« Le Vendée Globe n’écrit jamais le même scénario. On n’arrive pas à anticiper ce qu’il va s’y passer. C’est le côté passionnant de cette aventure. Chaque fois qu’on a essayé de faire un pronostic, on s’est planté. On ne peut pas imaginer les naufrages, les fortunes de mer… Les scénarios sont à chaque fois improbables, et ça va encore être le cas, je crois. Je ne me mets pas d’impératifs particuliers. Il faut terminer le Vendée Globe, en aussi bonne condition que possible, en laissant un maximum de petits « jeunets » derrière moi dans le sillage. »
Le skipper suisse aborde ce quatrième Vendée Globe avec une certaine sérénité et éprouve moins de stress que par le passé. « Tu te dis que tu as déjà vécu beaucoup de situations, tu as déjà démâté, cassé des quilles, vécu des tempêtes… » Justement la perte de la quille lors de la dernière édition figure parmi les plus mauvais souvenirs de Dominique. « C’était au sud des Kerguelen, un sale coin. Ça a été très brutal, j’ai failli chavirer. C’était vraiment limite humainement. J’aurais pu y laisser ma peau. Après, j’ai essayé de ramener le bateau aux Kerguelen pour réparer, repartir, mais la quille a recassé, et je suis reparti en Australie avec la quille cassée. C’était très stressant, délicat. C’était un état de naufragé pendant une quinzaine de jours. » Ce sont d’ailleurs les fortunes de mer qui lui font la plus grande peur. « C’est l’infortune, la malchance. Une casse brutale, un choc, une avarie inattendue. Mais les risques ne sont pas énormes, il ne faut pas exagérer non plus. Ils existent, mais ils ne sont pas démesurés par rapport à la vie de terrien. »
Beaucoup de spectateurs pensent à la solitude des marins pendant ces trois mois seul en mer, mais pour la plupart, ils y sont habitués, la cherchent parfois ou comme Dominqiue n’y croit pas vraiment. « C’est une fausse solitude. On est suivi, entouré. On se sent tout sauf seul. Hormis peut-être quand on doit faire une manœuvre très dure, quand il faut monter au mât ou aller à la quille. Mais ce n’est pas de la solitude dans le sens où on l’entend. Un SDF seul dans la rue, ça c’est une horreur, nous on ne se sent absolument pas seuls. »
Le sommeil du navigateur sera réduit à sa portion congrue : des tranches de repos courtes, qui culmineront à 4-5 heures dans les meilleures conditions. Il les passera généralement couché sur son fauteuil de quart, à portée immédiate de ses instruments, habillé et toujours prêt à passer à la manœuvre. La gestion du sommeil est une habitude qu’il faut savoir développer, mais le skipper suisse ne s’entraîne pas à terre trouvant que ce serait très artificiel. « Ça ne sert à rien de partir fatigué. Dès qu’on est en mer, on prend vite le rythme. C’est un peu comme un montagnard, qui est capable de bivouaquer à 5000m d’altitude et ne dormir que quatre heures. Mais il ne va pas s’amuser à faire ça l’hiver sur son balcon… Je m’endors à peu près n’importe où et à peu près facilement. » En effet il est primordial de savoir récupérer et dormir de temps en temps. Sinon le skipper risque d’en subir les conséquences, comme lors de la Solitaire du Figaro, quand Dominique n’a pas dormi pendant 3 ou 4 jours. « J’ai eu des hallucinations, je voyais des chats, des vaches… Cela signifie qu’on entre dans une espèce de zone rouge où le cerveau commence à partir en vrille. Il vaut mieux trouver le moyen de récupérer. Le but dans un Vendée Globe est de ne jamais rentrer dans cette phase hallucinatoire. »