Ce matin, le leader Région Guadeloupe avait changé de « dauphin », Centre d’accueil des mineurs de MvouMvou ayant pris dans la nuit l’avantage de quelques milles sur Nouvelle Espérance, qui est le second bateau de la flotte à être passé sous l’équateur. Cet après-midi, c’est le contraire. Avantage Monnet. Pour l’heure, ces trois bateaux avancent sur un front en diagonal, Carpentier au nord, Nouvelle Espérance en position médiane et Région Guadeloupe au sud, Sidaction CMA-CGM en embuscade, toujours positionné le plus au nord de la flotte.
Les alizés sud n’étant pas encore franchement établis, les grains, certes de faible intensité, sont encore nombreux au-dessus des concurrents. Les positions vont donc encore évoluer dans les prochaines 48h, la brise instable saupoudrant ses faveurs selon ses humeurs. Encore deux jours à ce rythme et les équipages vont enfin toucher des petits alizés de sud qui vont permettre aux Class 40 de s’ébrouer une nouvelle fois avant le probable piétinement du dernier jour devant Pointe Noire.
Pour Région Guadeloupe qui tient encore et toujours la direction des opérations, les choses ne sont pourtant pas faciles puisque leur girouette-anémomètre est définitivement aux abonnés absents. Sans le support de cette précieuse aide à la navigation, les heures de barre et plus particulièrement celles de nuit sont difficiles, car sans cet indicateur de puissance et de direction du vent, le bon angle d’attaque n’est pas facile à trouver.
En queue de flotte, l’intensité du marchandage n’a rien à envier à celui des leaders, d’autant que la brise est au rendez-vous. La compétition entre Anne Liardet et Frédérique Brulé est intense. Association Espace Enfance ne ménage pas ses efforts pour venir menacer Anne, Marie et Caroline, pointées à 55 milles devant. Ballastages, matossages, longues heures de barre, tout y passe pour tenir le Pogo 40 sous génois sur la forte houle levée par les vents de SSE capricieux. « On ne compte pas notre peine, malgré la chaleur intenses (près de 45° parfois), souligne Fred Bruler. Nous barrons beaucoup et c’est vrai qu’au réveil, on a un peu une tête de déterré. Mais au bout de deux heures, cela passe. En plus, nous avons pu récolter plus de 80 litres d’eau pendant notre dernier grain. Nous sommes donc tranquilles pour nos besoins en eau douce. Nous avons pris enfin une vraie douche… C’était top, cela nous a bien remis sur pieds. »
Au fil des heures et surtout des nuits, l’accordéon joue à font, même si l’équipage féminin de Petit Nice Passedat résiste parfaitement aux assauts de l’équipage mixte de Association Espace Enfance. Alors que la ligne d’arrivée se dessine pour les premiers, Frédérique Brulé refaisait à la vacation ce matin l’histoire de leur course qui s’est réellement arrêtée au moment de la perte de leur spi lourd à la sortie de Gibraltar. Dès lors, Association Espace Enfance avait perdu le contact avec ses concurrents et peinait à rester dans le rythme soutenu de la course en tête de flotte. Malgré ce décrochage, Frédérique, Luca et Thomas n’ont jamais perdu de leur combativité et garderont Le Petit Nice Passedat en ligne de mire jusqu’à l’arrivée, quitte à lui griller la politesse sur le fil.
Ce matin, à la vacation, la concentration de Philippe Monnet était perceptible mais aussi l’humour que résume sa dernière « déclaration » : « Si c’était pour en arriver là, les trois premiers en 50 milles, on aurait pu donner le départ maintenant, cela nous aurait éviter de parcourir 3 600 milles pour rien. » Il est le seul à avoir déjà disputé cette épreuve en 2005 et connaît bien l’atterrissage sur Pointe Noire. « Le dernier tricotage » comme il dit. Le tassement de la flotte devant le port de Pointe Noire est pratiquement inévitable et Philippe n’exclue pas encore définitivement un retour de Sidaction dans la discussion, même si cette éventualité paraît peu probable à Lepesqueux, interrogé sur le même sujet ce matin. Côté Deep Blue, qui s’est recalé cette nuit sur la trajectoire de Région Guadeloupe, et qui accuse 210 milles de retard sur lui, seul un petit miracle météo pourrait les faire revenir dans le match avant la fin de la course.
Pour cette dernière semaine de course, l’heure est à la concentration extrême sur ces monocoques de la Class 40 qui subissent davantage la météo actuelle qu’ils ne la contrôlent, « contrairement à des multicoques qui pourraient esquiver les chausse-trappes avec plus d’aisance », souligne Monnet avec une pointe de regret dans la voix. C’est vrai qu’il n’est pas facile à 5 à 8 nœuds de jouer à cache-cache avec les nuages. Une chose est certaine, c’est que cette seconde Route de l’équateur est entrain de remplir toutes ses promesses sportives avec l’annonce de ce final à haute tension.