Thomas Coville passe en revue ses adversaires

Thomas Coville entraînement Sodebo Ultim
DR

Thomas, suffit-il de classer les concurrents de la Classe Ultime par taille pour faire un pronostic ?

- Publicité -

Faire un pronostic d’avant course, surtout dans notre sport, soumis à autant de paramètres, ne signifie pas grand chose pour les coureurs. Par contre, en Ultime, je suis convaincu que nous aurons tous notre chance. Chacun aura un atout, un point fort, à exploiter, encore faudra-t-il identifier le moment où cela va se présenter, où cela va s’ouvrir pour toi. Il faudra suffisamment connaître tes qualités et tes défauts pour savoir que c’est le moment de répondre présent, que c’est là et maintenant.”

Avant le départ, la météo annoncée pour la semaine de course permettra-t-elle d’établir une première hiérarchie ?

La météo favorisera les uns ou les autres, c’est certain. Mais, ma logique est simple, dans la vie, il y a ce qui t’arrive et ce que t’en fait. La météo on ne la décide pas, par contre, chacun a déjà fait ses choix en amont et s’est préparé avec sa personnalité et la physionomie de son projet.”

Crains-tu Yann Eliès, Sidney Gavignet et Sébastien Josse en MOD70, ces trimarans moitié moins grands que Spindrift 2 et 10m plus courts que Sodebo Ultim’ ?

Les MOD70 sont aussi trois fois plus légers que Spindrift 2 ! Ces bateaux seront à l’aise si on a du vent plutôt faible à médium mais surtout s’il y a beaucoup de manœuvres et qu’il faut être très réactif. Yann, Sidney et Sébastien ont une grande expérience au large et en solitaire. Ils devront être capables de se mettre dans le rouge mais aussi de prendre leur mal en patience si c’est 35 nœuds de vent avec de la mer mais oui, je les prends très au sérieux.”

Peut-on s’attendre à ce que Lionel Lemonchois, recordman de l’épreuve en 7 jours et 17 heures, et que Francis Joyon, détenteur du record du tour du monde en solitaire en 57 jours, soient très efficaces dans des conditions musclées ?

Francis et Lionel ont l’expérience de leur bateau. Ils pourront faire parler la poudre avec des machines un peu moins puissantes que Spindrift 2, Banque Populaire ou Sodebo Ultim’ mais Idec et Prince de Bretagne sont hauts de francs-bords, ce sont des bateaux de large, conçus pour le solitaire et uniquement pour cela. L’un pour le tour du monde, l’autre spécialement pour La Route du Rhum. Ils ont été pensés pour leur skipper donc le duo ‘homme-bateau’ est parfaitement ajusté. La force de Francis et Lionel est d’être des ‘spécifiques’ du solitaire, là où Loïck ou moi et d’autres, nous sommes des profils plus éclectiques, issus du solo et de l’équipage, du monocoque et du multicoque.”

Comment vois-tu les choses pour les trois bateaux de plus de 30 mètres, Sodebo Ultim’, Spindrift 2 et le Maxi Solo Banque Populaire VII qui a remporté l’épreuve en 2010 avec Franck Cammas ?

Pour nous trois, l’enjeu est de pouvoir choisir les trajectoires où il y a peu de manœuvres et où on peut faire parler la puissance. Toujours est-il qu’il faut rester toilés dans ces longues trajectoires. C’est là que c’est chaud. Quand tu as beaucoup de toile au-dessus de la tête, ça va très vite, c’est impressionnant, ça fait fumer la machine. Dans les transitions, les passages de fronts, il faudra être patient car la moindre manœuvre prendra au moins un quart d’heure donc c’est du temps. Tu ne pourras pas la refaire à chaque grain ou, en tout cas, pas parfaitement. Il faut être conscient de ça et choisir une cotte mal taillée qui permette de s’en sortir au mieux.”

Quelles sont les forces de Yann Guichard et Loïck Peyron ?

Yann Guichard est un athlète super physique. De nous trois, c’est celui qui a aussi le plus de talent parce qu’il a la culture du multicoque olympique qui donne cette compréhension et cette finesse qui sont des atouts. Il sait aussi se préserver avant une épreuve et être brillant le jour J. Loïck Peyron est, par définition, un concurrent dangereux. C’est un marin qui a une énorme expérience et pas grand-chose à perdre. L’Ultime lui va bien parce qu’il ne faut pas beaucoup manœuvrer, c’est là où sa capacité d’utiliser un multicoque au mieux quand il est surtoilé ou sous-toilé va énormément lui servir. A certains moments, manœuvrer sera inévitable mais une fois lancé, le métier qu’il a du multicoque va être redoutable. Je pense que c’est lui le favori de cette Route du Rhum.”

Comment te positionnes-tu dans cette flotte à la barre de Sodebo Ultim’ ?

“Il va falloir que je pousse fort. Je vois bien les angles où ça va être chaud et impressionnant. Ce sera aux allures de haute vitesse où il faudra assurer en solitaire. Je sais que mon bateau peut y arriver et que je peux le maitriser. Malgré tout, il va falloir passer un ‘step’ dont nous n’avons pas l’habitude en régate au large. Avec des bateaux aussi puissants, on navigue ‘facile’ à 32/33 nœuds mais y’a des moments où l’on sera tout le temps à 36/37/38 nœuds, avec des pointes au-dessus de 40 à se demander “Est-ce que c’est normal ?“, “Est-ce que je vais tenir la cadence comme ça plusieurs heures ?” “Est-ce qu’il faut réduire maintenant parce que je ne pourrai pas plus tard et que je ne pourrai pas dormir et que ça va devenir limite ? ». Ce sont les questions qu’on se posait à 30 nœuds à l’époque en Orma. Par contre, nos bateaux d’aujourd’hui pèsent une quinzaine de tonnes, le double, et ça change tout !