Une chose est sûre, la quête des grands espaces maritimes n’a rien d’une sinécure sur cette édition 2008 de la Transat Québec Saint-Malo. Certes, dans les derniers milles du Golfe Saint-Laurent, en approche de la porte de Saint-Pierre et Miquelon, les équipages commencent à « sentir » le large… Après la pétole d’hier, Eole a enfin daigné offrir un flux de Sud-Ouest qui permet à tous d’ouvrir (légèrement) les voiles et d’accélérer sur une mer courte et mal pavée, en direction de la porte d’accès à l’océan. Mais pour l’heure, c’est toujours sur le mode d’une régate en baie, au près débridé, que la plupart des équipages tracent leur sillon.
Class 40 : à vue dans la brume
Toujours au contact et à vue les uns des autres, rien – pas même la brume qui n’a de cesse de jeter son voile sur la flotte – ne semble pouvoir départager les Class 40. Au classement de 15h, ce vendredi, ce dernier révèle que les 10 premiers bateaux de cette catégorie progressent désormais dans un mouchoir de 8 milles. Du fidèle leader, Télécom Italia (Giovanni Soldini) d’une régularité à toute épreuve aux avant-postes, à la lanterne rouge Groupe Sefico (Philippe Vallée), toute la flotte s’étend désormais sur 60 milles après 5 jours de course.
Pour ne rien gâcher, le vent est de retour sur le plan d’eau. La pétole persistante d’hier est un vieux souvenir. Place à un flux de Sud-Ouest qui, si les prévisions se confirment, doit continuer à adonner. Ce schéma météo ferait alors le bonheur du groupe mené par les Italiens qui pourraient continuer à tirer profit de leur décalage au Sud.
Mais c’est sans compter avec Novedia Group, qui reste décidément un grand animateur de la course. De retour à une place d’honneur, Tanguy De Lamotte et les siens suivent le premier comme son ombre. Ils restent bien accrochés en embuscade – à 0,3 mille de son tableau arrière ! – comme en témoigne le dernier message du bord adressé par l’architecte-navigateur Sam Manuard : « Bonjour la terre, ici la planète penchée ! Nous sommes au près dans une mer très hachée. Ça secoue pas mal, ça cogne ! Nous sommes au contact de Gio (Giovanni Soldini), c’est très stimulant. Halvard (Mabire) n’est pas loin derrière. On attend une rotation à droite pour pouvoir passer la pointe Sud-Ouest de Terre-Neuve. Si elle arrive dans les prochaines heures, c’est tout bon ! Tout va bien à bord, grosse motiv’ ! »
Voilà qui donne le ton en attendant Saint-Pierre et Miquelon. Les premiers, qui devraient parader groupés dans le détroit large de 3 milles entre les deux îles, sont attendus demain vers 9 heures (heure française)…
FICO : Percé et cétacé
Chez les plus grands monocoques, la journée reste marquée par la mésaventure du 60 pieds IMOCA Cervin EnR, qui a percuté, hier sur les coups de 23 heures, un cétacé. Yannick Bestaven et son équipage déplorent un palier de safran arraché, provoquant une importante voie d’eau. Le monocoque aux couleurs des Energies Renouvelables a rejoint cet après-midi Port aux Basques à la pointe Sud Ouest de Terre-Neuve avec l’objectif de réparer au plus vite.
De son côté, Port de Québec de Georges Leblanc a doublé la marque de Percé à 01h55 heure française (soit dans l’après-midi hier en Gaspésie). Il progresse actuellement dans le Nord-Ouest des îles de la Madeleine. Le 60 pieds An Ocean of Smiles de Christophe Bullens devrait mener prochainement la danse. Au classement de 15 heures, ce vendredi, il pointe entre en plein milieu du détroit de Cabot entre la Nouvelle Ecosse et Terre-Neuve…
Ils ont dit
Franck-Yves Escoffier (Crêpes Whaou !) : « Majestueux ! »
« Nous sommes encore sous l’influence des bancs de Terre-Neuve : dans une brume à couper au couteau, nous progressons désormais sur la houle de l’Atlantique et dans un vent de 13 nœuds. Nous gardons les yeux rivés sur le radar pour contrôler les cargos et les navires que nous croisons. Notre passage à Saint-Pierre et Miquelon a été majestueux. Nous avons profité d’une visibilité comme il doit y en avoir 60 jours par an sous ces latitudes. Quand nous sommes rentrés dans les deux îles, nous avons trouvé un vrai comité d’accueil avec des bateaux d’école de voile, des pêcheurs, des Zodiac… J’ai même pensé à nous arrêter, cela m’a traversé l’esprit. Mais on ne serait jamais reparti ! A présent, nous profitons de conditions vraiment agréables pour glisser : nous progressons à 12 nœuds dans 12-13 nœuds de vent. C’est une belle récompense après le Saint-Laurent difficile à négocier. Nous avons un bateau plus rapide et cet effet élastique n’est pas étonnant. Chez les 40 pieds, où les différents bateaux sont plus homogènes en termes de vitesse, cela reste plus serré… »
Victorien Erussard (Laiterie de Saint-Malo) : Vivement l’acte 2…
« Aïe, aïe, aïe… ça fait mal, très mal ! Je peux vous dire que j’ai les nerfs, les gars aussi ! Depuis 24 heures, nous naviguons dans du vent très faible en tirant des bords. Cette nuit a été très éprouvante car nous sommes rentrés dans une bulle, une grosse bulle bien pénible. Vitesse moyenne : 3 noeuds et pas sur le bon cap. Ce qui est navrant, c’est que l’on est obligé de passer dans cette zone sans vent pour atteindre Saint-Pierre et Miquelon. De surcroît, pour couronner le tout, d’après nos fichiers météo, il n’y a que nous sur toute la flotte à subir de cette façon. Le « baron rouge », lui, est passé et va accroître son avance sur nous. Et les autres, les autres, « grrrrrrr » ! Et ben, ils vont revenir sur nous avec du vent et en route directe. On ne mérite pas ça car on est taquet de chez taquet… Dans 10 heures, nous devrions retrouver quelques noeuds de vent qui vont nous permettre de repartir et quitter ces bancs de Terre-Neuve peu scrupuleux. L’acte 2, la traversée de l’Atlantique, avec en prévision un vent portant de 15 à 20 noeuds. La récompense après ces premiers jours d’une Québec Saint-Malo bien particulière. »
Miranda Merron (40 Degrees) : « Une course incroyable ! »
« Nous avons eu une nuit assez agitée. Maintenant, il fait gris, mais les conditions sont plus calmes. Nous pouvons voir deux bateaux : Appart’City et Destination Calais, je pense. J’aurais préféré être un peu plus à droite sur le plan d’eau, mais c’est une course fantastique entre les Class 40. Tous les bateaux naviguent bien et les positions changent tout le temps. Nous avons été chanceux d’avoir ce genre de course incroyable dès le début. Tout le monde est heureux ici. Nous avons tous adoré le Saint-Laurent et le paysage était spectaculaire. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de vent, mais ça ne nous empêche pas d’avancer. Le vent léger a été bon pour nous en fait. Pour le moment, nous allons essayer de rester sur le bon côté de la flotte avant de monter sur les montagnes russes de l’Atlantique !"