Neuf Ultimes, neuf Imoca, douze Multi 50, onze "Rhum" et quarante-quatre Class 40, voici donc le casting de choix qui s’élancera demain à 13h02 devant la Pointe du Grouin. 85 solitaires, autant d’histoires, de rêves, de partitions à écrire et pour tous un objectif : aller au bout de soi-même et n’avoir aucun regret. Mais avant cette libération, certains d’entre eux ont entamé la valse aux adieux avec les remparts de Saint-Malo dès le milieu de l’après-midi. Honneurs aux plus imposants et au tenant du titre puisque c’est le Gitana 11 de Yann Guichard qui aura été le premier à entrer dans le sas pour gagner l’extérieur. Derrière lui, ses concurrents directs lui emboîtaient le pas, puis les multicoques de la Catégorie Rhum.
Ce soir, les Multi50 et la majorité des "Rhum" passeront eux-aussi les écluses et sacrifieront à l’émotion du premier départ. Demain matin, les sorties reprendront au petit matin avec les Class 40 à partir de 6h15, puis avec les Imoca et enfin les monocoques de la Catégorie Rhum, le jeune malouin Julien Mabit (Monopticien.com) fermant la marche. Quelques heures plus tard, la course prendra ses droits au large de Saint-Malo.
Depuis quelques jours, les esprits se tendent en effet sur les cartes et les fichiers météo qui se succèdent pour mieux confirmer que cette neuvième Route du Rhum s’annonce à haute teneur stratégique sur le grand échiquier de l’Atlantique. La faute à un gros anticyclone stationnaire qui barre la route vers la Guadeloupe. "Au regard de la situation météo générale sur l’Atlantique, cette édition se place vraiment à mi-chemin entre celle de 2002 marquée par des conditions dantesques et celle de 2006 qui reste celle de l’autoroute des alizés", précise Eric Mas, consultant de la course. Et d’ajouter : "La situation, avec un très faible risque de tempête, est très torturée. La course s’annonce donc très stratégique et il y a fort à parier que dès 24 heures après le départ, la flotte se dispersera sur le plan d’eau avec d’un côté les partisans de la route Nord qui prendront le risque de progresser dans des allures de vents contraires, et de l’autre ceux qui longeront la péninsule Ibérique, dans des vents très faibles, pour trouver leur salut plus au sud."
De quoi mettre les neurones des bords à pied d’œuvre et à la manœuvre pour tous les skippers des 9 monocoques IMOCA et des 44 Class 40, les deux catégories pour lesquelles le routage n’est pas autorisé sur cette neuvième édition. Pour les autres, notamment les multicoques Ultimes et de 50 pieds, la guerre des nerfs aura bien lieu sur fond de bataille de routages. Le décor est planté, il laisse la porte grande ouverte aux options météo sur les 3 543 milles du parcours entre Saint-Malo et Pointe-Pitre.
Bientôt seuls !
Cette situation complexe avec un véritable mur météorologique devant les étraves n’en promet pas moins un départ spectaculaire dans des conditions de petit temps plutôt favorables pour une entrée en douceur. Dans le centre dépressionnaire en place sur les côtes bretonnes, le vent de sud-est soufflera aux alentours de 10 nœuds sur une mer plate et sous un ciel gris qui pourrait néanmoins céder la place à de belles éclaircies. Au programme donc, un coup d’envoi dans des petits airs au portant. Très vite, pour les plus grosses unités tout du moins, le Cap Fréhel sera dans le sillage et les marins solitaires se retrouveront enfin seuls…ou presque ! Ils fileront avec toujours cette peur de la collision entre concurrents, ou avec l’un des nombreux bateaux de pêche ou cargos qui croisent en Manche. Puis, le vent devrait se lever dans la nuit autour de 25 de nœuds en passant progressivement à l’est puis au nord-ouest.
Ils ont dit :
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) : « Ces périodes d’avant-départ sont longues et pesantes. On ne s’y habitue jamais. On a hâte de partir, et en même temps on est bien à terre. Il faut gérer l’incertitude tout le temps. Trouver le sommeil, gérer les partenaires, les amis et surtout bien travailler la météo, surtout pour nous en Imoca puisque nous n’avons pas de routeur. »
Franck Cammas (Groupama 3) : « Ce n’est pas plus mal d’avoir des conditions calmes au départ et de pouvoir rejoindre le cap Fréhel en un bord. Dans ces conditions légères, je ne pense pas être devant à la pointe Bretagne. Je vais m’appliquer à sortir de la Manche sans encombre, et avec le moins de retard possible. »
Yves le Blévec (Actual): "Je n’ai pas eu trop le temps de réfléchir aujourd’hui ! J’ai été happé par l’ivresse malouine et les nombreuses sollicitations médiatiques maintenant il est temps pour moi de passer en mode course. La phase de représentation est terminée, je dois me concentrer sur ma course."