Un jour, un marin étranger gagnera le Vendée Globe. Et ce marin pourrait bien être Alex Thomson. Nous avons rencontré Alex Thomson avant le départ du Vendée Globe et il partageait avec nous ses ambitions et son rêve. Il aura été un des grands animateurs de cette 8è édition et à quelques jours de l’arrivée, ll conserve encore des chances de gagner…tant que la ligne n’est pas franchie par Armel Le Cleac’h ! Ce serait la deuxième fois qu’il se retrouverait derrière Armel sur un Vendée !
Au départ de ce Vendée Globe, le skipper britannique avait indéniablement le plus d’arguments pour briller parmi les skippers étrangers. Durant la New York/Vendée, Alex Thomson a prouvé sa capacité à aller vite, très vite – et bien. Et il n’est pas du genre à cacher ses hautes ambitions, à jouer les outsiders. « Je dispose d’un IMOCA neuf et rapide, j’ai une équipe solide autour de moi et je me sens en position de force, physiquement et mentalement. J’ai donc toutes les cartes en main pour gagner. Nous n’avons jamais été dans une meilleure position avant le départ d’un Vendée Globe », affirme-t-il sans ambages. Avec Bertrand de Broc, Vincent Riou, Jean-Pierre Dick et Jean Le Cam (s’il parvient à boucler son budget), Alex était l’un des cinq marins qui, le 6 novembre aux Sables d’Olonne, prenait le départ de leur quatrième Vendée Globe.
Deux abandons, un podium, et une victoire ?
Cette expérience constitue l’un des atouts majeurs du skipper d’Hugo Boss. Avant de participer au Vendée Globe, Alex Thomson fut en 1999 le plus jeune navigateur à inscrire son nom au palmarès d’une course autour du monde, la Clipper Round the World Race. Il n’avait alors que 25 ans. Pour sa première tentative sur le Vendée Globe, en 2004-2005, Alex est contraint à l’abandon au large de l’Afrique du Sud suite à un problème de structure. Quatre ans plus tard, il joue de malchance lorsque son monocoque est percuté par un chalutier sortant des Sables d’Olonne, à quelques jours à peine du départ. S’engage alors une folle course contre la montre pour réparer au plus vite et prendre part à l’épreuve. Alex s’élance mais la coque de son IMOCA 60’, fragilisée, ne résiste pas bien longtemps. Après un jour de course, il fait demi-tour et donne rendez-vous en 2012. La persévérance paye et, pour sa troisième participation, le Britannique réalise une très belle course et décroche une place sur le podium (3e derrière François Gabart et Armel Le Cléac’h) à bord d’un bateau d’avant-dernière génération. Une performance notable.
Alex souhaite désormais faire mieux mais ce n’est certainement pas la 2e place qui l’intéresse. Pour mettre toutes les chances de son côté, il se présente cette fois avec un très élégant IMOCA à foils de dernière génération construit au chantier Green Marine, et mis à l’eau à l’été 2015. L’histoire d’Alex Thomson avec ce plan VPLP/Verdier flambant neuf a failli tourné court. Pour sa première sortie sur une course d’envergure, la Transat Jacques Vabre 2015, Alex, associé à l’Espagnol Guillermo Altadill, s’est fait une belle frayeur. A la suite d’un chavirage au beau milieu de Atlantique, les deux hommes ont dû être hélitreuillés, abandonnant leur bateau très endommagé… Hugo Boss a finalement pu être récupéré, en piteux état. Cette mésaventure a nécessité pour l’équipe des mois de réparations majeures et de renforcements pour que la machine soit à nouveau en état de naviguer. Alex est alors parti à la recherche du temps perdu.
La New York/Vendée, « un immense soulagement »
Après ce revers, c’est peu dire qu’Alex Thomson avait de la pression sur ses larges épaules pour la Transat New York/Vendée, dont le départ a été donné le 29 mai 2016. Et ce d’autant plus qu’il s’agissait de sa première course en solitaire à bord de son nouveau 60 pieds. Mais le skipper d’Hugo Boss a donné le ton dès le début de course et a emmené la flotte durant la majeure partie de l’épreuve, imposant une cadence infernale à ses adversaires. Même Sébastien Josse n’en est pas revenu. « A mon avis, le rythme d’Alex Thomson, 25 nœuds de moyenne sur un bateau à foils, ce n’est pas à faire », confiait-il peu après son arrivée. « Alex avait besoin de tester le potentiel de son bateau par rapport aux autres. Il peut être rassuré, il a fait un super boulot ! » Venant d’un marin de la trempe de Seb Josse, le compliment a de quoi faire plaisir.
Il est vrai que désireux d’évaluer la résistance de son foiler en vue du Vendée Globe, le skipper britannique n’a pas hésité à aller chercher les conditions les plus délicates. Il aurait probablement remporté la Transat New York/Vendée s’il n’avait pas subi une panne de pilote automatique qui a provoqué une brutale sortie de route le cinquième jour de course. Jérémie Beyou et Sébastien Josse, ses deux concurrents directs, ont alors pu le dépasser, de manière définitive. Mais l’essentiel est sauf : Alex a bouclé l’épreuve, démontrant que le duo qu’il forme avec son IMOCA est en mesure de jouer les tous premiers rôles. « Cette troisième place est un immense soulagement après l’incident de la Transat Jacques Vabre », se réjouit-il. « C’est une belle réussite, non seulement pour moi, mais pour toute l’équipe qui a travaillé très dur. C’est bon pour la confiance. Nous savons désormais que le bateau est rapide, peut-être le plus rapide dans certaines conditions, car il est un peu plus léger et étroit que les autres foilers. Rendre Hugo Boss encore plus performant ne sera pas difficile tant la marge de progression reste importante. Mais accroître la fiabilité sera plus compliqué compte tenu du temps dont nous disposons. J’ai confiance en la structure du bateau. Mais il reste beaucoup de travail pour améliorer les autres problèmes potentiels de fiabilité. Pour être confiant à 100 %, il va falloir passer le plus de temps possible sur l’eau d’ici au départ du Vendée Globe. »
« Je me moque de ce que disent les gens tant qu’ils ne pensent pas que je suis lent ! »
Parmi les motifs de satisfaction dégagés par Alex Thomson, il y a les fameux foils. « Ces appendices sont fantastiques ! Ils offrent des sensations incroyables : c’est le futur, ça ne fait aucun doute », s’enthousiasme Alex. « Au près, je pense que mon ancien IMOCA était un peu plus rapide. Mais au reaching et au portant ce nouveau bateau va beaucoup plus vite. Il a fallu faire quelques sacrifices quant aux performances au près. Mais le Vendée Globe est essentiellement une course de portant. Je suis donc prêt à faire ces sacrifices ! » Le gain significatif en vitesse se fait au détriment du confort à bord. Alex Thomson : « Je suis obligé de marcher à quatre pattes comme un bébé, ce n’est pas confortable du tout. Une seconde d’inattention et le bateau tombe dans une vague, il s’arrête brutalement et vous vous retrouvez projeté vers l’avant. C’est réellement très inconfortable. Tout est dur. Le bruit est incroyable à bord. A pleine vitesse, il devient très difficile de dormir. Il va falloir du temps pour s’habituer à ce 60 pieds. Sur la New York/Vendée, je tenais des moyennes proches de 30 nœuds ce qui change considérablement la donne par rapport aux précédents IMOCA. J’ai parfois rétracté le foil car je ne voulais pas aller si vite. Peut-être que dans quelques années nous serons tous capables d’afficher ces moyennes. En tout cas, sur mon ancien bateau j’étais tout le temps à l’aise. Celui-ci, je vous assure qu’il me fait peur ! » Si c’est Alex Thomson qui le dit, on peut le croire…
Car le Britannique a la réputation d’être casse-cou, les mauvaises langues diront même casse-bateaux. Mais Alex s’en moque. « La réputation est une perception et ne reflète pas toujours la réalité. Je me moque de ce que disent les gens tant qu’ils ne pensent pas que je suis lent ! », dit-il. Alex a fait de ce côté extrême une marque de fabrique, assurant au passage quelques bons coups de com’ à son sponsor. Son triptyque de paris de plus en plus fous a affolé les compteurs sur internet, faisant le buzz bien au-delà du cercle des passionnés de voile. En 2012, il avait surpris en se mettant debout sur la quille de son IMOCA en navigation, en costume Hugo Boss (le « Keelwalk »). Deux ans plus tard, dans la même tenue, il marque à nouveau les esprits en montant et en plongeant depuis la tête de mât de son bateau (le « Mastwalk »). Toujours en costard, son troisième défi, le « Skywalk, mêle deux de ses grandes passions, le kitesurf et la voile. Lancé à pleine vitesse en kite derrière son IMOCA, Alex accroche à son harnais un bout fixé en tête de mât d’Hugo Boss. L’effet est immédiat, Alex s’envole jusqu’à 85 mètres de haut. C’est alors qu’il décroche le bout de son harnais et vole de ses propres ailes pour redescendre jusqu’à la surface de l’eau. Les images sont incroyables, presque irréelles.
Ces défis pourraient paraître anecdotiques s’ils ne reflétaient pas le tempérament d’Alex Thomson, un personnage à part dans le monde de la course au large qui n’hésite pas à faire des choix architecturaux radicaux et à naviguer de manière engagée. La prise de risque est souvent maximale. Ca passe ou ça casse. Mais quand ça passe, le résultat peut être probant. Un jour, un marin étranger gagnera le Vendée Globe…