Vendée Globe. Giancarlo Pedote : “Mes trois voyages”

Giancarlo Pedote s'entrainant à bord du bateau Prysmian Group, pour le Vendee Globe. (Photo Jean-Marie LIOT / Prysmian Group)

Giancarlo Pedote est le cinquième Italien sur un Vendée Globe. Skipper de Prysmian Group, ex St-Michel Virbac, il réalise une belle course et pointe à la 10e place. Celui qui a terminé 2e de la Mini Transat passé par le Class40 et le Multi50 est aussi diplômé de philosophie. De sa descente de l’Atlantique Sud, il s’interroge sur la signification du voyage en solitaire.

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Ses amis français l’appellent Jean-Charles. Et ils sont nombreux à l’avoir côtoyer dans les différentes classes de la course au large. Mini 6.50, Class40, Multi50, Giancarlo Pedote a suivi l’école française de course au large où il a fait ses gammes depuis 2008. Agé de 46 ans, pratiquant la boxe et le full-contact mais diplômé de philosophie, l’italien sait prendre le temps de l’introspection.

Plus de deux semaines se sont écoulées depuis le départ pour ce tour du monde en solo, le 8 novembre dernier. Deux semaines entre ciel et mer, sur l’océan Atlantique. Au cours de ces deux semaines, j’ai rencontré presque tous les systèmes météorologiques : fronts froids, anticyclones, calme sans vent… Juste au cours d’un de ces calmes, j’ai eu l’occasion de réfléchir à ce que je fais… un voyage seul.

Voyager tout seul
J’ai toujours été un voyageur. Le voyage m’a toujours fasciné.
Je me souviens d’une fois, enfant, d’aller chez mon oncle Piero, revenu d’un voyage à travers le Népal, le Sri Lanka, les Maldives. Il avait fait tant de diapositives… J’avais 8 ans et j’ai été fasciné de regarder toutes les photos qu’il avait prises, projetées sur le mur de sa maison. C’était la première fois que je me rendais compte qu’il y avait vraiment différentes civilisations, différentes cultures, couleurs, saveurs, parfums…… un monde différent de celui dans lequel je vis.
Et c’est là, à 8 ans, que j’ai décidé que je serais un voyageur. À 18 ans, l’âge adulte. Je voyage en Tunisie, seul pour des circonstances inattendues. Je suis dans un bus, je regarde par la fenêtre et je me rends compte qu’en réalité voyager seul signifie faire trois voyages.
Les trois voyages
Le premier est un voyage vers l’extérieur : un voyage de découverte, de connaissance et d’exploration d’un nouveau monde. C’est le voyage le plus courant, qui laisse des souvenirs, des inspirations, des histoires à conter…
Le deuxième voyage, celui entrepris uniquement par le voyageur solitaire, pour lequel le seul moyen de communiquer avec les autres est de s’ouvrir aux autres et de faire leur connaissance. C’est un voyage qui permet de grandir, de travailler notre relation au monde.
Et puis il y a le troisième voyage, une introspection. C’est un voyage intérieur. Pendant que vous voyagez dans un bus en ville vous regardez par la fenêtre, le paysage, puis votre reflet sur le verre, puis à l’intérieur de vous-même. Vous regardez votre avenir, votre présent, votre passé.
Voyager seul dans un pays inconnu, refermé sur la routine à laquelle j’étais habitué, m’a permis d’entrer dans une dimension dans laquelle je pouvais enfin m’écouter, dans laquelle je pourrais enfin me demander :
Quels sont mes rêves ?
Quels sont mes souhaits ?
Quelles sont mes peurs
Quelles sont mes angoisses ?
Une belle opportunité d’introspection.

Voyager en solitaire maintenant
Cela fait longtemps. Je regarde les étoiles de l’hémisphère sud au large des côtes du Brésil. Je suis en voyage en solitaire. Un voyage qui, espérons-le, durera près de 3 mois. Je ne prends pas les transports en commun, juste un bateau, l’IMOCA Prysmian Group, “mon petit bateau” de 18 m. Je n’ai pas laissé mon téléphone portable à la maison. En fait, j’en ai amené quatre, mais je parle très peu par satellite avec le monde extérieur et autour de moi il y a tout : la mer et le ciel …Et je suis là.

La possibilité intense de faire une recherche introspective. C’est une opportunité dont je veux profiter pour m’interroger sur la relation avec mes enfants, sur ma vie future, sur ce qui compte vraiment pour moi, quels sont les objectifs importants … Mais j’ai commencé d’une manière complètement différente. Je suis marié, j’ai deux enfants qui m’attendent et qui ont besoin d’entendre leur père. Peut-être que je n’ai même plus ce besoin de me couper complètement du monde : ils en font partie.

Giancarlo

Photo envoyée depuis le bateau Prysmian Group pendant le Vendee Globe, course autour du monde à la voile, le 24 Novembre 2020. (Photo prise par le skipper Giancarlo Pedote)