Les alizés n’étant pas aussi stables que les fichiers météo voudraient le faire croire, les skippers des monocoques IMOCA et des Multi50 doivent s’adapter à ces variations tout en surveillant leurs arrières. Car dans ces deux classes menées toutes deux par un duo, il faut non seulement aller le plus vite possible vers les Antilles, mais surtout devancer ses concurrents. François Gabart (Macif) le sait, lui qui a pris le commandement dès la sortie de la Manche. Tout comme Erwan Le Roux (FenétréA-Cardinal) qui a repris la main après les Açores.
Car dans cette situation de match-race, les duellistes ont le choix entre plusieurs options : soit attaquer en empannant pour provoquer une réaction du leader, soit anticiper la réaction de l’adversaire en jouant sur les bascules, soit tracer la route la plus droite possible en se disant que le final autour de la Guadeloupe sera suffisamment complexe pour que des ouvertures se forment. Chez les monocoques IMOCA, François Gabart a ainsi empanné plusieurs fois pour se recaler systématiquement sous le vent de Jérémie Beyou (Maître Coq) tandis que chez les Multi50, c’est Lalou Roucayol (Arkema Région Aquitaine) qui s’est démarqué en espérant être suivi par le leader Erwan Le Roux.
En fait dans ces deux classes, le troisième (Gilles Lamiré pour les trimarans de 50 pieds, Marc Guillemot pour les monocoques de 60′) tente une autre voie stratégique en espérant que les deux leaders s’enferrent dans un trou de vent… Mais le retard est suffisamment conséquent pour que les premiers ne s’occupent pas plus que ça d’un concurrent à plus de 150 milles… Les multicoques en ont encore pour trois jours de mer et l’écart entre les deux leaders de 70 milles n’est pas assez important pour que Erwan Le Roux se relâche. Et les monocoques devraient atterrir sur la Guadeloupe jeudi soir ou vendredi : le delta de 40 milles est insignifiant quand l’arrivée est programmée pour jeudi matin !
Quatre solistes dans un dix de tête
En tête, on prend les mêmes et on recommence. Depuis Madère, dix bateaux se partagent avec une belle régularité les premières lignes du classement. Dans ce groupe de leaders, quatre skippers, se détachent, s’échangent les places au gré des empannages. Yannick Bestaven (Le Conservateur), Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en peloton), Alex Palla (Thales Santander) et surtout l’imperturbable Kito de Pavant (Otio-Bastide Médical) en vrais solistes, donnent le tempo et impriment un rythme soutenu. Il leur reste 2000 milles pour se départager. Pour eux, comme pour leurs poursuivants, une vraie course d’endurance commence, où la gestion du matériel et des voiles sera primordiale.
On voit mal ce qui pourrait désormais empêcher Anne Caseneuve (Aneo) de creuser l’écart sur l’Italien Andrea Mura (Vento di Sardegna) : avec son trimaran de 50 pieds qui a touché les alizés au large des Canaries (et qui doivent tenir jusqu’aux Antilles), la skippeuse peut facilement aligner quatorze nœuds de moyenne vers l’Ouest ! Or Andrea Mura 250 milles plus au Nord, n’est toujours pas sorti de l’anticyclone et navigue plein Sud pour accrocher les alizés à moins de dix nœuds… L’écart va donc inexorablement se creuser jusqu’à Pointe-à-Pitre.
Mais surtout, l’Italien va dorénavant devoir contrer les attaques du Guadeloupéen Willy Bissainte (Tradysion Gwadloup) qui allonge la foulée dans le sillage d’Anne Caseneuve, en compagnie de Pierre-Yves Chatelin (Destination Calais) : ces deux solitaires naviguent de conserve depuis plusieurs jours et convergent aussi vers le 60 pieds monocoque de Sir Robin Knox-Johnston (Grey Power), le petit trimaran de Jean-Paul Froc (Groupe Berto) et le légendaire cigare noir de Wilfrid Clerton (Cap au Cap Location, ex-Kriter VIII) ! L’autoroute des alizés va donner lieu à une belle bataille entre ces six bateaux radicalement différents…
Ils ont dit
Sidney Gavignet (Ultime) : « Avec nos bateaux, on les dévore les milles, et c’est ça qui est bon ! Laisser sa trace à grands coups de foils et de dérives, de moins en moins dans l’eau, de plus en plus au-dessus. C’est bizarre à dire, mais quand on me demande quel a été le meilleur moment d’une course, l’arrivée est souvent ce qui vient en premier à l’esprit. On aime partir, mais on aime surtout revenir. »
Jérémie Beyou (IMOCA) : « C‘est très physique en ce moment. Faire des empannages dans 20 à 25 nœuds de vent, c’est chaud. Il faut surveiller le bateau, je me repose assez peu. Il y a encore un grand bord de bâbord à faire, mais il y aura des petits recalages à effectuer grâce à des petites opportunités météo. »
Yves Le Blévec (Multi50) : « Là je me rapproche quand même de la lay-line, il y a un moment où il va falloir gagner dans le Sud. Pour le moment, on gagne pas mal dans l’Ouest, je suis sur un bon bord rapide avec un angle correct et si le vent molli un peu, je vais ré-empanner pour aller vers le Sud. Depuis deux jours, on n’est pas sur la route directe. Si je voulais y être, il faudrait que je prolonge mon bord pendant au moins une dizaine d’heures. »
Classement de 16h
Ultime
1 MAXI SOLO BANQUE POPULAIRE VII Loick Peyron arrivé à 5h08
2 SPINDRIFT 2 Yann Guichard aux abords de l’île
3 EDMOND DE ROTHSCHILD Sébastien Josse à 155,7 milles de l’arrivée
IMOCA
1 MACIF Francois Gabart à 1195,2 milles
2 MAITRE COQ Jérémie Beyou à 39,97 milles
3 SAFRAN Marc Guillemot à 165,69 milles
MULTI50
1 FENETREA – CARDINAL Erwan Le Roux à 1057,6 milles
2 ARKEMA REGION AQUITAINE Lalou Roucayrol à 69,09 milles
3 RENNES METROPOLE – SAINT MALO AGGLOMERATION Gilles Lamire à 170,16 milles
CLASS40
1 OTIO – BASTIDE MEDICAL Kito De Pavant à 2008,6 miles
2 TALES 2 SANTANDER Alex Pella à 11,94 milles
3 SOLIDAIRES EN PELOTON Thibaut Vauchel-Camus à 29,15 milles
RHUM
1 ANEO Anne Caseneuve à 2052,2 milles
2 VENTO DI SARDEGNA Andrea Mura à 113,94 milles
3 TRADYSION GUADELOUPE Willy Bissainte à 271,82 milles