Une lourde sanction pour les retardataires

TBS Michel Desjoyeaux
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Les chiffres font toujours mal, surtout quand ils défilent ! Et lorsque Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie espoir) franchissait la ligne d’arrivée à Porto mercredi à 16h03′, ses poursuivants commençaient à décompter les minutes, puis les dizaines, enfin les heures… Car le classement n’avait pas trop d’importance à ce stade de la course si ce n’est pour se rassurer quand à sa fraîcheur et à sa percussion tactique sur ce final extrêmement complexe depuis le passage du cap Finisterre. Le choix était cornélien mardi minuit entre partir à terre comme Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) qui finit troisième, ou au large comme les deux premiers Yann Eliès et Frédéric Duthil (Sepalumic) ? C’est à la latitude de Vigo que tout à basculé…

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En choisissant de prendre l’extérieur quand le peloton jouait le centre, Yann Eliès, Frédéric Duthil, Xavier Macaire (Skipper Hérault, quatrième) et Alexis Loison (Groupe Fiva, cinquième) réalisaient le « coup du sombrero » en débordant par le large le gros de la flotte collé dans une molle. Parallèlement au même moment, Jean-Pierre Nicol faisait de même mais par l’intérieur, comme une sorte de « petit pont » !

Et aux dires de nombre de concurrents, le suivi par l’AIS (positionnement de la flotte par identification du code radio VHF) a été un diabolique élément de choix. Quand on est totalement arrêté et qu’on voit un groupe démarrer par la droite ou par la gauche, on cherche à le rejoindre… Ce qui a été fatal pour certains solitaires qui ont changé plusieurs fois leur fusil d’épaule au gré des risées. A contrario du vainqueur qui, en panne d’ordinateur est revenu à la navigation à « l’ancienne » en privilégiant le sensitif et sa stratégie établie au départ de Pauillac. Une leçon pour les trois autres étapes ?

De fait, les spécialistes du circuit n’ont pas l’habitude d’écarts aussi conséquents, surtout sur une première étape : 44′ de delta entre le vainqueur et son dauphin, 56′ face au troisième et déjà 1h05′ pour le quatrième ! Deux heures et plus dès le douzième, Nicolas Lunven (Generali)… La sanction est lourde à avaler pour certains solitaires qui étaient à portée de lance-pierres d’Eliès quelques heures plus tôt ! Le vent n’est pas toujours juste.

Régénérer l’esprit

Les visages à l’arrivée à la Marina du Douro en disaient plus longs que tous les discours : lunettes noires malgré le temps automnal, tête baissée et petite voix, les commentaires étaient parfois si excessifs et si négatifs qu’il fallait faire le tri face à l’énorme déception de certains coureurs. D’autres tentaient de positiver en estimant avoir limité la casse. Mais peu d’entre eux relançaient le match en insistant sur le déroulé de La Solitaire du Figaro : il reste encore trois manches à courir et pas des moindres, en particulier la dernière entre Roscoff et Dieppe qui passe par la bouée Occidentale de Sein, Wolf Rock et devant l’île de Wight !

De fait, parmi les six anciens vainqueurs, seul Yann Eliès peut faire mentir les statistiques s’il remporte cette édition puisque personne n’a jamais rempilé d’affilée à l’ère de la monotypie… Pour les cinq autres, le résultat à Porto est difficile à digérer : Nicolas Lunven (Generali) finit 12ème à 2h du leader, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) 18ème à 2h05′, Jérémie Beyou (Maître CoQ) 19ème à 2h 06′, Michel Desjoyeaux (TBS) 21ème à 2h21′ et Gilles Le Baud (Carnac Thalasso & Spa) 37ème à 6h 36’… Pourtant, dès la deuxième étape, il y a du match en perspective : une zone orageuse sur la pointe espagnole peut facilement redistribuer les cartes…

Ils ont dit

Michel Desjoyeaux (TBS)  
« J’avais dit avant le départ que 20 bateaux pouvaient gagner La Solitaire. Je suis 21ème alors ça veut dire que je ne vais pas la gagner. Mais ça, c’est juste un décompte mathématique qui n’a rien à voir avec la réalité. La réalité, c’est qu’il y en a un qui a pris la poudre d’escampette. Du coup, il nous a tous énervés. Nous n’en sommes qu’à la première étape. Je vais essayer d’aller jusqu’au bout cette fois-ci. Parce que ça m’énerve… » »

Jean Paul Mouren (Groupe SNEF)
« C’est un peu la catastrophe cette étape. C’était bien parti mais comme dans chaque aventure, j’ai eu mon lot de « patatraqueries ». En tout cas, je n’ai pas eu beaucoup de chance. Mon spi léger tout neuf a éclaté tout de suite. Ensuite, nous étions dans le vent à batailler toute la nuit à fond les ballons et à la dernière rafale, mon spi lourd éclate sous mes yeux. Du coup, je me suis retrouvé sans cartouche pour la moitié du parcours. Mais je me souviens de Kipling qui disait : ‘Ne crains pas de perdre les gains de cent parties si tu veux devenir un homme’. »

Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir)
« Ce classement ? Il me rend assez fier et il donne encore un peu plus de relief à ma course. Mais j’essaye de ne pas trop me réjouir non plus. D’abord parce que j’ai déjà vécu ce genre de mésaventure (avoir pris de gros écarts) et je sais que c’est dur à digérer. Je compatis un peu avec les autres. Et puis je me dis que la deuxième étape peut réécrire l’histoire à l’envers. Mais bon, c’est la première fois que ça m’arrive d’avoir le deuxième à 44 minutes et le quatrième à plus d’une heure. Et surtout, des grands favoris comme Armel, Michel, Jérémie, Nicolas à deux heures. »

Simon Troël (Les Recycleurs Bretons)
« Je suis arrivé et pas dernier, ça fait chaud au cœur. Ce n’est pas dur de faire des conneries, c’est de les assumer après qui est compliqué. J’ai essayé de les assumer en navigant tout seul pendant deux jours et après, j’avais dans l’idée que tout le monde s’arrête et qu’il n’y ait pas d’écart. Mais ça n’a pas été le cas. Le général c’est mort, mais il reste trois étapes, trois manches à gagner. »

Thomas Ruyant (Destination Dunkerque)
« Si on a le même genre d’étapes que l’année derrière, La Solitaire est pliée. Mais il reste encore trois étapes, avec trois arrivées. J’ai déjà regardé la météo de la deuxième étape, on va arriver avec du vent sur Gijón, donc je ne sais pas si on aura l’occasion de se rattraper…» »