Bizarre, vous avez dit bizarre…

FONCIA MICHEL DESJOYEAUX
DR

Cette course n’en est pas à un paradoxe près. Elle a rassemblé un des plus beaux plateaux de la course au large, pour ce qui s’est avéré être une des courses transocéaniques les plus palpitantes qui soient, avant que l’Océan Indien puis le Pacifique ne commencent leur lent travail de sape. A ce petit jeu, nombre de favoris sont tombés dans l’escarcelle du grand méchant sud sur avarie technique ou pire, suite à des collisions dans une mer visiblement de plus en plus encombrée. A ce petit jeu, Michel Desjoyeaux que beaucoup imaginaient perdu pour le podium s’installe chaque jour un peu plus en solide leader d’autant que les infortunes de mer semblent vouloir maltraiter tous ceux qui tenteraient de se mettre en travers de sa marche. Dernier en date, Roland Jourdain (Veolia Environnement) contraint de consolider la cloison qui soutient son pied de mât et de transformer son fier navire en atelier de matériaux composites… Sa rencontre brutale et fortuite avec un cétacé a provoqué de sérieux dommages que le navigateur s’efforce de réparer avec les moyens du bord. Avant de stratifier, il faut poncer : un moindre mal quand on travaille dans un hangar équipé pour aspirer les microbilles de carbone qui se dégagent, mais c’est une toute autre paire de manches quand il s’agit d’accomplir le même labeur en navigation. On savait déjà que le seau et l’éponge étaient les meilleurs amis du navigateur solitaire. L’aspirateur vient s’ajouter à la liste de la parfaite panoplie de l’homme d’intérieur. Mais, " Bilou " n’a pas abdiqué, loin de là. Au dernier pointage, il conservait une vitesse légèrement supérieure à celle du leader de la course toujours aux prises avec les calmes de l’anticyclone qui sévit au large des côtes uruguayennes. Que dire encore des frères de mer, Vincent Riou (PRB) et Jean Le Cam (VM Matériaux), unis en 2005 pour la gloire et qui voient cette année leurs destins toujours liés suivre une tout autre pente ? Pour l’heure, les deux navigateurs se débattent dans les méandres administratifs liés à une arrivée inopinée dans le port de Puerto Williams. Il semble bien que la solidarité des gens de mer s’arrête parfois aux limites d’un poste de douane.

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La valeur n’attend pas
Dans le maelström des classements, certains se retrouvent propulsés sur le devant de la scène sans crier gare. Ainsi de Sam Davies (Roxy) qui s’apprête à passer le Cap Horn dans la nuit en quatrième position sur le bateau double vainqueur de la course. Sans oublier non plus Armel Le Cléac’h (Brit Air) qui voit ses principes de sagesse largement récompensés par une place sur le podium. Avec un bon sens évident, il a apprivoisé doucement les mers du sud avant de trouver son rythme et d’imprimer une cadence qui lui permettra de faire jeu égal avec Vincent Riou tout au long du parcours. De plus, Armel retrouve ici des mers plus familières qui devraient lui permettre de faire parler son talent de régatier qu’il a déjà largement montré sur la Solitaire du Figaro. 700 milles de retard, c’est à la fois un monde et une goutte d’eau à l’échelle de la traversée de deux océans sur des bateaux déjà bien éprouvés par la mer cassante de des Quarantièmes. Deux bizuths cap-horniers aux troisième et quatrième places, voilà qui démontre une fois de plus que le talent peut compenser une bonne part de l’expérience. Dernier des paradoxes : alors qu’ils affichent déjà plus de 6000 milles de retard sur la tête de flotte (soit plus que la distance qu’il reste à parcourir à Michel Desjoyeaux), Norbert Sedlacek (Nauticsport – Kapsch) et Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) se retrouvent aux prises avec un anticyclone qui risque de les engluer dans des calmes durant de longues heures. Des côtes de l’Uruguay aux portes du Pacifique, il existe encore des correspondances…

Les premiers au pointage de 16 heures le 10/01/09 :
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 5465,1 milles de l’arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 191,2 milles du premier
3- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 718,3 milles du premier
4- Sam Davies (Roxy) à 1818,5 milles du premier
5- Marc Guillemot (Safran) à 2184,9 milles du premier