
Charlie Dalin continue sa course folle en tête de la dépression, maintenant un rythme d’enfer, tandis que Sébastien Simon a ralenti pour préserver son bateau. Derrière eux, toute la flotte subit une mer hachée qui rend la vie à bord particulièrement difficile. L’océan Indien se mérite.
Alors qu’ils sont désormais trente à évoluer dans l’impitoyable Océan Indien, la tête de flotte s’est répartie les Terres Australes et Antarctiques Françaises, éparpillées façon puzzle tout autour du monstre de vent et de houle qui s’est formé en leur sein.
Cette nuit encore – la 26e de ce Vendée Globe; les 38 skippers sont dans le dur. Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) continue à filer à près de 23 nœuds de moyenne et tient ses routages dans une mer qui devient difficile. Il est en passe de gagner son pari. Il pourrait au final avoir 250-300 mn d’avance dans 5 jours.
Son poursuivant, Sébastien Simon, n’a pas réussi à tenir la cadence du Havrais. Déjà décroché de 80 milles hier, le skipper de Groupe Dubreuil accuse ce matin plus du double de retard sur le leader. Surtout, le marin est désormais passé de l’autre côté du système dépressionnaire, en arrière de son centre, et ne bénéficie donc plus des mêmes conditions que son prédécesseur :” Ça caille vraiment depuis le passage du front ce matin, j’ai mis un peu de chauffage. J’essaie d’être précautionneux du bateau ce qui m’a quand même poussé à ralentir un peu. Je me suis fait un peu bouffer par l’œil de la dépression qui m’a bloqué pendant presque deux heures, c’était très étonnant, j’avais jamais eu cette expérience-là ! Le vent a commencé à revenir avec l’arrière de la dépression, je commence à avoir une mer assez forte, assez croisée, et surtout un vent très froid, très dense et très rafaleux. Là j’ai que 24-25 nœuds, mais des fois ça monte à 30-31 nœuds sans prévenir, le bateau fait des accélérations à 35 nœuds…”
“On a eu 40 nœuds max en avant du front, c’était je pense le bon choix. Le noyau de mer je vais le prendre maintenant alors que le groupe du Nord l’a déjà depuis plusieurs heures. De toutes façons il n’y avait pas d’escape, on était trop Sud. Je ne tiens pas les routages, mais je veux traverser cet Océan Indien sans encombre donc je suis très prudent, c’est pas le moment de tirer sur la machine je pense, je saurai le faire à d’autres moments, je fais la course à mon rythme !”
Au Nord, Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 3e) en tête, bataille déjà avec 7 mètres de vague selon les fichiers, suivi, 80 milles derrière, par Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e). Pour tout ce paquet, qui s’étire plus Sud jusqu’à Paul Meilhat (Biotherm, 8e) et Yannick Bestaven (Maître CoQ V, 9e), c’est l’état de la mer qui va leur faire vivre une épreuve qu’on ne souhaite pas à grand monde, puisque, déjà, ils sont croqués par l’anticyclone derrière la dépression.
Justine Mettraux (TeamWork – TEAM SNEF, 10e), avec Boris Herrmann et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) foncent droit vers l’archipel Crozet. Ce petit groupe a doublé Sam Davies plus au nord.
Normalement demain dans la journée, j’arrive avant qu’il fasse nuit au vent de l’île aux Cochons donc je devrais la voir, je suis trop contente. Il y a déjà des tonnes d’albatros, hier j’en avais une douzaine autour de moi, ça c’est assez stylé, je sais pas si j’en avais déjà vu autant d’un coup ! Ils paraissent irréels tellement ils sont gros, c’est vraiment très étrange, on dirait des dessins animés ! Quand je vais prendre un ris ou affaler quelque chose, faut toujours s’armer de courage mais en général on est toujours récompensé par des belles apparitions comme ça ! Mais j’ai toujours tendance à avoir envie de ralentir pour les regarder, ce qui n’est pas tout à fait le plan !
Le plan de la navigatrice a tout de même été un peu compromis aussi par son avarie. Le support de son vérin de foil a rendu l’âme, et avec lui la possibilité de régler convenablement son appendice pourtant bien utile. Pour elle, les prochains jours devraient être relativement simples à aborder, même si « c’est jamais tout droit comme dans les bouquins ». « Il va forcément y avoir un moment désagréable avec une dépression qui passe d’ici à ce qu’on remonte de la zone des glaces, mais si tout va bien c’en est pas une trop creuse », raconte Clarisse Crémer, qui expérimente à nouveau quelques sensations du Grand Sud rencontrées voilà quatre ans :
J’ai retrouvé le froid, il fait 10 degrés dans le bateau, c’est pas horrible mais quand t’essaies de dormir t’as vite froid ! Tu sais quand t’as tellement dormi et écrasé que tu te réveilles t’es trempée comme les bébés qui dorment. T’es toute transpirante de sueur du sommeil lourd du début de nuit, et il faut sortir de ta couette pour aller renvoyer un ris, c’est un petit moment désagréable (rires) ! Par contre la sensation d’aller se mettre sous sa couette, est tellement agréable !”
Pas sûr que le groupe suivant ait beaucoup eu le temps d’aller à la banette ces dernières heures, avec un passage de la pointe sud-africaine réalisée dans des conditions bien engagées. A l’image de Sébastien Marsset (Foussier, 26e), qui raconte :” La nuit a été hyper active, on est toujours en avant du front. On a eu jusqu’à 45-47 nœuds, il a fallu réduire au fur et à mesure de la nuit ! J’ai pris le ris 3, joué avec la trinquette… et pour couronner le coup, j’ai pris un truc dans ma quille et j’ai dû faire deux marches arrières avec trois mètres de houle et une mer courte ! Mais ça s’est bien passé, j’ai pu retrouver ma vitesse.
Vers quel TAAF choisira-t-il de pointer l’étrave ? Pour l’heure, ses prédécesseurs, à commencer par Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-lux, 20e), talonné de près par Alan Roura (Hublot, 21e) ont mis le cap au Nord, longeant encore la côte sud-africaine, comme un dernier au revoir au continent africain. Avant le prochain !