Réactions de Vincent Riou et Sébastien Col

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Réaction de Vincent Riou

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« Nous sommes heureux car ça n’a pas été une mince affaire que d’arriver ici entier. On a du mal à se remémorer l’état d’esprit dans lequel on est parti mais, ce qui est sûr, c’est qu’on ne faisait pas les malins, on savait qu’on partait sur une course engagée avec dans l’esprit une première partie essentielle : passer sans encombre et être dans le paquet de tête au niveau des Açores. Ce qu’on a réussi à faire et, après il restait tout à construire. Je crois qu’on a bien exécuté le plan.

C’était un beau match parce qu’au final, ils ne nous ont jamais laissé beaucoup de répit, derrière. Avant hier matin, il n’y a jamais eu plus de trente-cinq milles d’écart entre le premier et le deuxième. Sur une course de 5500 milles, c’est pas mal, c’était engagé. Et tour à tour, les trois bateaux qui sont sur le podium ont été en tête de la flotte chacun à son tour. On était venu pour la compétition, on a trouvé ce qu’on cherchait. Franchement, non. On est content d’arriver assez rapidement parce que c’est une course éprouvante et cela aurait pu ne pas être facile pour les organismes.

Nous avons fait une transat particulière. Nous avons travaillé nos sensations sur cette Transat Jacques Vabre. Dès la première nuit de course, on est tombé en panne de centrale de navigation. On a tout fait avec, comme seul affichage, la route fond et la vitesse fond. Comme si nous avions un bandeau sur les yeux. Nous n’avions ni la force, ni la direction, ni l’angle du vent. Nous avons tout fait sans assistance électronique. On me l’aurait dit avant le départ, j’aurais dit non pas question ! Ca ne peut pas marcher. Il faut aiguiser ses sens et se mettre au boulot. Avec le peu de repères, ce n’est pas évident de trouver les bons réglages. Il faut toujours être bien toilé pour avoir des sensations. La leçon, c’est que c’est possible, et parfait pour apprendre sur un bateau.

La nouvelle génération d’IMOCA est en phase d’apprentissage, de découverte. On ne joue pas dans la même catégorie. On a un bateau abouti, on a les manettes, on sait comment ça marche. Eux sont en mode découverte. Mais c’est sûr que les foils sont prometteurs, c’est sûr que c’est l’avenir de la voile, c’est sûr qu’on en aura tous un jour. Mais à quelle échéance ? On ne peut pas refuser le progrès. Et d’ailleurs, avec Seb, on voit ça avec beaucoup d’enthousiasme. Pour l’heure, la règle de jauge n’est pas adaptée, et c’est aujourd’hui une histoire de timing. Si on n’en a pas aujourd’hui, c’est pour des raisons de timing, de mise au point et on va devoir reconsidérer tout ça. Je parle à chaud, mais il va falloir analyser ce qui s’est passé : ils ont montré de belles choses.

L’un des premiers points clés c’est le démarrage, le choix d’aller chercher la dépression dans le sud-ouest de l’Irlande, c’était essentiel. C’était rédhibitoire de ne pas y aller, d’autant que, selon moi, c’était la solution la plus sécurisante pour les bateaux, et en termes de conditions météo. Ceux qui ont tourné à gauche se sont faits bien plus secouer que nous. On l’avait vu la veille du départ.

Après, il y a eu la longue descente de l’Atlantique au reaching, il fallait suivre la cadence, il y avait de la mer tout le temps, mais il n’y avait rien à faire et aucun avantage à tirer à tenter de faire le break à ce moment-là.

Ensuite, on est arrivé au bout de huit jours devant un pot au noir assez étrange et, là, ça a commencé à jouer. Je fais finir par dire que c’est un endroit que j’affectionne, parce qu’il me réussit pas mal : je ne suis pas loin de 100% de réussite dans le pot au noir : à chaque fois que j’y entre derrière quelqu’un, j’en ressors devant. C’est plutôt bon signe. Il a fallu avoir les nerfs solides : on a cru s’en être sorti une première fois et ça s’est joué à pas grand-chose pour nous, mais on a été rattrapé par le phénomène. On a trouvé des directions de vent pas courantes, il a fallu virer de bord pour revenir marquer les concurrents alors qu’on pensait, le matin même, alors qu’on pensait avoir fait le break.

Puis il y a eu la corne du Brésil en premier, c’était intéressant : devant, les conditions étaient plus claires. On a voulu aller au large le plus vite possible. C’est le fruit de l’expérience et les leçons de notre ami Jean-Yves Bernot qui nous a appris que c’est très risqué d’aller traîner le long des côtes brésiliennes. Cela nous a permis une deuxième fois de prendre un petit peu d’avance, et jusqu’ici, tout a déroulé nickel. On a eu un petit peu de réussite au Cabo Frio, avec un petit front orageux juste avant : on a été freiné un peu, mais on va vraiment vite dans le petit temps et on a su traverser ce front orageux et à se retrouver devant. Mais ce nuage nous a suivis toute la journée et il a fallu foncer pour ne pas se faire rattraper. Et les autres étaient dedans. C’est l’avantage qui a fait la différence.”

Réaction de Sébastien Col :

« C’était un plaisir. C’est vraiment impressionnant de voir fonctionner Vincent. C’est une chance que j’ai eue de naviguer avec lui, c’est quelqu’un de très complet. Il maîtrise beaucoup de choses autant la technique que la navigation. Physiquement, ça s’est mieux passé. Il y a quatre ans avec François (Gabart), nous étions dans le dur, ce n’est jamais évident sur un bateau neuf d’arriver sans encombre. Au final, cette avarie d’électronique, c’est une bonne leçon, on se rend compte qu’on est de plus en plus assisté dans la vie en général. L’être humain est capable de faire de grandes choses.  C’était nouveau pour moi de rester devant avec des mecs qui attaquent 24 sur24. J’étais tendu. Pendant 6 jours … Moi d’habitude ça dure une heure. »