Le calme avant la tempête… Un certain statu quo règne aujourd’hui sur l’eau de la 7è Transat Québec Saint-Malo. Ainsi en a décidé la météo qui offre une zone de transition avant une nouvelle dépression et des vents portants que tous espèrent attraper dans leurs voiles pour rallier Saint-Malo. Ces conditions, Crêpes Whaou ! – seul en tête et riche de ses 500 milles d’avance sur Imagine (Pierre Antoine) – les connaît déjà comme en témoigne le capitaine malouin à la vacation du jour : « Le vent est soutenu et permet de faire de belles déboulées à 19-20 noeuds dans les descentes de vagues. Le ciel est légèrement chargé, mais quelques rayons de soleil apparaissent : on a des conditions quasi idéales pour réaliser une bonne traversée. » De quoi faire pâlir de jalousie ceux de l’arrière, notamment les complices de Saint Malo Team. Le monocoque FICO goûte aujourd’hui aux spécialités locales de Saint-Pierre et Miquelon : pétole molle et brouillard à couper au couteau !
Les multis accélèrent…
Franck-Yves Escoffier et son équipage en profitent, eux, pour débouler. Au propre comme au figuré. Beau temps, belle mer par 50°N et 20°Ouest, il est toujours attendu à partir de jeudi sur la ligne d’arrivée. Chez les multis, à l’exception de Délirium (Hervé de Carlan) qui ferme la marche, tous les équipages ont néanmoins allongé la foulée face au reste de la flotte. 2ème, Imagine de Pierre Antoine doit néanmoins surveiller ses arrières menacées par Prince de Bretagne (Hervé de Cléris), qui progresse à 15 nœuds de moyenne et n’a de cesse de grappiller du terrain. Il reste 1200 milles à parcourir pour ces multis, qui ont échappé à la dorsale et ont cette fois fait le trou avec tous les autres monocoques.
Rien n’est joué sur l’échiquier de l’Atlantique. Le week-end s’annonce animé sur les pontons de la cité corsaire, prêts à accueillir les poursuivants de Crêpes Whaou ! Saluons par ailleurs, la jolie navigation de Laiterie de Saint-Malo. Bien que privés de safran, Victorien Erussard et les siens, peu enclins à déserter les chemins de la course, ont trouvé le mode d’emploi pour se diriger. Et avancer ! De la motivation à revendre et du sens marin en veux-tu en voilà… il ne leur manque rien pour faire marcher leur trimaran sans appareil à gouverner à une douzaine de noeuds de moyenne !
Class 40 : une dorsale sur le dos…
Chez les Class 40, la course connaît une journée de transition. Deux des plus fidèles animateurs de la tête de flotte ont bel et bien pris leurs distances avec leurs concurrents. Bien inspirée, l’équipe d’Oliver Krauss a tracé son sillon avec bonheur et réussite pour échapper aux petits airs qui ponctuent le passage de deux dépressions. « On savait que c’était important d’être devant ces derniers jours parce qu’il y avait une petite porte qui allait se fermer dernière nous. Si on ratait le coche, c’était un peu la fin des haricots, explique le jeune capitaine. Alors on a bien cravaché depuis Terre-Neuve pour être là où on est aujourd’hui. Il fallait faire vite, et empanner un peu plus Sud que les copains. Là, on est assez content. On s’est un peu reposé et on se tient près pour la suite car de la baston est annoncée la nuit prochaine. On va faire attention au matériel ». Résultat de leur course : les voilà bien positionnés pour la suite du parcours. Bien joué ! Il leur faudra néanmoins contenir le trio de Pogo Structures (Halvard Mabire), décidément toujours dans le coup à 17 milles derrière.
Une transat, plusieurs courses
Dans leur sillage, les écarts se creusent un peu plus à chaque nouveau classement. Beaucoup de leurs concurrents, longtemps empêtrés dans les calmes de la dorsale, risquent en effet d’ « avoir de la broue dans le toupet », dixit les Québécois ! De la mousse de bière dans les cheveux : on devine surtout qu’ils ne sont pas au bout de leur peine pour rejoindre le train de cette nouvelle dépression !
Soulignons néanmoins que la magie de cette transatlantique en équipage reste d’offrir les plaisirs d’une traversée océanique à des multicoques et à des monocoques, à des professionnels et à des amateurs. A chacun son destin. Les routes empruntées sur l’Atlantique témoignent combien cette épreuve n’a pas son pareil pour se conjuguer au pluriel. Nous laisserons donc le mot de la fin du jour à Pierre-Yves Chatelin sur Destination Calais, 13è à 250 milles de Mistral Loisirs : « Après la nuit dans la pétole tout est rentré dans l’ordre, nous sommes au près dans 15/17 noeuds de vent et il pleut ….. Tout ceci n’est pas d’une gaîté folle, mais on continue à bosser dur pour revenir sur nos plus proches voisins. La météo n’est pas avec nous, mais on essaie quand même de faire avancer "Destination Calais" le plus vite possible. La course au large, ce n’est pas toujours facile, c’est un euphémisme ! Rassurez-vous il y a aussi des bons moments, comme cette nuit où un troupeau de globicéphales nous a accompagnés pendant une heure dans la pétole… c’était magique !!! »
Ils ont dit
Loïc Escoffier (Laiterie de Saint Malo) : « Hier en fin d’après-midi, le vent a molli. Nous avons renvoyé de la toile : nous sommes passés de trois à deux ris et de l’ORC à la trinquette. Nous réglons aussi l’angle du mât et nous gardons les écoutes pas trop bordées pour que le bateau ne soit pas trop ardent. Nous ne pensions pas que cela fonctionnerait si bien, mais ça marche ! C’est bon pour le moral. Nous progressons dans des vents portants ; ils doivent rester établis encore quelques jours d’après les fichiers météo. Si nous parvenons à garder une bonne vitesse constante comme celle que nous avons tenue cette nuit (13-16 nœuds), on ne devrait pas trop tarder. Pour l’heure, nous avons refusé le ravitaillement cargo. Quant au safran de secours, il n’est pas question de l’installer dans le vent et la mer que nous avons actuellement. Pour l’instant, on barre avec le winch de trinquette. »
Hervé de Carlan (Délirium) : « Hier, nous avons eu une grosse journée bricolage, le bout dehors – arraché il y a quelques jours par une voile d’avant surpuissante – a réintégré sa place, maintenu à grand renfort de sangles à cliquets. Il nous manque toujours ce qui fait le charme du bateau. Nous n’avons pas de soleil, du près au milieu de l’Atlantique… et de la brume. Il nous faut rester très vigilants : nous avons cassé notre safran bâbord après avoir heurté une baleine ou une bille de bois. Enfin ça, nous le saurons jamais ! On attend de récupérer les dernières infos météo mais il semblerait qu’il reste des passages un peu délicats devant nous… Mais l’ambiance à bord est bonne. Délirium est un bateau familial, imaginé et construit pour se faire plaisir. Tant au niveau des plans que de la réalisation, ce n’est pas un bateau de professionnel, mais il nous permet de nous amuser. Nous avons encore devant nous nous une bonne semaine de mer pour rallier Saint-Malo. »
Denis Douillez (Saint-Malo Team) : « Cela ne va pas trop mal. Nous avons rencontré des conditions un peu difficiles dans le détroit de Cabot : le vent tournait dans tous les sens. Puis nous avons eu un après-midi avec un vent super. Et il est retombé en approche de Saint-Pierre et Miquelon. Pétole et brume, on ne voit pas à 50 mètres. On ne peut rien dire de ce qu’on voit. C’était un peu frustrant et ce d’autant plus que nous avons déjà rencontré des soucis. Nous avons relâché en Gaspésie pour réparer le rail de grand voile et nous avons perdu trois jours. Nous avons retrouvé un bon rythme à présent, et tout va bien… »
Halvard Mabire (Pogo Structures ) : « Ca va bien, y’a pas pire ! (rires). Actuellement, on est un peu dans une phase de transition donc il ne faut pas lâcher le morceau pour ne pas perdre la wagon. Le truc un peu marquant, c’est qu’on a eu une nuit claire, ce qui change un peu parce qu’on en avait un peu marre du brouillard. Aujourd’hui, on a même un peu de soleil ! Par contre, le vent est extrêmement variable donc on doit surveiller ça de près d’autant qu’on est dans une mer très désordonnée. Concernant notre stratégie, je ferais bien une phrase à la Jean Le Cam – mais dans le sens inverse – qui dit : "quand on ne sait où aller, il faut faire de l’Ouest ". Eh bien, sur la Québec Saint-Malo, quand c’est compliqué, il faut faire de l’Est ! Et je crois que, pour nous comme pour Mistral Loisirs, c’est ce qui a fait la différence avec nos petits camarades qui sont partis vers le Nord. Cela dit, on est vraiment qu’au début de la transat et beaucoup de choses peuvent encore arriver. Surtout sur cette course où ça revient toujours pas derrière. Ce n’est pas fini… »
Benoît Parnaudeau (Prévoir Vie) : « Tout va bien. On est dans la pétole, au près. On essaie de gagner dans l’Est. Hier, on a bien avoiné puis on est rentré dans la dorsale, donc dans la grosse molle, et on essaie de la traverser. On a eu un à deux noeuds de vent pendant un moment, mais à présent on a retrouvé aux alentours de 7 noeuds et ça devrait continuer à forcir en s’orientant Nord-Ouest. C’est sûr que les premiers, Mabire et Krauss, vont filer avant nous. Reste à savoir si Soldini et De Lamotte, qui sont plus au nord, vont décoller longtemps avant nous ou pas. Si ce n’est pas le cas, on peut parvenir à les contrôler en attendant le front suivant. En tous les cas, c’est une belle course depuis le début et à bord, l’ambiance est très bonne… »