La nuit dernière a été éprouvante pour les 18 solitaires. Dans le groupe de tête, de François Gabart (1er) à Jérémie Beyou (7e à 129,3 milles), les marins ont relaté des rafales sous grains à 40 nœuds et surtout des vents très instables, obligeant à d’incessantes manœuvres de changement de voiles. Pas le temps de souffler ni de dormir sur des bateaux lancés au largue à plus de 20 nœuds et transformés en shakers. Quant aux concurrents situés plus à l’est, de Jean Le Cam à Javier Sanso, ils ont connu d’autres difficultés : essayer d’accélérer dans des airs moins favorables pour tenter de combler leur retard.
Mais les conditions de navigation vont progressivement s’améliorer à mesure que les solitaires glissent vers le sud. Déjà, au large des Canaries, les leaders se réjouissaient de voir monter la température de l’eau. Bientôt, ils enlèveront les couches de vêtements polaires et pourront faire sécher les cirés sur le pont. Ils seront aussi les premiers à ralentir dans un vent de nord-ouest puis de nord faiblissant.
Ces 5 premiers jours de course ont été rapides, dynamiques, aussi sollicitants pour les marins que pour leurs bateaux. A bord des 60 pieds, la liste des bricoles s’allonge. Le Polonais « Gutek » (Energa) doit faire face à des problèmes d’électronique. Javier Sanso (Acciona) cherche actuellement un abri près des côtes pour pouvoir grimper dans son mât et réparer une pièce défectueuse.
Pour aller loin, il faut ménager sa monture et c’est ce qu’a fait une grande partie des skippers ces dernières 24 heures : modérer la toile, éviter de se laisser embarquer dans les duels au couteau qui animent cette descente vers l’équateur. Ceux que vivent par exemple Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) ou encore Jérémie Beyou (Maître CoQ) et Alex Thomson (Hugo Boss). Chacun doit trouver sa mesure et son rythme, quitte à être conservateur, pour faire, comme le disait Jean-Pierre Dick, « corps avec son bateau ». Dans ce contexte, le tempo imposé par François Gabart est d’autant plus impressionnant. Depuis le départ, le jeune skipper de Macif a non seulement été le plus rapide, mais aussi le plus précis dans ses choix stratégiques. « Que je sois en tête ou 10e ou 20e, ça ne change pas grand chose à ma façon de mener le bateau, de pousser la machine. Il faut avoir le rythme qu’on est capable de tenir pendant trois mois ».
Compression
Cet après midi, François Gabart ne boude pas son plaisir d’être en tête du Vendée Globe. Mais son avance sur le tandem Le Cléac’h/Stamm est en train de fondre sous le soleil des Canaries. Le vent de nord-ouest est en train d’adonner et de faiblir. Au pointage de 16 heures, Macif n’avançait plus qu’à 4,6 nœuds, soit deux à trois fois moins vite que ses poursuivants. Il y a de la compression dans l’air. Dans les prochaines heures, les écarts devraient franchement diminuer.
Ils ont dit
François Gabart (Macif) : « On est dans un vent plus qu’instable et irrégulier donc je ne vais pas fanfaronner et dire que c’est simple. Au niveau de la mer, ça commence à se ranger, on a vu bien pire mais c’est surtout le vent qui tourne dans tous les sens. Il y a 20 minutes j’ai eu droit à un 360. »
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « Le ciel se dégage au fur et à mesure qu’on descend dans le sud, les grains se font plus rares même s’il y a encore eu de bons ce matin. Et puis j’ai un petit camarade de jeu, Bernard Stamm. On navigue ensemble depuis ce matin. Il s’est rapproché de Banque Populaire et je vois sa cheminée qui fume ! »
Jérémie Beyou (Maître CoQ) : « C’est quand même assez dur parce qu’on a eu des vents très forts. Il ne faut pas tout péter donc on va essayer de ménager la chèvre et le chou. J’ai surtout essayé de ménager ma trinquette et du coup je suis sous ORC. Il y a une belle bagarre avec Alex (Thomson) mais ce sont des conditions qu’il aime bien. L’idée est de sortir rapidement de cette dépression mais de garder une cadence proche de celle d’Alex. J’ai vu Hugo Boss une fois cette nuit et puis hier ou avant-hier, je ne sais plus. Et on s’est parlé aussi quand on était dans la pétole, il était furieux que je lui sois remonté dessus comme ça. Ce sont les années de régate en Figaro en Méditerranée ça. »
Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur) : « J’ai eu une nuit assez mouvementée avec des grains jusqu’à 35 nœuds et pas mal de changements de voile. Ça a été intense mais là j’en profite pour me reposer un peu dans l’après-midi. Avec le bateau qui bouge beaucoup, il faut être prudent et rester accroché. J’essaye de ne pas me mettre dans le rouge et de rester dans mon rythme parce que ces bateaux sont quand même bien fatigants. »
Vincent Riou (PRB) : « Depuis qu’on a passé le front il y a 36 heures, on a des grains avec un vent très variable, du coup ça met un peu de speed. Ça devrait se calmer et on devrait bientôt pouvoir reprendre vie sur nos bateaux. On s’est fait secouer dans un shaker pendant 24 heures, ce n’était pas super agréable. On a eu 40 nœuds au plus fort. C’était une journée sportive. La mer a été difficile, bizarre, elle était de travers et on se faisait balader. Il faudra compter les points dans deux jours. L’option que j’ai choisie ne sera certainement pas payante mais ce ne sera pas dramatique non plus. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 22 572.7 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 29.7 nm
3 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 32.9 nm
4 Vincent Riou PRB à 103.6 nm
5 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 115.7 nm
6 Alex Thomson Hugo Boss à 119.8 nm
7 Jérémie Beyou Maître CoQ à 129.3 nm
8 Jean Le Cam SynerCiel à 157.3 nm
9 Mike Golding Gamesa à 166.2 nm
10 Dominique Wavre Mirabaud à 255.0 nm