Jean Sans avait écrit un premier article sur le site de l’UNCL après les premières images et vidéos de l’AC75 présentées par les néo-zed fin novembre dernier. Il esquissait ce que pouvaient être les caractéristiques futures du bateau de la prochaine Coupe. Dans un nouvel article, il va plus loin prenant en compte le passage du mode archimédien au mode volant. La jauge sera publiée fin mars. Peu d’informations circulent. Beaucoup imaginent des foils en tungstène qui seront ou pas en forme de T asymétriques et on peut penser qu’entre les images présentées et la réalité du futur AC75, il y aura de grandes différences. En attendant, les équipes structurent leur design team. Martin Fisher à signé chez Luna Rossa en octobre dernier et Nick Holroyd vient de rejoindre l’équipe anglaise BAR
Le nouvel AC75 vu par Jean Sans
Les plans ont été déduits et dimensionnés (c’est le plus important) à partir des images. Les calculs ont été réalisés en utilisant les très rares paramètres connus, à savoir un déplacement archimédien d’environ 7000 kg et une vitesse annoncée de 22 nœuds sur un seul foil central et le foil arrière. Ce papier n’était que le résumé technique des plans reconstitués et des calculs mais aussi de mon imagination.
En effet, le passage d’une configuration Archimédienne à une configuration Foiler n’est pas simple, surtout pour un monocoque de 75’. Il ne suffit pas de décoller, il faut ensuite évoluer.
Et si on se réfère à l’histoire, les premiers vols des frères WRIGHT ont réellement préfiguré ce que serait un avion parce qu’ils avaient aussi inventé les moyens techniques permettant de contrôler leur avion, c’est à dire, décoller, virer, atterrir.
Pour l’AC75, le problème est identique : voler, OK c’est assez « facile », mais prendre un départ de régate, virer une bouée et répondre à un engagement présente d’autres difficultés.
Si on ajoute que pour être performant, il faudra voler à une altitude relativement constante en permanence, on conçoit que les difficultés ne sont pas mineures.
Quelques hypothèses nouvelles depuis mon dernier papier
Cet AC75 évolue donc dans deux configurations, la première est Archimédienne, la deuxième est le vol en appui sur des plans sustentateurs (Foiler).
D’abord la configuration Archimédienne
J’élimine la configuration « Dock Configuration » où le bateau est pris en charge par les « tenders ». Dans cette configuration le bateau est évidemment archimédien.
Ensuite avant de voler il faut nécessairement se mettre en bout de piste et lancer l’engin pour s’extraire de l’eau, comme l’avion roule sur la piste et décolle. Pour cela dans les deux cas il faut une vitesse cible (VR puis V2 pour les avions, vitesse qui dépend de la masse au décollage et de la surface alaire).
Dans cette phase préparatoire, l’AC 75 devra avoir une bonne stabilité.
L’étude présentée dans le premier papier prenait d’hypothèse que les bras des deux foils centraux seraient fabriqués en acier et que la partie foil serait en composite carbone.
Les devis de poids supposés, et les calculs de stabilité montraient que la surface sous la courbe de stabilité devait être augmentée. Cela signifiait qu’il était nécessaire de « descendre les poids des appendices », sans pour autant installer un bulbe.
J’ai donc inversé les matériaux : bras des foils en composite Carbone (monolithique) et foil en Acier (soit une masse de 1750 kg), j’ai imaginé le safran, auquel est fixé le plan porteur horizontal, en Acier. Mais cette dernière option peut évoluer.
Ainsi on obtient, un Moment de redressement maximal de 17.2 T.m (Tonnes*mètre) à 50° de gîte (courbe ci-dessus).
Ensuite la configuration Foiler
Lorsque la vitesse est atteinte, il faut donner une impulsion « à cabrer » afin d’augmenter l’angle d’incidence des deux foils latéraux et « faire décoller l’AC75 ».
Rapidement le bateau va s’extraire du régime Archimédien. Il devient alors nécessaire de contrôler l’AC75 afin d’obtenir un vol stable (hauteur constante par rapport à l’eau) quel que soit la trajectoire de l’AC75. Je reviendrai sur la notion de vol dans le prochain paragraphe.
A ce stade :
- Appui sur les deux foils centraux + le plan porteur arrière
Ce sera la configuration Régate de l’AC75.
Normalement il ne devrait jamais retrouver la configuration Archimédienne durant toute la régate.
Puis arrive le passage en configuration « FOILER Optimale », c’est à dire :
- Voler » sur 1 seul foil central + le plan porteur AR
Cette action demande des moyens techniques.
En effet, il faut relever le foil au vent, ce qui nécessite de l’énergie. La masse du foil et de son bras et de 1750 kg et son centre de gravité est éloigné de 3.8 m de son centre de rotation.
Quelques chiffres
Couple pour soulever le foil au vent : 17500 N * 3.867 m = 67670 m.N
Bras de levier minimal durant la rotation pour réaliser cette opération : 0.630 m
Force nécessaire à exercer sur ce bras de levier : 67670 / 0.630 = 107400 N
Angle à Parcourir : 65°
Temps de manœuvre : 10 secondes
Vitesse angulaire : 0.113 rad/s
Puissance nécessaire : 7673 Watts (7.6 kW)
Chaque manœuvre demande 7600 W * (10 sec) = 76000 Joules, soit 76000 / 3600 = 21 Wh.
À chaque virement de bord dans une régate (2 manœuvres de foils TB et BB), la consommation est donc de 42 Wh, soit avec un rendement électrique de 0.7 : 60 Wh.
Soit près de 6.0 kWh pour 100 virements dans la journée (2 régates).
Pour information, actuellement il faut compter 85 kg de batterie pour 10 KWh (batterie Lithium).
Étudions maintenant la navigation de l’AC75.
En navigation
Ce bateau (qui devient un avion) possède 3 configurations de navigation.
Configuration 1 (mode Archimédien)
C’est le moment où il faut quitter le ponton et rejoindre la zone où se dérouleront les régates. Les foils sont repliés sous la coque, le bateau est remorqué (à couple) par un ou deux semi-rigides.
La stabilité est maximale.
Configuration 2 (mode Archimédien)
Le bateau est toujours Archimédien, les foils sont déployés pour être en configuration « régate ».
L’équipage est au vent, ce qui explique que le CG (Centre de gravité soit excentré).
Le bateau se place dans une position de navigation qui produit le maximum de vitesse (16 nœuds environ) afin d’accéder au domaine de vol en s’appuyant sur les 2 foils.
Configuration 3 (passage du mode Archimédien au mode Foiler)
Dans cette configuration, si les conditions météorologiques le permettent, le bateau passe alors en Configuration 4 pour naviguer sur un seul foil et le plan porteur du safran.
Configuration 4 (passage au mode Foiler « optimum »)
Cette opération sera la plus délicate, car l’AC75 passera d’un appui sur 3 points à un appui sur 2 points
- Les deux foils latéraux produisent le « LIFT » équivalent au Déplacement d’environ 7000kg, répartit sur les 2 foils.
- Lors du passage en configuration 4, ce « LIFT » de 70000 N, devra pratiquement s’appliquer sur un seul foil latéral.
- Un plan en « T » en extrémité de safran permet de contrôler l’assiette longitudinale et à maintenir l’altitude de vol, c’est à dire environ 1mètre. Il apporte une portance de 10 à 15% environ.>
Contrairement à ce qui se dit, le foil relevé, qui se trouve au vent, n’augmente pas la stabilité car il y a un foil de chaque côté (BB et TB). La résultante des masses de ces deux foils est même sous le vent, car le bras de levier du foil actif est plus important que celui du bras qui est relevé !!!
En fait c’est l’équipage qui produit le déplacement (très faible) au vent du centre de gravité du bateau.
En 3 D on obtient la configuration de navigation suivante:
La représentation 3D met en évidence l’asymétrie totale de cette configuration.
Les points d’appui (sustentation et contrôle) sont sur une droite, alors que sur les AC45, ils étaient en triangle (deux « T » sur les safrans et un foil en « L ».sous le vent).
Cette configuration compliquera le pilotage…
De la stabilité longitudinale théorique (mode avion)
L’AC75, tant qu’il vole sur ses deux foils latéraux en étant contrôlé par l’empennage arrière est assez proche de la configuration d’un avion.
Dans un premier temps, la propulsion ne sera pas prise en compte
L’étude porte sur les ailes et l’empennage arrière.
Les deux ailes sont calées avec un angle d’incidence « fixe » par rapport au corps de l’avion.
Le trait horizontal gris représente une parallèle à la piste.
Le Centre de Portance CP (point rouge ci-dessus) d’un profil est le point de sa corde autour duquel le moment résultant des efforts aérodynamiques appliqués au profil est nul.
La Portance (LIFT) verticale et la Trainée horizontale s’appliquent en ce point.
Mais en plus de la Portance et de la Trainée l’effet de la distribution asymétrique des pressions sur la surface de l’aile, génère un moment de rotation à piquer autour de ce Centre de Portance.
Ce moment de rotation sera noté Mo sur le dessin.
Le Centre de Portance (CP} évolue en position longitudinale en fonction de l’incidence du profil.
Il recule lorsque l’angle d’incidence augmente.
Le CP varie en position sur une plage de 30 à 50% de la corde du profil.
Au final un profil cambré d’une aile est pratiquement toujours instable en tangage à cause du Moment « piqueur ».
L’empennage arrière horizontal contrôle cette instabilité en tangage.
L’empennage horizontal est utilisé pour compenser cette tendance à « piquer ».
La partie verticale de l’empennage contrôle la trajectoire.
La particularité de l’empennage horizontal réside dans son calage « déporteur ». Ce qui signifie qu’il génèreune portance dirigée vers le bas.
Le pilote ajustera l’intensité de cette portance, pour contrôler le tangage.
En fait on rend l’empennage arrière plus moins efficace.
À cause de sa mobilité longitudinale, le Centre de Portance (CP) ne peut pas être pris comme référence pour étudier la stabilité longitudinale d’un avion.
Pour réaliser ces calculs, on utilise le Centre Aérodynamique du profil (Aussi appelé « FOYER ») qui est indépendant de l’angle d’incidence. Ce foyer se situe à environ 25% du bord d’attaque.
Pour garder une trajectoire rectiligne constante, il faut que :
La somme des Moments des forces autour du CG (centre gravité) de l’avion soit nulle.(1)
Soit l’égalité algébrique suivante :
P * (bras de levier portance empennage) – Mo – (Bras de levier portance Aile) * LIFTaile = 0
Dans la configuration ci-dessus le CG (avion) est en avant du « foyer », donc toujours en avant du Centre de Portance quel que soit sa position en fonction de l’angle d’incidence.
Vol stable
Le CG est situé en avant du « foyer ».On parle de Centrage avant.
C’est la « déportance » (P est dirigée vers le bas) de l’empennage arrière (profil symétrique) qui assure la stabilité du vol.
Le pilote (automatique ?) va moduler la valeur de cette portance (P) en jouant légèrement sur l’incidence aérodynamique de ce plan arrière.
La règle étant lorsque l’équation (1) ci-dessus est vraie:
- P diminue, donc le couple par rapport à CG diminue et l’avion « pique du nez »
- P augmente, le couple augmente et l’avion se « cabre ».
Le bras de levier étant tellement grand entre l’empennage arrière et le CG, que les variations d’incidence à générer sur l’empennage arrière (donc de sa portance) sont très faibles. Un fletner sur le bord de fuite assure cette fonction pour une consommation d’énergie minimale.
>Pour autant, il faut gérer de manière équilibrée cette succession de « piqué / cabré » afin de ne pas générer des oscillations longitudinales incontrôlables.
Vol instable
La position du « CG avion » se situe en arrière du foyer. On parle de Centrage arrière.
Comme l’empennage arrière est monté déporteur (c’est à dire qu’il exerce une poussée vers le bas, le contrôle par l’empennage horizontal devient impossible).
Les couples créés autour du CG par la portance et par l’empennage arrière se retrouvent dans le même sens.
L’avion se cabre est n’est pas récupérable.
Si le CG est légèrement en arrière du « foyer », la situation est alors ambiguë, car la position longitudinale de la portance évoluant, le CG peut se retrouver en avant (donc en configuration stable), mais la situation peut se dégrader et il est alors possible de retrouver une configuration instable.
S’assurer d’un CG en avant du « foyer » permet d’être certain d’avoir toujours un vol stable. Mais il ne faut pas exagérer, car plus le CG est avancé, plus la portance de l’empennage arrière doit alors être importante. Cela impose de voler avec une incidence élevée de cet empennage horizontal, donc de voler avec de la trainée (Frein).
Dans le cas d’un FOILER, la motricité (le moteur) complique l’équilibre longitudinal. Lorsque l’on observe le dessin en 3D en haut de la page 5, il y a la poussée des voiles qui se décompose en Vp (force propulsive dirigée vers l’avant) et une force latérale qui fait giter le bateau.
La force VP est située à environ 12 mètres de la flottaison en navigation archimédienne et légèrement plus haute lorsque l’AC75 sera sur ses foils.
Vp crée un couple très important qui aura tendance à faire plonger le bateau sur le nez.
Ci-contre :
Forces et Moment en présence dans le cas d’un centrage avant. Le CG du bateau est en avant du Foyer et donc du Centre de Portance dynamique des foils.
On visualise très bien que dans cette configuration « centrage avant », le couple vélique est dans le même sens que celui généré par la portance.
Le seul couple antagoniste est alors fournit par l’empennage arrière.
Il faudra braquer fortement (incidence) cet empennage donc générer une trainée très importante.
Ce n’est pas le cas pour l’équilibre longitudinal de l’avion, car la poussée moteur ou la traction de l’hélice est réalisée pratiquement dans le plan horizontal du Centre de Portance ou alors avec un bras de levier peu important (cas des réacteurs sous les ailes).
La position du centre vélique élevée, impose obligatoirement un « centrage arrière ».
L’AC75, qu’il soit sur ses deux foils latéraux ou sur un seul foil (sous le vent) se trouvera ainsi dans un équilibre autour du CG (centre de gravité), soit :
Le couple Vélique et le couple Portance sont opposés.
L’empennage arrière qui peut générer une portance vers le haut ou vers le bas permettra d’assurer l’équilibre entre ces deux couples.
Il est évident que la position de G se situera dans une plage longitudinale.
Mt vélique = Mt Lift + Mt Empennage
Dans cette hypothèse, le calage initial du foil (angle d’incidence) est défini et fixe.
Lorsqu’il faut contrôler un cabrage intempestif :
- on place l’empennage arrière en « piqué ». Cette action provoque une diminution de l’angle d’incidence et donc la baisse du Moment LIFT.
- inversement l’empennage arrière en « cabré » provoquera une augmentation de l’angle d’incidence et donc une augmentation du Moment LIFT.
L’autre solution est de modifier les portances en modifiant l’incidence des foils avants et réguler avec l’empennage arrière.
Cette méthode est viable sur un petit foiler mais pratiquement impossible techniquement sur un AC75 car cela revient à faire pivoter, autour de l’axe horizontal perpendiculaire à l’axe du bateau, des deux bras oscillants des foils avant.
Toutefois on arrive au même résultat, en modifiant la cambrure des foils avant avec des volets sur leurs bords de fuite. La trainée est surement plus élevée que dans le cas d’une variation d’incidence, mais mécaniquement cette opération est relativement facile à mettre en œuvre.
Mais il faut aussi prendre en compte l’équilibre transversal produit pas la voilure
En supposant que l’équilibre longitudinal soit sous contrôle, il faut aussi considérer que la poussée vélique produit une force perpendiculaire à la trajectoire du bateau. Cette force peut provoquer le chavirage. Elle produira aussi de la gîte et de la dérive.
Cette force est environ 5 à 6 fois plus forte que la force propulsive. Son point d’application est au centre vélique soit environ à 12 ou 13 mètres des foils.
Condition d’équilibre transversal :
Les trois forces :
- Poids du bateau
- Poussée produite par les foils
- Poussée produite par la voilure.
Doivent être concourantes.
Cette relation est très complexe à obtenir en permanence car un paramètre est totalement indépendant du pilote :La vitesse du vent réel.
Les variations de vitesse (et d’angle) du vent réel influent sur la gite, et sur la vitesse du Foiler, donc sur la poussée produite par les Foils.
Certes, il est possible d’adapter la navigation à une chute de la vitesse du vent réel en modifiant la voilure et le cambrage des foils, mais c’est une opération complexe qui demande des temps de réaction très courts.
La situation est plus compliquée lorsque le vent réel augmente.
Il est possible d’ajuster la voilure en diminuant sa performance.
Par contre il sera impossible de limiter les performances du foil sous le vent.
Modifier le TRIM longitudinal du Foiler en jouant sur l’empennage arrière aura un influence très faible sur l’angle d’incidence (donc sur la poussée produite) du foil sous le vent. L’augmentation de poussée du foil, va se matérialiser par une augmentation de la dépression sur l’extrados. Cela provoquera un phénomène de ventilation et le décrochage brutal du foil.
Le résultat se traduira par une chute du bateau (il pivote brutalement autour du foil sous le vent).
Sur un petit Foiler, comme le MOTH par exemple, le pilote compensera en permanence ces variations de vitesse du vent et du bateau en jouant sur la position transversale du centre de gravité [Bateau + pilote]. Le pilote sera constamment en mouvement vers l’avant ou l’arrière pour assurer l’équilibre longitudinal et transversalement pour assurer l’équilibre transversal.
Ce mode de navigation est impossible sur un Foiler de 7000 kg de déplacement.
La solution passera surement par l’installation d’un Winglet à l’extrémité du foil.
La charge sur le Winglet qui est créée par le dérapage sous le vent du Foiler permettra de faire basculer la direction de la poussée générée par le foil (voir ci-dessus la flèche qui montre la rotation de cette direction).
De plus le Winglet génèrera, de fait, une force antidérive qui s’ajoutera à la composante antidérive produite par le foil. Le Winglet limitera aussi le Vortex en extrémité du foil.
Il est aussi possible de modifier l’angle du dièdre du foil, c’est à dire son « ouverture ». Plus l’angle du dièdre est « ouvert » plus la poussée du foil se rapproche de la verticale et vice-versa.
Toutefois cette opération est mécaniquement complexe, à cause des efforts créés l’encastrement du bras de liaison et aussi par l’énergie nécessaire pour faire pivoter le bras autour de son axe longitudinal.
De la fragilité de l’équilibre et de la stabilité du vol
On perçoit donc que la mise au point de l’AC75, comme son pilotage sera compliqué. De plus contrairement aux Foilers de record, dont la plage d’utilisation est très courte, l’AC75 devra « VOLER » et surtout « EVOLUER dans cette configuration » pendant toute la régate. Un retour dans le domaine Archimédien sera sûrement fatal.
Mais avant de « VOLER » il faut décoller (Take Off)
L’AC75 possède un avantage par rapport aux autres foilers, c’est qu’il peut choisir sa « piste de décollage ». Celle-ci correspondra à sa meilleure polaire de vitesse dans les conditions du moment.
Il peut ainsi bénéficier d’une piste assez longue afin de décoller progressivement.
En effet, l’élévation à réaliser est faible : environ 1.3 mètre. Cette condition impose de quitter le mode Archimédien avec une pente très faible, si on ne veut pas crever la surface.
D’après la surface des foils identifiés sur la vidéo, la vitesse doit être d’environ 16 nœuds pour voler sur les deux foils centraux.
La question qui se pose est : Est-il possible d’atteindre un vitesse suffisamment proche des 16 nœuds, afin de s’extraire progressivement du mode Archimédien ?
Le DLR (ratio Déplacement/LWL) est de 21, ce qui montre que nous sommes en présence d’un déplacement très léger. Le ratio [Déplacement/surface de voile] est de 0,78, ce qui est favorable.
Mais il y a la trainée cumulée des deux [Bras + Foils], du safran et de l’empennage arrière.
Cette trainée est plus importante que celle d’une quille conventionnelle à bulbe.
Seul un VPP très optimisé peut dire si avec tous ces éléments perturbateurs, il est possible d’atteindre une vitesse qui permet de soulever progressivement l’AC75.
La méthode (éventuelle) :
- En mode Archimédien, conserver en jouant sur l’empennage arrière une assiette horizontale, c’est à dire avec l’angle d’incidence initial du calage des foils (avoir le moins de trainée possible). La portance soulève progressivement le bateau.
- Lorsque la vitesse augmente, le pilote augmente la portance sur les Foils avant en modifiant la cambrure. Il génère un couple qui cabre le Foiler.
- Avec l’empennage arrière horizontal (« T »), il limite de cabrage afin d’obtenir un passage « soft » du mode Archimédien au mode Foiler. Mais attention de ne pas « crever la surface ». Ce moment du pilotage sera le plus sensible, car il faudra arrondir la trajectoire afin de conserver les foils dans l’eau…
- Les plans sustentateurs de l’AC75 évoluent dans l’eau comme ceux d’un avion dans l’air, à la différence de la masse volumique des deux fluides.
- Si tout se passe bien, le pilotage à suivre consistera à gérer les deux équilibres (Longitudinal et Transversal).
De l’équipage
Il est prévu un équipage de 10, cela risque d’être nécessaire.
On peut imaginer la répartition suivante :
- Un Barreur qui assure la trajectoire du Foiler.
- Un Pilote qui gère le vol afin de ne jamais revenir en mode Archimédien (décollage et ensuite le vol stable).
- Un Navigateur qui fait la stratégie sur l’eau.
- Plusieurs « Motoristes » qui s’occupent du Moteur (réglage des voiles) afin d’assurer une vitesse qui permet de voler en permanence sur deux foils ou un foil. Les « Motoristes » devront être en communication permanente avec le Pilote.
- Deux « Mécaniciens » qui assurent les mouvements des bras lors de manœuvres (virements de bord, Empannage)
De la mécanique assurant les manœuvres des Foils centraux et arrière
Plusieurs solutions mécaniques sont possibles, il en est de même des sources d’énergie.
Sources d’énergie
Deux sources d’énergie seront utilisées :
- L’électricité stockée sous forme de batteries probablement au Lithium.
- L’hydraulique produite par une pompe entrainée par un moteur électrique. Je ne pense pas que l’on utilise une pompe mécanique (moulin à café), pour des raisons de vitesse de déplacement des foils et surtout d’effort à produire pour soulever le foils (10 T).
Le système hydraulique impose 4 systèmes en série :
Batterie + Moteur électrique + Pompe hydraulique + vérin hydraulique.
Soit le produit de 4 rendements qui même s’ils sont chacun égal à 0.9, génère un rendement final de 0.66.
Il faut aussi ajouter la réserve d’huile nécessaire, car l’huile s’échauffe ce qui oblige à travailler avec un volume important d’huile afin de la laisser refroidir.
Systèmes mécaniques
Plusieurs systèmes sont envisageables :
- Vérins hydrauliques
- Vérins à vis à billes à commande par moteur électrique.
- Système « roue et vis sans fin » entrainé par un moteur électrique (avec un réducteur)
Conclusion
L’histoire des Foilers propulsés par des voiles a été plus souvent écrite par des Ingénieurs que par des Architectes Naval qui sont naturellement très attachés au domaine Archimédien.
C’est encore plus vrai pour des Foilers monocoques, car le respect des critères de stabilité limite les initiatives architecturales.
L’idée de TEAM NZ est intéressante, car elle permettra de faire réfléchir et de mettre en concurrence des équipes multidisciplinaires compétentes et à priori disposant de moyens financiers.
Il me paraît certain qu’après la prochaine AC, nous aurons une vision des Foilers Monocoques à voiles très différentes de ce qu’elle est aujourd’hui.
Lorient le 8 Janvier 2017
Jean SANS