C’est le benjamin de l’épreuve, François Gabart, 29 ans, dont c’est le tout premier Vendée Globe. qui a coupé en tête la longitude 67°17’21’’. Pas sûr que le jeune marin se fasse percer l’oreille gauche pour y mettre une créole en or, comme le voulait la tradition. Mais il aura en lui cette fierté d’appartenir à son tour au cercle des hommes rares que sont les cap-horniers. Le skipper de Macif a donc doublé le bout de rocher chilien aux alentours de 19h20 après 52 jours et une poignée d’heures de course. Autrement dit avec plus de quatre jours d’avance sur le temps de Michel Desjoyeaux en 2009.
A 20h35, Armel Le Cléac’h a à son tour franchi le cap Horn. A la dernière marque du parcours, le skipper de Banque Populaire compte 1h15 de retard sur François Gabart. Son temps de passage : 52 jours, 7 heures, 33 minutes. Armel Le Cléac’h : « C’est mon deuxième cap Horn, quatre ans après mon Vendée Globe en 2008. Malheureusement les conditions sont différentes, on ne voit pas grand chose. Je vois le cap au radar mais visuellement, à l’extérieur, j’ai du mal à le voir dans la grisaille. Avec les glaces qui sont présentes tout au long de la remontée vers les îles des Etats, on va essayer d’être vigilant. Quand on sera au niveau des îles, d’ici environ 150 milles, les conditions seront plus simples. Il y a un ferry pas loin de moi, mon alarme sonnait dans l’oreillette, il remonte vers le cap Horn il a dû aller voir les icebergs. Il y a un gros trafic par ici. François a pris un peu le large ces dernières 24h même si on est revenu au dernier classement. Je n’ai pas forcément choisi la bonne voile au bon moment et un empannage un peu délicat cette nuit m’a fait perdre un peu de terrain. Mais on est de nouveau opérationnel, on va remonter l’Atlantique. J’ai regardé les routages pour ces prochains jours et ça ne va pas être simple du tout. »
Ils n’ont pas le temps de profiter du paysage, malgré un passage de jour, sous un beau ciel de traîne. A bord de Macif comme de Banque Populaire, il faut être sur le pont et devant les écrans radar pour surveiller d’éventuels growlers issus d’une quinzaine d’icebergs repérés dans une zone allant du sud-ouest de Chili (jusqu’à 100 milles au large) à une centaine de milles dans l’Est de l’île des Etats. La marine chilienne a survolé et confirmé la position de quelques-uns de ces gros blocs de glace (jusqu’à 400 mètres) aujourd’hui.
Derrière eux, leurs onze poursuivants rêvent tous de franchir cette étape symbolique. Le prochain sur la liste s’appelle Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) que les routages donnent au cap Horn avec 1 jour et 7 heures de retard sur Gabart.
Ils ont dit
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « J’ai pris moins de gasoil, je me reposais sur mes hydrogénérateurs pour produire l’énergie à bord. Je n’avais pas du tout prévu assez de fuel pour faire le tour du monde complet. On avait fait des calculs pour prévoir une probabilité d’ennuis avec les hydrogénérateurs mais on n’avait jamais inclus dans nos calculs le fait qu’ils sont mal dimensionnés. Ils ont été construits comme des jouets, pas comme quelque chose de sérieux. Les mecs se sont plantés, ils ont fait du Lego, les dimensions n’étaient pas bonnes, c’était trop petit. Il faut qu’il y ait un contrôle rigoureux, ce n’est pas possible de partir avec quelque chose de si mal dimensionné. Autant de moyens mis en œuvre pour atteindre un résultat aussi médiocre, c’est à pleurer. Je suis en colère, ça m’a pompé l’existence. Les emmerdes ont commencé dès le Portugal. Surtout qu’à côté le bateau va bien, 95% du bateau est nickel. »
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) : « J’ai du me recentrer cette nuit, j’ai perdu beaucoup de milles par rapport à ceux de devant mais j’étais obligé de redescendre pour pouvoir viser le Horn. Niveau physique ça va, je dors bien le matin mais j’ai plus de mal la nuit. C’est un peu bizarre, c’est la première fois que ça m’arrive. J’essaye de trouver des forces pour le passage du Horn qui risque d’être assez compliqué avec du près puis du vent fort à l’arrière. Ensuite il faudra mettre un coup de cravache pour remonter le groupe de tête qui a pris pas mal d’avance, mais il reste pas mal de milles pour ça. »
Dominique Wavre (Mirabaud) : « Passer le cap Horn a quelques chose d’étonnant, c’est chargé d’histoire maritime et c’est un coin qui mérite sa réputation difficile. Ce sera une libération quand on l’aura passé et qu’on atteindra les Îles Malouines. Je disais il y a quelques jours que le bateau était nickel mais je viens d’avoir une grosse galère. Il y a 2-3 heures, le bout du grand gennaker a lâché et la voile s’est retrouvée à flotter à bloc dans le vent : impossible de l’enrouler. Je me suis battu pendant deux heures pour redescendre les 350 m2 de voile sur le pont mais j’ai réussi à en venir à bout. Et c’est là que tu regrettes d’être en solitaire et pas entouré d’une dizaine de costauds. C’était la première galère de ce tour du monde. »
Mike Golding (Gamesa) : « Les douze dernières heures ont été bien chargées, juste après ma sortie de la porte. Je ne suis pas très satisfait du vent juste derrière moi car je vais être obligé d’empanner sous peine de voir ma VMG diminuer. Les bateaux qui se trouvent derrière moi ont eu un meilleur vent qui va leur permettre d’opter pour une route plus directe. François (Gabart) réalise quelque chose d’incroyable, il vient d’arriver et il est déjà impressionnant et brillant. C’est manifestement un type très intelligent et en plus il a pu bénéficier des conseils de Michel Desjoyeaux, ce qui est évidemment un soutien important qui permet d’apprendre à faire les bons choix au sujet du bateau, de l’équipement et de la façon de naviguer. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 7061.5 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 35.7 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 485.1 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 956.5 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 2105.8 nm
6 Mike Golding Gamesa à 2559.2 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2632.4 nm
8 Javier Sanso Acciona à 2681.6 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2797.5 nm
10 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2803.4 nm