Après une belle course de vitesse, qui a fait le bonheur et mis à l’honneur les gros bras de la série, la course a radicalement changé de tempo et de registre. Place cette fois à la stratégie et aux grandes réflexions. La partie d’échecs à l’échelle de l’Atlantique a débuté au large des côtes portugaises dans une situation que tous jugent aussi complexe que confuse. Difficile en effet d’y voir clair dans le cristal trouble des fichiers météo qui n’ont de cesse de se contredire et de multiplier les hypothèses. Seule certitude : une dorsale anticyclonique qui génère des calmes et des bulles sans vent barre la route de Porto Santo. L’horizon semble bien bouché et les navigateurs ont dû écouter leur intuition, laisser parler leur bon sens marin pour décider de leur itinéraire jusqu’à Madère.
Qui vive au centre
« C’est la pétole. Le vent est complètement tombé au début de nuit, confirme depuis le bateau organisation, le directeur de course Jean Maurel. La flotte s’est effectivement étalée, mais tout le monde semble à présent vouloir se recaler sur la route directe. » Commençons donc par un petit tour d’horizon des forces en présence. A gauche, au grand large a-t-on presque envie de dire, Gedimat, suivi par Atlantik FT (Krizek-Sharp), persiste et signe. La paire Tripon-Vittet contourne l’anticyclone par le Nord. Pour l’instant, l’option coûte cher : le pionnier de l’Ouest est 16ème, il accuse désormais 31,8 milles de retard. De l’autre côté du plan d’eau, à plus de 60 milles en latérale, quelques concurrents cherchent leur salut le long des côtes portugaises. Suzuki Automobiles (Chabagny-Douguet) est le plus extrême sur cette route audacieuse et radicale qui a propulsé Hervé Laurent et Rodolphe Jacq jusqu’à la victoire sur l’édition 2000. Affaire à suivre… Au centre, sur une route médiane, Financo et Les Mousquetaires restent sur le qui vive, et conservent la tête.
Mode transat
Les leaders naviguent au gré du vent comme l’explique Bertrand de Broc à bord de Les Mousquetaires. Sous l’influence de la dorsale, la flotte traverse une zone de transition. Jean Maurel en atteste volontiers: « Il y a toujours peu de vent, 7 nœuds environ d’Ouest-Nord Ouest. C’est un peu pareil pour tout le monde. La flotte traverse une petite bulle, elle n’en est pas encore sortie. Il reste 100 milles environ, jusqu’à la hauteur de Lisbonne dans ces conditions. Il est clair qu’il vaut mieux être devant, il y a plus de vent. Il reste 580 milles jusqu’à Porto Santo. Mais, c’est plus calme. Les équipages sont entrés en mode transat, ils peuvent se reposer et prendre un vrai rythme de quart. C’est parti… »
Ils ont dit
Bertrand de Broc (Les Mousquetaires), 2ème au classement de 5 heures : « Au gré du vent »
« On a eu un début de Transat plutôt mouvementé et nous avons été pas mal occupés ces derniers jours dans pas mal de vent. Cette dernière nuit a été plus calme, ça nous a permis de nous reposer, de faire un peu de rangement et réparer les petites bricoles… On passe beaucoup à la barre, on essaie de trouver du vent car il est tombé depuis hier soir. Cela a été mou toute la nuit, on a eu 7-8 nœuds sous spi, on se relaie tranquillement. Le classement ? Je ne sais pas trop où on en est …. 2ème ?! Ah oui, c’est pas mal !
Les jours à venir ne vont pas être exceptionnels en termes de vent. Il faut qu’on essaie de trouver un trou de sortie pour trouver les alizés. La météo est très changeante, ce n’est simple pour personne. On progresse au gré du vent, pour le moment il n’y a pas beaucoup d’autres possibilités. Nous avons pris l’option d’aller un peu plus au large que certains, et d’autres encore plus… On s’en sort pas trop mal. Avec Gwen, on ne se connaissait pas très bien avant de partir, mais tout se passe bien… »
Eric Drouglazet (Luisina), 23ème au classement de 5 heures : « pétole au cap Finsiterre »
« On a vraiment les boules. On ne subit pas seulement une voile déchirée, c’est une voile déchirée dès le départ dans les manœuvres avec Financo, et ce n’est pas de notre fait. Le fait que Financo soit aujourd’hui en tête, on trouve ça un peu injuste….
Mais bon, même si on a plus l’impression d’être en convoyage qu’en course, on s’accroche. Il y a toute l’équipe Luisina derrière nous. Cette transat, on est là pour la faire et pour faire avancer le projet. Les 5 heures de retard au départ doivent valoir 15 heures à présent. On s’est pris une bascule de vent dans le golfe de Gascogne quand les autres s’échappaient. Là, on a 2 nœuds de vent et on n’arrive pas à s’extraire du Cap Finisterre. Bref, il n’y a rien de bon, mais on fait au mieux, on fait avancer le bateau en espérant qu’il y ait une justice. C’est déprimant d’être tout seuls. La transat nous paraît foutue, c’est évident. »
Changement de rythme …
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