Anthony Marchand a franchi la longitude du cap Leeuwin ce lundi à 21h10 (heure de Paris) et évolue actuellement au sud de l’Australie, à l’avant d’une dépression qui va l’accompagner jusqu’au cap Horn ou presque. De quoi lui permettre d’allonger la foulée mais aussi et surtout, pour la première fois depuis le départ, de filer tout droit, tout schuss. Si les moyennes de son maxi trimaran Actual Ultim 3 promettent de flirter régulièrement avec les 40 nœuds, le navigateur, enjoué et heureux du programme à venir, devra toutefois redoubler de vigilance pour éviter les petits pépins techniques, conscient que dans ces contrées hostiles, il ne pourra compter que sur lui-même.
Hâte de grignoter des milles vers le cap Horn
Alors qu’il a multiplié les empannages en bordure de la zone d’exclusion Antarctique depuis son redépart de Cape Town il y a maintenant dix jours, Anthony Marchand se prépare à attaquer un grand schuss en direction du Cap Horn. Un long bord en tribord amure qui va lui permettre d’aligner les milles à vitesse grand V. « J’ai encore quatre ou cinq empannages à effectuer mais ça ne va faire qu’accélérer au fur et à mesure. La perspective d’aller enfin tout droit et à hautes vitesses fait plaisir ! Depuis le début de ce tour du monde, j’attends avec impatience ce moment !», a assuré le skipper d’Actual Ultim 3, joint ce matin par son équipe.
Depuis hier, il augmente, de fait, graduellement la cadence. Il crapahute, ce matin, à près de 30 nœuds, propulsé par un flux de nord-ouest soufflant entre 25 et 27 nœuds sur une mer qu’il qualifie de « correcte », et la bonne nouvelle c’est qu’il devrait continuer de monter dans les tours d’ici au passage de la Tasmanie puisque le vent est prévu de s’établir autour de 30 nœuds sur sa route, avec des rafales à 35-40. « Cela va m’obliger à réaliser différents changements de voiles d’avant. Je vais ranger le gennaker puis le J1 avant de jouer, ensuite, entre le J2 et le J3 puis les prises de ris. Clairement, j’ai hâte de grignoter des milles rapidement vers le cap Horn. Je sais néanmoins que je ne vais pas avoir droit à l’erreur car la dépression sera juste derrière moi et elle a l’air forte. Il faudra que je sois constamment rapide pour rester devant », a précisé le navigateur.
En théorie, cette zone fermée de basse pression ne devrait pas le rattraper mais dans les faits, Anthony Marchand le sait, la moindre défaillance technique pourrait modifier le scénario annoncé. « Si j’ai des problèmes et que je dois m’arrêter, la donne pourrait être chamboulée », a souligné le Costarmoricain, qui, pour mémoire, a fait les frais d’un petit souci d’enrouleur de gennaker dans la nuit de dimanche à lundi, le contraignant alors à changer la galette avec, à la clé, une manœuvre pour le moins délicate. « Affaler 450m² de voile sur le pont d’un bateau dans 18 nœuds de vent en solo, c’est rocambolesque. Je n’espère franchement pas revivre ce genre de situation », a concé dé le marin qui sait que lors de cette circumnavigation il doit avant tout se battre contre lui-même, mais qui se réjouit, en tous les cas, d’attaquer un grand schuss sur le bord où il n’est pas pénalisé par l’absence de foil.
L’importance de viser des points intermédiaires
« Ça devrait aller vite, et même très vite. Il va falloir réussir à bien gérer. Cela met un peu de pression. Une pression s’ajoute au fait qu’à ces latitudes, on est un peu tout seul car même si on parait proche de l’Australie, on est quand même un peu perdu au milieu de nulle part. Le Grand Sud est un endroit assez hostile. On n’a pas envie d’y faire de bêtises et c’est d’autant plus vrai lorsqu’on sait qu’il n’y aura pas quelqu’un pour venir nous aider », a rappelé Anthony Marchand qui a, devant lui, près de 6 000 milles à parcourir avant de franchir l’archipel de la Terre de Feu. Rien de moins.
« Si tu regardes la cartographie, tu te rends compte à quel point c’est encore loin. Je préfère donc ne pas trop y penser mais plutôt me focaliser sur d’autres choses comme l’entrée dans le Pacifique, le passage au sud de la Nouvelle-Zélande et celui du Point Némo », a détaillé le skipper d’Actual Ultim 3 qui a débordé la longitude du cap Leeuwin hier à 21h10 (heure de Paris) et devrait franchir celle de la Tasmanie très tôt jeudi matin. « Tous ces points sont importants. Ils rythment la course. J’avoue cependant qu’hier, j’étais davantage concentré sur la dépression qui arrivait sur moi puis mes empannages et mes changements de voile que sur tout autre chose », a relaté le Breton pleinement polarisé, ce mardi, sur ce fameux sprint géant qui l’attend, notamment dans le Pacifique.
« Aujourd’hui, je prévois de faire un point sur tout ce qu’il y a dans la cabine. Est-ce que j’ai assez de papier toilette, de plats lyophilisés, d’eau ? Je vais refaire un petit ravito de plusieurs choses en vue de cette semaine plein gaz pour éviter d’avoir à redescendre si c’est un peu scabreux même si, bien sûr, je ne serai pas non plus bloqué dans la cellule de vie. Par ailleurs, lorsque j’irai affaler les voiles d’avant puis les ranger proprement dans les sacs, cela vaudra le coup que je checke le bateau afin de m’assurer que tout va bien. Ces prochains jours, il va y avoir un peu de stress, mais du stress positif ! »