Le marquage à la culotte continue pour les deux leaders du Vendée Globe. Les deux gaillards disposent de bateaux très proches, ont été élevé au même lait du centre d’entraînement de Port-la-Forêt, ont les mêmes approches pragmatiques mâtinées d’une rigueur toute scientifique. Au final, c’est plutôt logique que les écarts de route soient si faibles entre eux. Pourtant, la donne pourrait être bousculée à l’approche de la porte Pacifique Ouest. En cause, une dépression d’origine tropicale qui pourrait venir perturber ce bel ordonnancement, en générant des vents instables et faibles aux abords de cette porte. Les logiciels de routage qui préconisaient, hier encore, un crochet bien au nord pour rejoindre ensuite la dernière des portes du Pacifique, proposent aujourd’hui de plonger jusqu’aux abords du 55° Sud. Comme quoi, vérité d’un jour ne vaut pas forcément le lendemain. Cette zone de vents faibles pourrait aussi décider du destin de Jean-Pierre Dick dans cette course. Qu’elle s’installe suffisamment tôt et les deux leaders pourraient être fortement freinés, permettant à Jean-Pierre de revenir dans le match. Qu’en revanche, la dépression tarde à descendre et la zone de transition pourrait s’installer après le passage des leaders, reléguant aux oubliettes tous les efforts du skipper niçois, lorientais d’adoption.
Jean Le Cam a saisi l’opportunité de creuser le trou sur le groupe des quinquas Mike Golding (Gamesa), Dominique Wavre (Mirabaud) et Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered). On sentait, depuis plusieurs jours, Jean Le Cam, moins prolixe, plus concentré, lors des directs avec le PC Course. Sans doute sentait-il cette occasion se profiler et craignait-il de la voir s’échapper. Au final, il a su rester sur la brèche au bon moment et filer à l’anglaise sous l’étrave de Mr Golding. Reste que pour lui, le podium est encore à plus de 1200 milles, soit entre trois et quatre jours de mer à rattraper. Autant dire que, sauf souci matériel chez le trio de tête, l’affaire n’a rien d’une évidence.
Les solidaires de Sandy Bay
Bernard Stamm a finalement mouillé son voilier en face de la plage de Sandy Bay, au nord de l’île Auckland. Après avoir vainement cherché un mouillage forain suffisamment abrité, il a, après bien des zigzags jeté son dévolu sur cette baie dans laquelle Marc Guillemot avait déjà mouillé en 2008 pour réparer son rail de grand-voile endommagé. Le skipper de Safran,quand il a été mis au courant des intentions de Bernard, s’est spontanément proposé pour guider le navigateur suisse. S’en est suivi, un véritable petit road-book transmis à l’équipe technique de Cheminées Poujoulat avec les pièges à éviter et quelques bons conseils pour choisir le lieu de mouillage le plus adapté. Quand il s’était arrêté en 2008, Marc avait été sidéré par la densité de la faune évoquant un endroit magique où phoques et morses vivent par troupeaux, où de nombreux cétacés, orques et cachalots viennent roder autour du bateau. Il y avait même aperçu deux scientifiques néo-zélandais sur la plage, mais n’avait pu entrer véritablement en contact avec eux.
Pour approcher Sandy Bay, Bernard Stamm a dû mettre son moteur en route après en avoir informé la direction de course. Il devra, une fois les réparations effectuées, plomber de nouveau son arbre d’hélice, puis en envoyer la preuve photographique à la direction de course. Ce sera ensuite au jury international d’évaluer si Bernard a tiré un avantage quelconque du fait d’avoir rejoint le mouillage au moteur. Il prendra sa décision au vu de l’ensemble des éléments fournis par le navigateur suisse. Actuellement, Bernard évalue le temps de travail entre 24 et 48 heures. Il ainsi pourrait repartir bord à bord avec Jean Le Cam, qui pointe à près de 500 milles de sa position. Nul doute que ce duel dans la course, entre deux fortes personnalités, aurait une certaine allure.
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « Ça fait plus de 15 jours qu’on est côte à côte. Je ne sais pas si ça va durer jusqu’aux Sables mais ça serait sympa de finir à quelques milles près. On est à la moitié d’un tour du monde. Il reste 40 jours. Des moments où les bateaux peuvent se séparer, il y en a un paquet. Peut-être qu’il y aura 1000 milles d’écart pour l’un ou l’autre à l’arrivée. »
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « On fait route vers la porte Pacifique. La dépression va arriver sur nous. La mer va se former et le vent va tourner. Il faudra être vigilant. Ça va être assez tonique. Il y a plusieurs options possibles. Les conditions changent et évoluent sur la semaine à venir donc je ne vais pas prendre trop vite d’options. »
Dominique Wavre (Mirabaud) : « Je suis content d’avoir retrouvé un petit filet d’air car je n’en ai pas eu la nuit passée. Il y a au moins trois trains de houle qui se chevauchent donc le bateau roule un peu dans tous les sens et il n’est pas très rapide. On est de nouveau dans une bulle anticyclonique, j’ai été un peu puni encore une fois. »
Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) : « Le bateau bouge un peu. J’ai environ 30 nœuds de vent. Du coup, le bateau donne des à-coups. Mon bateau actuel est 25% plus puissant que le précédent. Il est plus physique aussi au niveau des manœuvres et plus nerveux. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 10 466.6 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 3.4 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 444.5 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 870.5 nm
5 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 1231.0 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 1708.0 nm
7 Mike Golding Gamesa à 2007.0 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 2111.6 nm
9 Javier Sanso Acciona à 2277.0 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2859.6 nm