On a beau avoir touché ce qui ressemble de plus en plus à des alizés, l’heure n’est pas au farniente à bord des voiliers en course… Il s’agit avant tout, pour Safran (Marc Guillemot – Charles Caudrelier) qui mène la flotte, de continuer de maintenir l’écart avec son poursuivant Groupe Bel (Kito de Pavant – François Gabart) qui, justement, lui, n’a qu’une obsession, c’est de grignoter le petit matelas de milles qui sépare les deux bateaux. Dans ce duel à distance, toutes les armes sont bonnes : calculs de trajectoires au cordeau, nombreuses heures passées à la barre malgré les embruns qui balayent le pont en permanence, sommeil réduit à la portion congrue nécessaire, guerre psychologique.
D’autant que derrière eux, certains se verraient bien partir en chasse, à la faveur d’une option audacieuse ou d’un brusque ralentissement des deux leaders devenus, par la force des choses, la cible de leurs poursuivants. Hasard des circonstances, les compositions d’équipages présentent quelques similitudes : même association d’un briscard de la course au large avec un pur produit de la filière Figaro, même mariage d’une pratique intuitive et d’une méthodologie rigoureuse…
A l’affût
Si Mike Golding et Javier Sanso (Mike Golding Yacht Racing) vont tenter de se battre avec leurs armes, à savoir une détermination sans faille malgré leurs soucis techniques, d’autres attendent leur heure à commencer par l’équipage de Foncia. Michel Desjoyeaux et Jérémie Beyou ont choisi de ne rien avoir à regretter sur la ligne d’arrivée. Déjà premiers de l’option sud, ils savent qu’il sera difficile de revenir sur les hommes de tête, mais mettent tout en œuvre pour saisir leur chance, au cas où… Michel penché sur les cartes météos continue de décrypter les fichiers de vent quand Jérémie s’impose de longues heures sur le pont où il fait parler sa réputation de barreur d’exception…
Quand à Roland Jourdain et Jean-Luc Nélias (Veolia Environnement), les longues heures de navigation passées ensemble sont un ciment suffisamment solide, pour que les deux compères ne lâchent jamais les bras avant le passage de la ligne. Pour d’autres, la stratégie météo s’inscrit parfois par défaut : Yves Parlier et Pachi Rivero (1876) ralentis par quelques soucis techniques n’ont pas pu attraper la bordure sud de l’anticyclone génératrice de vents de secteur est. Naviguant sur sa face ouest, ils sont, au contraire, confrontés à des vents de sud qui s’orienteront progressivement au sud-ouest et ne savent pas encore comment ils vont redescendre sur l’arc antillais.
Chez les Multi50, la bagarre fait rage entre les deux dauphins de Crêpes Whaou ! qui, pour sa part, commence à allonger la foulée sur la route du sud. Victorien Erussard et Loïc Féquet, s’ils ont réussi à reprendre la deuxième place à Région Aquitaine Port-Médoc, constatent que le tandem Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro fait plus que de la résistance.
Ils ont dit:
Marc Guillemot, Safran : « Notre décalage au sud a été payant, nous glissons maintenant en route directe vers les Antilles. On devrait franchir les îles jeudi vers midi. D’ici là notre avance pourrait s’accroître sur les autres, sauf sur Groupe Bel qui nous colle aux basques. L’alizé va faiblir, mais par l’arrière, ce qui est parfait pour nous. Comme nous, le bateau est au top. Il ne faut pas oublier que la semaine dernière il a vécu, et de loin, la plus grosse tempête de sa carrière, avec 55 nœuds de vent établi. Bien plus que pendant le Vendée Globe. Comme quoi, même en étant le plus léger de la flotte, il est solide comme un coffre fort. D’ailleurs, si je n’avais pas eu une totale confiance en lui, je ne me serais pas engagé sur la route ouest et nous ne serions pas actuellement en tête de la course. »
Michel Desjoyeaux, Foncia « Le point positif, c’est que nous avons tenu notre option, nous l’avons bien menée, nous avons bien navigué. Sur la route que nous avons choisie, nous sommes ceux qui s’en sortent le mieux. Le point négatif, c’est qu’on a laissé s’échapper trois bateaux loin devant et que ça va être très compliqué de les récupérer. Sportivement, c’est frustrant mais nous sommes droits dans nos bottes. Même si la situation, il faut être honnête, paraît complexe, on a fait assez de remontées ou on s‘est déjà fait assez remonter pour savoir que ça peut arriver. Je pense aussi que les trois bateaux de tête ont beaucoup donné pour passer dans la baston, que ce soit au niveau physique ou au niveau matériel ".
Yves Parlier, 1876 : « On a pu solutionner pas mal d’avaries. La traversée de l’anticyclone d’hier nous a permis de faire quelques réparations. On a toujours un problème d’eau qui rentre dans le moteur, on a un peu peur quand on recharge les batteries. Côté électronique, on a un souci sur le pilote et sur le système d’informations de direction du vent. C’est un souci majeur… On a essayé de bricoler mais bon… On a fait une route différente de la flotte Du coup on a une stratégie un peu par défaut, qui nous a empêché de négocier la bordure de l’anticyclone comme on le désirait. On ne peut pas continuer vers le sud, sinon on tombera sur deux jours de gros calme demain et après demain. »
Classement de 17 heures
Monocoque
1 SAFRAN Marc Guillemot – Charles Caudrelier Benac à 2132,1 milles de l’arrivée
2 GROUPE BEL Kito De Pavant – François Gabart à 26,3 milles
3 MIKE GOLDING YACHT RACING Mike Golding – Javier Sanso à 119,4 milles
Multicoque
1 CRÊPES WHAOU ! Franck Yves Escoffier – Erwan Leroux à 2550,9 milles
2 GUYADER POUR URGENCE CLIMATIQUE Victorien Erussard – Loic Fecquet à 790 milles
3 REGION AQUITAINE-PORT MEDOC Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro à 852,4 milles




















