Les traditions se perdent ! Peu de marins joints aujourd’hui à la vacation n’ont prévu de fêter dignement le passage de l’équateur la nuit prochaine. Quasiment pas la moindre offrande à Neptune qui, pourtant, leur a concocté un pot-au-noir des plus complaisants. Un ersatz de pot même, sans orages ni grains à 40 nœuds. Une version allégée que les premiers ont traversé comme des fleurs. Et selon certains, le plus facile pot-au-noir qu’ils aient connu ! Finalement, le groupe de tête a plus été ralenti dans son approche de la zone de convergence, lorsque l’alizé était faible, que dans la traversée elle-même de cette zone redoutée. Pour les retardataires aussi le pot-au-noir semble des plus cléments. Mais méfiance. D’humeur ombrageuse, Neptune pourrait se vexer de l’ingratitude des premiers et se venger sur les suivants.
Statu quo en tête
Grâce à cette traversée express, le classement n’a pas été chamboulé. L’inamovible Loïck Peyron (Gitana Eighty) mène la flotte depuis maintenant neuf jours, avec Sébastien Josse (BT) toujours collé dans son sillage. Plutôt discret jusque-là, le vainqueur du dernier Vendée Globe se hisse sur le podium provisoire. Vincent Riou (PRB) profite d’une position décalée dans l’est par rapport à ses adversaires directs pour grappiller quelques places. Tout ce petit monde navigue désormais penché, au près bâbord amures dans une mer désordonnée. Le top 10 de ce Vendée Globe, toujours aussi groupé en 75 milles, a changé de garde-robe, rangé les spis et ressorti les génois ou trinquettes. Au menu des prochains jours, du près et encore du près. Et en l’absence d’un anticyclone de Sainte-Hélène bien établi, les options stratégiques vont de nouveau fleurir au large du Brésil.
Gasoil ou baignade
Au registre des petites avaries du quotidien, Jean Le Cam (VM Matériaux) a déploré une fuite de gasoil au fond de son bateau, l’obligeant à éponger les 30 litres nauséabonds qui se baladaient dans la cale moteur. De son côté, Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) a perdu quelques milles en accrochant un filet de pêche dans sa quille. Comme à son habitude, Jean-Pierre n’a pas traîné longtemps avant d’affaler les voiles et plonger sous la coque de son navire un couteau à la main. Enfin une tradition qui ne se perd pas…
Meilleure progression
Attribuée pour la deuxième journée consécutive au dernier de la flotte, Jean-Baptiste Dejeanty, qui a parcouru 340 milles en 24h. Le skipper de Groupe Maisonneuve, au large des Canaries, avait repris la mer une semaine après le départ pour réparer son monocoque fissuré au pont.
Voix du large…
Roland Jourdain (Veolia Environnement) : « Je suis plutôt content de mon coup à l’ouest. Dans le pot au noir, je n’ai pas eu de grosse molle, pas de pluie ni de nuages à négocier. Maintenant, le vent est monté et la situation n’est pas très confort. Ça tape dans la houle, le vent est irrégulier, entre 14 et 20 nœuds. Je marche à 10,5 nœuds… vivement que ça débride un peu ! »
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « Nous sommes à nouveau entrés dans un monde qui penche. J’ai réglé ma bannette pour pouvoir dormir par 20 degrés de gîte ! Je suis content d’avoir retrouvé les alizés de sud. Il y a encore de gros nuages, mais on sent qu’on se rapproche de l’équateur. On devrait le franchir cette nuit. J’ai mis le champagne au frais… enfin, il est plutôt au chaud. »
Vincent Riou (PRB) : « Le bateau tape plus qu’il ne glisse. On est au près serré dans 15 à 20 nœuds et ça risque d’être comme ça pendant de nombreux jours. Il faudra s’habituer à faire du près et du reaching. Sinon, pour le passage de l’équateur, je n’ai rien prévu de spécial. J’ai arrêté de boire un coup tout seul dans mon coin parce que c’est un peu glauque… Je réserve ça à plus tard en bonne compagnie. »
Yann Eliès (Generali) : « Ça y est, on a dépassé la bête et je suis passé du spi au génois. En fait, à part l’approche qui a été langoureuse, on a eu du vent quasiment sans interruption. Il n’y a pas eu d’entourloupe, pas de gros grain, pas de surprise, ça a été super franc. C’est la première fois que je passe le pot au noir aussi rapidement (…). Pour le passage de l’équateur, je n’ai pas trouvé grand-chose dans mon sac de bouffe de la semaine N°2. J’ai déjà mangé le meilleur : la blanquette ! »
Jean le Cam (VM Matériaux) : « J’ai passé la nuit les mains dans le gasoil, à cause d’une fuite dans le tuyau qui permet de remplir le réservoir journalier. Je me suis retrouvé avec 30 litres dans les fonds. J’étais là, avec mon éponge, ma bouteille en plastique coupée en deux et mon seau et puis j’ai refait l’opération dans l’autre sens pour en récupérer le maximum. C’est terrible, l’odeur est insupportable. Bref, à chaque jour suffit sa peine. »
Le mot du tour…
Génois, Solent, trinquette : ce sont les voiles d’avant qui permettent de remonter au vent. Le génois est la plus grande des voiles de près. Solent et trinquette sont deux appellations qui désignent sensiblement le même type de voile, plus petite qu’un génois et utilisée pour une plage de vent supérieure.
Les 5 premiers au pointage de 16h00
1- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 20796 milles de l’arrivée
2- Sébastien Josse (BT) à 19,6 milles du premier
3- Vincent Riou (PRB) à 33,1 milles
4- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 34,6 milles
5- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 42,5 milles
Les premiers étrangers
10- Mike Golding (Ecover) à 75,8 milles
11- Dominique Wavre (Temenos II) à 170,8 milles
12- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 180,4 milles