La météorologie est une science passionnante pour les marins. Mais plus ils l’étudient, plus ils réalisent combien elle est complexe. Et combien leurs connaissances sont infimes. Il faut être philosophe pour savoir qu’on ne sait rien, et surtout pour encaisser les coups du sort comme vient de le vivre Loïck Peyron (Gitana Eighty), grand leader de ce début de Vendée Globe, et détrôné à la faveur d’un grain. Pendant plusieurs heures, Peyron s’est battu sous des nuages sans vent. Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) aussi a subi les foudres d’Eole et perdu deux places au passage d’un front. Plus fort que Madame Soleil, Sylvain Mondon de Météo France l’avait prédit depuis plusieurs jours. Le groupe de tête devait buter dans l’anticyclone et entraîner un tassement de la flotte. Jeudi matin, il annonçait de grosses différences de caps et vitesses dans le groupe de tête au passage d’un front. Bingo ! Les neuf premiers se tiennent désormais en 57 milles. Quant à Marc Guillemot (Safran), leader du 2e groupe, il n’est plus qu’à 157 milles du premier, contre 300 milles une semaine plus tôt. Et ce grand chambardement météorologique ne fait que commencer. Les prochains jours s’annoncent terribles pour les nerfs des concurrents… mais passionnants pour le suspense de la course !
Josse à nouveau en tête
Premier du premier classement de la course le dimanche 9 novembre à 16h (à égalité avec Marc Guillemot), Sébastien Josse (BT) avait repris les commandes trois jours plus tard, le temps d’une journée. C’était le mercredi 12 novembre au large de Madère. Le lendemain matin, Loïck Peyron s’emparait de la première place pour ne plus la lâcher pendant deux semaines (à l’exception de trois classements éparses les 17 et 18 novembre menés par Jean Le Cam). Aujourd’hui, Sébastien Josse est passé entre les gouttes. Mais le dernier relevé de positions montre que sa vitesse aussi a ralenti. Seulement 8,2 nœuds en 1 heure contre 10 nœuds pour Roland Jourdain (Veolia Environnement), 6e, et 13,8 nœuds pour Marc Guillemot (Safran), en 9e position. L’anticyclone joue les passages à niveau et pour l’instant la barrière est baissée. Ça ralentit devant et ça revient par derrière. Pour preuve, la Britannique Dee Caffari (Aviva), 15e à 463 milles du nouveau leader, affiche la meilleure progression sur les dernières 24 heures. Une belle récompense pour celle qui, la veille, a dû affaler sa grand-voile pour changer une poulie cassée…
Voix du large…
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « L’anticyclone nous donne du fil à retordre : la stratégie sur les 48 heures à venir n’est pas évidente. Il faut récupérer au plus vite les vents portants des Quarantièmes pour passer la première porte des glaces qui est encore à 1 500 milles. J’ai réussi à garder le rythme et j’essaye de respecter mes objectifs : faire le moins d’erreurs possibles. »
Vincent Riou (PRB) : « La journée s’annonce plus paisible avec un vent moins soutenu et une mer moins dure… Avant-hier, c’était pénible de faire souffrir le bateau au début d’un tour du monde. C’étaient les conditions le plus destructrices à la voile. Il y a peu d’écarts : ça tasse par devant, et ça va revenir par derrière. »
Roland Jourdain (Veolia Environnement) : « C’est sympa d’arriver en paquet : c’est excitant ! Et la surprise est belle pour moi après un long bord de vitesse pure car je n’ai pas un bateau de la dernière génération. On va bientôt changer de mode en arrivant dans les Quarantièmes… »
Jean Le Cam (VM Matériaux) : « Ça mollit et ça fait du bien ! On commence à redevenir équilibré après ces journées penchées à 20°. C’est le changement de conditions qui fait l’intérêt d’une course à la voile. Ça commence à devenir intéressant ce bouleversement météo. Je me suis positionné un peu plus à l’Est parce que je suis en retard de 100 milles sur le premier : je vais peut-être pouvoir couper plus court même si je risque plus de rentrer dans des calmes. Mais comme ces situations anticycloniques ne sont jamais évidentes à cerner… Si ça passe, je serais bien placé pour la suite. »
Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) : « La mer est hachée en ce moment et ça tape : on se fait bien rincer… Tout va bien avec mes panneaux solaires qui ont bien tenu avec les grosses chaleurs équatoriales et l’éolienne fonctionne parfaitement. Le contrat est rempli pour l’instant ! »
Derek Hatfield (Algimous-Spirit of Canada) : « Mes objectifs sont maintenant de faire ce tour du monde et d’arriver sain et sauf avec un bateau qui va bien. Mais je ne perds pas pour autant mon âme de compétiteur, je me fixe maintenant des objectifs ponctuels. »
Le mot du tour…
Mille, nautique, nœud : Le mille – ou mille marin ou encore nautique – est l’unité de distance utilisée en navigation maritime et aérienne. Il mesure 1852 mètres et correspond à 1 minute d’arc sur un méridien terrestre (demi-cercle reliant les pôles nord et sud, exemple : le fameux méridien de Greenwich). Le nœud est l’unité de vitesse correspondant au nombre de milles marins parcourus en une heure.
Classement du mercredi 26 novembre à 16h00 :
1- Sébastien Josse (BT) à 19770 milles de l’arrivée
2- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 15,3 milles du premier
3- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 20,3 milles
4- Vincent Riou (PRB) à 26,7 milles
5- Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) à 30,2 milles
Premiers étrangers :
9- Mike Golding (Ecover) à 57,4 milles
11- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 222,4 milles
12- Dominique Wavre (Temenos) à 234,4 milles