à bien un projet, naviguer sur ces bateaux-là. On a de la chance d’avoir ces machines, de les mettre au point et après de faire le Vendée Globe. Si on prend que le Vendée, on peut se dire aussi qu’il y a beaucoup de jours de galère pour peu de jours de plaisir. Mais il y en a. C’est tout de même une course assez exceptionnelle et quand on a la chance comme moi de pouvoir le faire dans de bonnes conditions, il faut se dire mais pourquoi tu n’y vas pas. La chance elle ne se retrouve pas souvent dans une vie. Les moments galères c’est des moments qu’il faut accepter de supporter pour avoir tout le reste. C’est un package.
Tu t’es parfois demandé ce que tu faisais là sur un Vendée…
Un Vendée, c’est engagé. Ce n’est pas une course que tout le monde peut faire. On ne va pas se mentir, le plaisir n’est pas toujours là. On ressent régulièrement un ras-le-bol, c’est dur. Il n’y a pas que moi qui ressent cela. Tous. Mais ce sont des moments qui ne durent pas longtemps heureusement. Au final rien n’est gratuit, il y a forcément des contreparties au plaisir d’être sur cette course. Il faut les accepter.
Que penses-tu du plateau de cette édition ?
Le match reste très ouvert cette année. 10 bateaux peuvent prétendre être sur le podium. D’un côté, il y a les compétiteurs et de l’autre ceux qui vont raconter une histoire. Cette année, la proportion de compétiteurs est moins importante. C’est 1/3, 2/3. Il faut faire attention pour les prochaines éditions aux proportions. 50/50 ça serait mieux. Le Vendée Globe doit rester une compétition extrême. C’est une course tellement complexe que même les potentiels vainqueurs disent que leur premier objectif est de terminer.
Penses-tu que le record de ce tour du monde puisse être battu ?
Oui, on peut dépasser le record de François Gabart sur ce Vendée Globe. Si on descend l’Atlantique aussi vite qu’on le pense, on gagne déjà une journée. Tout dépendra des conditions mais aussi de l’état d’esprit. Si on arrive à être lucide pour réfléchir, on sollicite moins le bonhomme et ça se passe mieux. Il faut avoir du sang-froid au bon moment. Le Vendée Globe se gagne dans la tête.
Peux-tu nous expliquer en quoi la zone d’exclusion des glaces risque-t-elle de compliquer votre approche ?
Cela risque d’être plus compliqué car si nous ne sommes pas en phase avec le passage des dépressions et des fronts, on va se retrouver à manœuvrer plus que ce que nous avons fait dans le passé. Avant, grosso modo on manœuvrait au passage des dorsales et des fronts mais on arrivait toujours à taper une porte vu qu’elles étaient très grandes. Maintenant la route est franchement plus courte en bas. Quand on fait des simulations, il y a des fois où on se retrouve bloqué le long de la zone. La route la plus rapide, c’est de rester le long de cette zone et de faire des empannages. Mais enchaîner ces empannages dans certaines conditions de vent ou derrière un front peut-être compliqué et risqué car ça oblige à multiplier les manœuvres. Et quand nous ne faisons pas cela, on se retrouve à faire des bords tellement loin de la route que la perte est trop importante. Ce ne sera pas facile dans ces conditions de se reposer et de rester zen. Ça va être très technique car il va falloir avoir la capacité à bien manœuvrer même dans des conditions difficiles sans casser le matériel. C’est un petit jeu auquel nous n’avons jamais joué donc ce sera la découverte. Les portes étaient probablement plus faciles à gérer que cette zone d’exclusion. Mais quoi qu’il en soit, il n’est pas question que nous retournions dans les glaces. Nous sommes trois skippers de ce plateau à avoir connu ça. Personne n’a envie d’y retourner. Moi j’ai quand même navigué pendant 12h et Jean pendant 3 jours au milieu d’un champ de mines. Sébastien a fini échoué sur un growler … Ce ne sont pas nos meilleurs souvenirs de Vendée Globe.
Si tu n’avais pas PRB, quel bateau de la flotte voudrais-tu ?
Mon bateau idéal ce serait un mix d’Hugo Boss et de Gitana : la coque d’Hugo Boss et les foils de Gitana.