Rolex Fastnet Race, une course historique

Temps calme au rocher du Fastnet
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Provenant des Etats-Unis, de la Russie en passant par les Emirats Arabes Unis et l’Australie, la flotte reflète cet aspect international qui ne cesse de croître dans l’univers des courses au large en attirant la fine fleur des marins professionnels mais aussi nombre d’amateurs passionnés.

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Que ce soit de cette jeune omanaise Raiya al Habsi qui participe à sa première édition à Piet Vroom ce hollandais de 83 ans qui vient au rocher du Fastnet pour la 25e fois, le charme de la course est irrésistible. La majorité des 336 participants, un record, a un double objectif commun : le premier est de parcourir la totalité des 611 milles de ce parcours de caractère, le second étant de remporter la victoire toute classe confondue et remporter la Rolex Fastnet Challenge Cup et la montre Rolex.

Une Influence américaine
Lors de l’édition inaugurale de la Fastnet en 1925, une course inspirée par la classique américaine la Newport-Bermuda Race créée en 1906, les 7 voiliers en compétition avaient volé des drapeaux britanniques. Une touche d’influence étrangère soufflait déjà avec Saladwin, skippé par l’espagnol Ingo Simon mais aussi avec le premier vainqueur de la course, Jolie Brise un cotre aurique construit au chantier Albert Paumelle au Havre (FRA). Un an plus tard, la course enregistre la première participation outre-atlantique, le schooner américain, Primrose. Sa participation a été annoncée dans le New York Times, un signe de la réputation de l’événement de l’autre côté de l’Atlantique.

Les bateaux américains ont marqué différentes époques de la course. En 1928, Paul Hammond sur Nina a été le premier vainqueur américain mais en causant une controverse dans son désir et dans sa quête impitoyable pour la victoire à une époque où la voile était plus basée sur le respect. Plus rapides et plus sophistiqués que leurs homologues britanniques, les voiliers américains ont dominé les années 30. Dorade, dessiné et skippé par Rod et Ollin Stephens, a remporté la victoire en 1931 et 1933, Stormy Weather en 1935, tandis qu’Elizabeth McCaw s’emparait de la victoire en temps réel en 1937. Dans les années 50, Carina l’emporte à deux reprises en temps compensé en 1955 et 1957. Une décennie plus tard, Ted Turner s’impose avec son monocoque révolutionnaire American Eagle. Il remporta non seulement la victoire en 1969 et 1971 mais il établit aussi le nouveau record de l’épreuve. Lors de la tragique édition de 1979, Ted Turner remporta une nouvelle victoire sur un autre voilier, Tenacious. Seul un voilier américain, Great News, a remporté la Rolex Fastnet Challenge Cup depuis le record de Nirvana en 1985.

Cette année, une poignée de voiliers américains a encore répondu présent avec notamment le très compétitif 72 pieds, Bella Mente de Hap Fauth, actuel Mini Maxi Rolex World Champion. « La Rolex Fastnet est une course emblématique où les conditions peuvent être très difficiles. C’est un challenge tactique et stratégique. Il y a des moments dangereux mais aussi frustrants. C’est pour ces raisons que nous sommes ici. C’est extraordinaire d’avoir autant de participants, de 30 à 130 pieds. C’est une belle prouesse de la part des organisateurs. »

De l’autre côté de la Manche
Le plus grand contingent étranger provient sans conteste de France avec plus de 50 bateaux inscrits à la Rolex Fastnet Race. En 1928, L’Oiseau Bleu a été le premier monocoque à prendre le départ de la course, mais il aura fallu attendre 1929 pour que le premier voilier français, Guerveur, boucle le parcours. En 1965, Gitana IV du Baron de Rothschild, est l’un des derniers yawls à déplacement lourd à remporter la course, battant du même coup le record de l’épreuve vieux de 26 ans. À bord, l’équipage se devait de changer de tenue le soir pour un dîner servi à table. La première victoire française toutes classes confondues est survenue 2 ans plus tard avec Pen-Duick III, skippé par le légendaire Eric Tabarly. Trois français ont suivi avec plus récemment, Iromiguy en 2005.

Vainqueur en 2005 du Vendée Globe, François Gabart, co skipper du 60 pieds Macif est l’un des marins de la nouvelle génération de coureurs au large. « La Rolex Fastnet Race est très célèbre en France. Depuis que je suis enfant, j’ai toujours rêvé de faire cette course. Pour un professionnel, courir contre des amateurs est très intéressant en mélangeant juste des personnes qui aiment la voile. Je suis fier de faire parti de cet événement. »

Les années 60 marquent une nouvelle ère avec la globalisation de l’événement et l’arrivée des australiens qui ont apporté leur professionnalisme et leur dévouement. Le premier succès des marins des antipodes est au profit du légendaire Syd Fischer sur Ragamuffin qui remporte la victoire en 1971, une année marquée par la participation du Premier ministre de l’époque Edward Heath.

Aucun voilier n’a voyagé plus que Secret Men’s Business 3.5 de l’australien Geoff Boettcher, venu directement d’Adelaide. Avec toute la logistique qu’implique un voyage de 16000 milles entre l’Australie et la Grande-Bretagne, Boettcher n’est pas juste venu pour faire de la figuration. « Pour un australien, venir faire la Rolex Fastnet Race est quelque chose d’énorme. Nous avons fait tellement de Rolex Sydney Hobart (l’autre grande classique de course au large de 600 milles, remporté en 2010 par Secret Men’s Business 3.5) que participer à cette course est vraiment un plus dans la carrière d’un équipage. Nous espérons au moins un podium. » Mais Boettcher n’est pas le seul vainqueur de la Rolex Sydney Hobart à participer. Andrew Saies (vainqueur en 2009 sur Two True) est en compétition avec un équipage largement australien sur Two True Tarka.

Les succès de l’hémisphère sud ne se limitent pas qu’à l’Australie. En Nouvelle-Zélande, Ross Field sur RF Yachting s’est emparé de la victoire en temps réel mais aussi du record de l’épreuve en 1999. En 2003, Neville Crichton remportait la victoire en temps réel et cette année, l’un des plus grands marins de ce pays est de retour. « La Rolex Fastnet est l’une des plus grandes classiques de notre sport. C’est très tactique, compétitif et c’est une grande compétition, toutes les facettes que nous aimons. J’ai de très bons souvenirs de course. » Nous révèle Mike Sanderson, tacticien sur Bella Mente et ISAF Rolex Sailor of the Year en 2006.

La seule victoire de l’Amérique du Sud est arrivée en 1973 avec Saga, un monocoque brésilien. Le Moyen-Orient a confirmé son émergence avec la présence d’Abu Dhabi skippé par Ian Walker, vainqueur en temps réel et recordman de l’épreuve en 2011. Cette année, le Moyen-Orient est encore plus présent avec la participation du trimaran Oman Air.

L’héritage suédois
La Suède est un autre pays dont l’histoire est intimement liée à la Rolex Fastnet. Le premier succès remonte aux années 50 avec Circe en 1951 puis Anna Marina en 1959 qui a remporté les honneurs de la ligne tandis que le Sparkman & Stephens Anitra de Sven Hansen a remporté cette même année la victoire en temps compensé. À la fin des années 90, la Suède revient en force en occupant les avant postes avec notamment l’ancien Nicorette devenu Royal Blue, remportant les honneurs de la ligne à deux reprises, en 1995 et 1997. Les liens avec la course se sont encore renforcés avec la double victoire en temps compensé de Ran 2 de Niklas Zennström qui porte les initiales du Royal Swedish Yacht Club sur sa poupe. « Quand vous remportez le Trophée (Rolex Fastnet Challenge Cup) et que vous découvrez les noms inscrits sur les plaques avec tous ces voiliers, vous vous rendez compte à quel point l’histoire est présente. Qu’il s’agisse de vieux bateaux ou des bateaux dont vous rêviez petit, ils sont tous là. »

Voyage retour
Parmi cette multitude de voiliers internationaux, l’Irlande est un acteur privilégié avec comme emblème suprême le rocher du Fastnet. Seul un voilier irlandais, Chieftain, a remporté la course, c’était en 2007. Afin d’essayer d’inverser la tendance, un contingent d’une douzaine de voiliers a pris part à la course avec Antix un Ker 39, propriété de d’Anthony O’Leary et de son fils Peter. « La Rolex Fastnet est sur notre liste des choses à faire. » Explique Peter qui a concouru lors des JO de Londres en 2012. «  J’ai appris la voile à Baltimore et j’avais pour habitude de sortir pour voir les bateaux contourner le rocher du Fastnet. J’ai grandi avec l’objectif de la faire un jour. Mon père l’a déjà faite et ma mère a participé à la course en 1979. Quelques bateaux sortiront de Baltimore pour nous voir passer le rocher et ça sera bizarre de repartir dans l’autre sens vers l’Angleterre. »”

Les marins professionnels britanniques qui ont navigué à travers le monde continuent d’aimer cette course. « La Rolex Fastnet Race est l’une des plus grandes courses au large au monde. » Confiait Samantha Davies, navigatrice sur le Volvo 70 Team SCA, dont l’équipage est à majorité féminin. « Je me souviens quand j’étais petite et que je regardais les bateaux se préparer pour la course, il était alors inconcevable pour moi de naviguer sur 600 milles. Traverser la Manche était déjà une très longue route. Maintenant je suis là et je participe à ma 5e Rolex Fastnet Race. J’adore naviguer le long de la côte anglaise. C’est magnifique et il y a une quantité de possibilités tactiques à mettre en place. » L’attrait de la course est indéniable. Les organisateurs, le Royal Ocean Racing Club et en particulier son directeur général, Eddie Warden Owen qui a 7 éditions à son actif, admettent avec fierté que la course a atteint une grande popularité. « C’est l’Everest de l’océan pour la population. C’est un challenge difficile mais qui procure aux participants une immense joie. » Analyse Warden Owen. Une opinion que partagent les 3000 marins qui tous les deux ans viennent participer à la course.