Trous de vent et rocher “Percé”

Yannick Bestaven - Cervin EnR
DR

Pas vu, pas pris… Fidèle à sa réputation, le trimaran de 50 pieds Crêpes Whaou ! s’est envolé. Franck-Yves Escoffier et son équipage ont pris la poudre d’escampette. Ils se sont échappés. Passé à Percé sous une belle lune (à 7h10, heure française), et profitant des derniers sursauts du vent, le multicoque rouge a rejoint le golfe du Saint-Laurent en direction de  l’archipel de Saint Pierre et Miquelon aux portes de l’océan. Joint à la vacation du jour, Yves Le Blévec, dernier vainqueur de la Transat 6.50, plante le décor du bord, le seul dont les indicateurs restent au vert : « Nous avons effectué un bon passage à Percé. On essaie d’aller vite tout le temps, sans prendre de risque ni avec le matériel ni avec des options. On est devant car Crêpes Whaou ! est rapide, mais on sait que l’on n’a pas le droit à l’erreur… »

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Le premier aux îles de la Madeleine, les autres en approche de Percé…
Et l’équipier du bateau malouin de poursuivre : « A l’heure qu’il est, 12h00 TU, nous allons passer dans une heure environ au vent de l’île la plus nord des Iles de La Madeleine.  Ensuite la situation se complique, les vents de secteur nord qui nous propulsent rapidement vont passer à l’est en mollissant. Si nos infos météo se vérifient, nous sortirons du Golfe du St Laurent entre 18 et 20 h TU, ensuite, c’est du louvoyage jusqu’à Saint Pierre que nous devrions atteindre un peu moins de 24 heures après… »
Au dernier classement (16h, heure française), Crêpes Whaou ! affiche désormais 132 milles d’avance sur son poursuivant immédiat, Laiterie de Saint Malo (Victorien Erussard) sérieusement ralenti au large de la Gaspésie où le vent s’est évanoui. Place à l’insoutenable légèreté de l’air. Les milles s’accumulent et la note se révèle sacrément salée pour les jeunes et impétueux marins du bord. Dire qu’ils n’avaient que 12 milles de retard il y a encore 24 heures !
Le malheur des uns faisant souvent le bonheur des autres, le seul mono IMOCA de la flotte, a repris du poil de la bête et se refait une santé sous le soleil de Gaspésie et sur des eaux moins fluviales. Cervin EnR progresse désormais au contact et à vue des multicoques en chasse de Crêpes Whaou ! : Laiterie de Saint Malo, ainsi qu’Imagine de Pierre Antoine, plus à l’aise dans ces conditions de petit temps.

Class40 : persévérer vers Percé…
Pour les plus petits monocoques, la progression au large de la pointe de la Gaspésie se révèle plus laborieuse encore. Joints à la vacation, tous les marins de la classe pestaient volontiers contre Eole qui s’est envolé laissant les voiles claquer et semant son lot de zones sans vent. Difficile dans ses conditions de progresser sur la route vers ce rocher percé qui se fait tant désirer.
Au relevé Argos de ce mardi après-midi, et à une cinquantaine de mille de la marque, les Italiens de Giovanni Soldini (Télécom Italia) mènent toujours la danse à toute petite cadence. Il affiche moins d’1,5 mille d’avance sur l’équipage de Khat 7 skippé par le Rochelais Eric Galmard et auteur d’un début de course plein de promesses. Dans leurs tableaux arrières, la pétole molle qui a attrapé la flotte dans les mailles de ses filets n’a pas fini de favoriser des chamboulements dans les classements… Pour l’heure, moins de trois milles séparent les cinq premiers, qui s’épient, se lorgnent en espérant qu’aucun ne s’échappe dans une veine de vent salvatrice. Dans ces conditions, mieux vaut prendre son mal en patience à l’image du Normand Halvard Mabire qui, à bord de son Pogo Structures, a perdu un peu de terrain mais certainement pas son bon sens marin. Il raconte : « Si l’on n’avance pas, au moins c’est magnifique ! Nous n’avons pas nagé dans la réussite ces dernières 24 heures. Une certaine impression d’avoir été souvent au large quand il fallait être à terre. Et vice-versa… Mais par contre, on ne comprend toujours pas bien les règles : probablement qu’il n’y en a pas ! Tantôt ce sont ceux du large qui se font la malle, tantôt ça passe à terre. En tout cas, sur le bateau, ça fait du boulot… »

Dernière minute :  
Laiterie de St  Malo (Victorien Erussard) est pointé à Percé à 13H55 TU (16h55, heure française)

Ils ont dit… (vacations et messages reçus)
Jean-Christophe Caso (Cervin EnR) : Percé au dîner ?
« Nous naviguons ce matin à vue entre les deux trimarans Laiterie de Saint Malo et Imagine. C’est intéressant pour nous de naviguer bord à bord avec ces multicoques. Au près dans peu de vent, nous leur tenons la dragée haute. Au portant et dans du vent medium, nous aurons plus de mal à les "tenir" sous gennaker. Mais si la brise forcit, nous pourrons rivaliser avec eux. Pour le moment, c’est loin d’être le cas et nous naviguons à environ 7 noeuds de vitesse. Nous espérons tous que cela va "tamponner" un peu pour Crêpes Whaou ! sous Terre Neuve où sévit un vaste anticyclone. Il nous faut avant cela passer Percé et je ne nous y vois pas avant ce soir 20 h, heure française… »

Christophe Bullens (An Ocean of Smiles) : A la pêche au thermique…
«  Nous sommes bloqués dans une molle avec la tête des Class40. Soleil de plomb et attente nerveuse du vent : nous espérons un peu de thermique près des côtes. Par la même occasion, nous en profitons pour sécher le bateau et de consolider la réparation de la varangue centrale. »

Benoît Parnaudeau (Prévoir Vie) : « Une régate de petit temps »
« Nous disputons une régate de petit temps !  Mais bon, c’est pour tout le monde pareil et ça joue beaucoup sur l’eau. Il y a du chassé-croisé. On observe les concurrents à la jumelle, et on passe du Solent au Code 0 (génois léger, ndlr). La mer est lisse, nous sommes devant des éoliennes qui ne bougent pas beaucoup ! Percé ? Cela s’annonce compliqué… Nous ne savons pas du tout à quelle sauce nous allons être mangés. Plus on s’avance de la côte, moins il y a de vent… »

Christophe Coatnoan (Groupe Partouche) : « Une option plus au large »
« Le classement nous est favorable aujourd’hui, c’est vrai. Mais, il ne faut surtout pas crier victoire trop tôt : il peut y avoir encore plein de rebondissements. Et il nous reste beaucoup de route jusqu’à la marque de Percé. Nous étions un peu derrière au niveau de Rimouski et nous avons pris une option en prenant un peu plus au large. C’est bien passé, nous avons peu insisté : et voilà, c’est une nouvelle journée qui débute aujourd’hui sous le soleil, mais il n’y a pas de vent. Sur l’eau, c’est un peu n’importe quoi actuellement. Nous sommes quatre bateaux proches les uns des autres et aucun n’a le même vent. Il faut bien choisir son camp… »