Vendée Globe. Jean le Cam : “Chaque tour du monde est différent !”

Jean ne fait pas semblant et raconte généreusement les beaux moments et les plus difficiles. Il évoque aussi les déceptions et les retards accumulés, suite à la rupture de l’étai de J2, voile polyvalente quasiment indispensable dans une remontée de l’Atlantique performante. En chutant de la 14è à la 20è place, Jean s’est toutefois battu jusqu’à la ligne d’arrivée la nuit dernière.

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“Chaque tour du monde est différent. Cela dépend de là où tu es, à quel moment. Charlie dit que, pour lui, ça s’est passé comme une lettre à la poste. Quand tu peux garder un front chaud et aller quasiment à la même vitesse, ce que font les multicoques, tu as une mer plate tout le temps, tu ne te fais pas rattraper par le front froid et tu peux allumer grave. Vous allez aussi vite que l’événement ? Donc vous le maîtrisez. Si vous allez plus vite c’est encore mieux. Mais si l’événement vous dépasse, vous subissez. C’est le rouleau compresseur qui arrive derrière…”

“La remontée de l’Atlantique a été difficile sur le plan physique, la descente aussi d’ailleurs. J’avais près de 1000 d’avance au Cap Horn, j’étais assez content et ça finit en peau de chagrin avec une succession de barrières météo.”

“Des moments très difficiles : comme le moment où l’étai de FRO casse et que tu reviens sur les autres, la voile est à l’eau, il faut se débrouiller à la sortir de l’eau, la réparer, la renvoyer, changer le hook,… Il y a eu des moments de détresse totale.

C’est bien quand ça s’arrête aussi ! Quand tu dois monter dans le mât pour la 3è fois tu te dis, j’veux pas y aller mais il faut y aller… Tu es content quand tu es redescendu. On est parfois dans des situations extrêmes où on est obligé de faire face. Si tu ne fais pas face, tu sais que ça n’ira pas. Tu es content une fois que c’est terminé. Mais quand tu as la voile dans l’eau, ça traine, le bateau freine. A un moment la voile sort de l’eau, c’est un cerf-volant de 130 m2 qui se balade à l’arrière du bateau, la galère.”

“On revient des Açores avec 2 ris dans la Grand Voile, J3, ce n’est pas très confortable mais on a eu la chance d’avoir une nuit avec la lune, le bateau sur mer plate. C’était magique. Les bascules de vent on va les oublier… “
Le partage


Jean évoque le partage plutôt que la transmission parce que le partage se transmet dans les deux sens. Jean apprécie plus que tout le partage, notamment avec les plus jeunes, pour rester jeune lui aussi : « La fraicheur, toutes les nouveautés qu’il peut y avoir, la façon dont on aborde tous les sujets, te font vieillir un peu moins vite dans ce partage avec des plus jeunes. »

Il rend bien sûr hommage à Benjamin Ferré qui a terminé à la 16è place, et premier bateau à dérives droites. Ils ont beaucoup partagé ensemble pour préparer ce Vendée Globe : « Benjamin ? Il a mérité cette place. Dès qu’il a eu un problème dans le sud, avec peu de vent, il s’est fait rattraper par ses concurrents. Deux jours après, il reprenait l’avantage. Il a su faire ».

Et pourtant, certains choix de route de Benjamin ont paru osé tandis que Jean, l’expérimenté, était plus « conservateur » : « L’expérience n’est pas toujours un atout, l’insouciance en est parfois un. Entre les deux, mon cœur balance. »

Le partage c’est bien sûr aussi les moments partagés avec le public : « J’ai essayé de faire partager un peu de mes moments d’émotion. C’est aussi ça le Vendée Globe, ce n’est pas qu’aller plus vite que l’autre. »

L’avenir
“Pour prendre le départ de ce Vendée Globe, on a fait notre choix avant la course. A l’arrivée, on s’aperçoit qu’il y a deux catégories de bateaux, les bateaux à foils, les bateaux sans foils. Le public fait des choix comme il ne s’y retrouve pas. Il a classé les bateaux en deux catégories. »

« Les bateaux à foils ont prouvé qu’ils étaient capables d’aller vite dans des conditions musclées. Ils ont fait la preuve de leur fiabilité, Charlie Dalin a complètement éclaté le record, 10 jours de moins que le meilleur en 2016 (Armel Le Cléac’h, Banque Populaire). Il y a 4 ans, on avait mis 80 jours. Cela fait 16 jours de moins cette année. J’aimerais bien aller sur un foiler pour voir.”

“Entre la dernière génération de foilers et la génération précédente, il y a un monstre d’écart. Et ça ira crescendo si on y fait pas attention.”

” C’est la caricature du pauvre qui est plus pauvre et du riche qui est plus riche, à l’image de notre société. Dans le futur, ça va être extravagant. »

” Si je repars dans 4 ans ? On vient d’arriver, on verra bien.”
La course

En tête 6 jours après le départ
Jean prend une option radicale. Il se positionne très à l’Est de la tête de flotte et fait cap plein sud. Il ira jusqu’à se faufiler entre les îles du Cap vert et la côte sénégalaise. Il prend alors la tête de la flotte et la conservera durant 4 jours. Puis les conditions météo parfaites dont bénéficie la flotte restée à l’ouest, ne lui permettent pas de conserver le leadership.

Leader du 2è groupe
Dans la deuxième partie de cette descente de l’Atlantique, Jean mène le 2è groupe de la flotte du Vendée Globe, en 20è position, ce groupe qu’il qualifie de “petite communauté” sans toutefois “s’inviter à dîner”. Les alizés sont capricieux, avec des sautes de vent très brutales, exigeant une vigilance sans relâche et de très fréquents réglages de voiles. 
Toutefois, Jean trace une route parfaite en 19è position. 
Il franchira le Cap de Bonne Espérance le 5 décembre, en 21è position, 5 jours après le leader à 2000 milles.

« L’océan indien ? Je vous le laisse ! »
L’océan indien n’épargne rien à Jean et ses poursuivants.
Il avoue n’avoir jamais connu un océan indien aussi difficile et concentre toute son énergie pour avancer, contrôler ses poursuivants, préserver son bateau. Jean négocie le train des dépressions qui s’enchainent. Un gymkhana, le faisant remonter très nord avec de nombreux empannages, lui permet d’échapper au plus fort de ces dépressions.
« Impossible de mettre le nez dehors, on se prend les vagues en pleine figure ».
Le challenge ? Aller le plus vite possible pour rester le plus longtemps possible devant le front, au portant dans la houle. Jean conclut cet océan indien avec une journée de 501 milles à plus de 20 nœuds de moyenne.

Un Pacifique rondement mené

Dix jours après son entrée dans le Pacifique, Jean affole les compteurs. Sa distance fond comme neige au soleil sur son prédécesseur, Damien Seguin. Malgré qu’il ait réduit la voilure, il affole les compteurs et est pointé à 23 nœuds. En faisant moins de milles que ses poursuivants et prédecesseurs, il dessine une très belle trajectoire. Il va jusqu’à devancer Benjamin Ferré de près de 1000 milles. 
Il quitte le Pacifiqu e et franchit le Cap Horn, après 14 jours et 21 heures, à peine plus de 15 heures de plus que le premier, Yohann Richomme (Arkea – Paprec).

Les déceptions de l’Atlantique

Survolé par un avion taxi de l’archipel piloté par Marilou, Jean conservera un souvenir indélébile de son franchissement des Falklands. Dans la remontée vers l’équateur, Jean bataille avec une série de passages anticyclones. Il parvient toutefois à s’échapper et à créer de la distance avec ses concurrents alors qu’il est en 14è position. Le 14 janvier, il est décalé sur une route Est mais n’oublie pas de féliciter le vainqueur « Charlie a fait une démonstration incroyable et a amélioré le temps de référence de plus de 9 jours. Chapeau Charlie ! » C’est pourtant l’avarie : l’étai de J2 se rompt. Il passe 48 heures à mener une réparation fastidieuse pour sécuriser le mât avec, à la clé, deux incroyables ascensions en tête de mât. Il a voue avoir vécu l’enfer, chute de la 15è à la 22è place et est privé de cette voile polyvalente quasiment indispensable, le J2. Dans des allures portantes, sous spi asymétrique avant les Açores, Jean est parvenu à réduire son écart sur ses prédécesseurs, passant ainsi de 458 à 97 milles de retard sur Benjamin Ferré. 
Il monte une nouvelle fois dans le mât de son Imoca pour réparer un hook de la voile appelée FRO après qu’elle soit tombée sur le pont. 
Mais, handicapé par une voilure réduite, il ne parvient pas à rattraper son retard. Il compte sur un golfe de Gascogne très calme pour jouer de jolis coups tactiques mais les conditions météo ne lui auront finalement pas offert cette opportunité.