Saint-Pierre et Miquelon : long, long, long…

Leadership in safety
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50 pieds multis : un devant, les autres derrière
Dans la brume revenue, la tête de flotte voit toujours la vie en rouge. Crêpes Whaou ! a en effet rejoint le détroit de Cabot entre le cap Breton au Nord de la Nouvelle-Ecosse et le cap Ray au Sud-Ouest de Terre-Neuve. A midi, heure française, le multicoque de Franck-Yves Escoffier n’avait rien lâché, ou presque, de l’avance creusée sur le reste de toute la flotte qui a longtemps piétiné dans la pétole pour rejoindre la marque de Percé. Devant ses étraves, il restait alors 78 milles à parcourir pour se faufiler entre Saint-Pierre et Miquelon. Son plus proche poursuivant, Laiterie de Saint-Malo (Victorien Erussard), accusait encore 120 milles de retard.

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«  Nous avons eu du petit temps toute la nuit. A présent, le vent se lève un peu. Nous avons 17-18 nœuds et progressons au près débridé. Il doit adonner un peu, tourner sur la droite… et j’espère que nous allons pouvoir rejoindre l’archipel sur un seul bord », confiait à la vacation du jour le capitaine malouin du bord. Il envisageait saluer les eaux de l’archipel, dans le couloir de 3 milles entre les deux îles, en fin d’après-midi, début de soirée.
Seul devant, les autres derrière. Chez les multicoques, la flotte a fait le grand écart. Au classement de 15 heures, ce jeudi, Délirium d’Hervé de Carlan n’avait pas encore doublé le rocher de Percé, il accusait 330 milles de retard sur le leader.

Class40 : regroupement et rebondissements…
Dans le camp des petits monocoques de 40 pieds, les 26 équipages connaissent une toute autre histoire. Le contexte reste le même. Les uns et les autres progressent cahin-caha au tempo d’Eole, décidément peu enclin à offrir un généreux flux de portant dans les voiles.  Après avoir connu le pire pour doubler Percé, qu’ils ont pour la plupart passé dans la nuit (à l’aube en France (soit près de 24 heures après Crêpes Whaou !), la flotte s’est regroupée sur un entêtant air d’accordéon. La faute à la pétole et ses nombreux trous de vent que les premiers n’ont pu éviter. Résultat des courses à l’heure de rejoindre le golfe du Saint-Laurent : 30 petits milles séparent la lanterne rouge, Groupe Sefico (Philippe Vallée) de SAIPEM-Leadership in Safety (Gwenc’hlan Catherine) ou de L’Esprit du Large-Talmont Saint Hilaire. Ces deux là- croisent le fer en tête à mi-chemin vers Iles de la Madeleine.

Notons ensuite que les classements se suivent et ne se ressemblent pas dans ces conditions propices à de nombreux rebondissements. De récents leaders, notamment Novedia Group (Tanguy De Lamotte) revenu en fanfare aux avant-postes – au nez et à l’étrave des imperturbables italiens de Giovanni Soldini (Télécom Italia) – a soudainement dégringolé en milieu de tableau, à 8 milles de la tête.
Dans tout cela, difficile d’y voir clair. Seule certitude : le doute l’emporte tandis qu’un nouveau départ semble avoir été donné à Percé. Quant à la route jusqu’à Saint-Pierre et Miquelon, elle reste longue… très longue. D’après Argos, à 17 heures, les premiers 40 pieds pointent à 75 milles au Sud des îles de la Madeleine et 300 milles de Saint-Pierre et Miquelon. Il leur faut donc encore compter deux jours si tout va bien pour rejoindre les bancs et Terre Neuve. Comme quoi, l’océan, ce n’est pas encore pour demain !

En bref
Saint Malo Team : Merci Matane !
La bonne nouvelle du jour nous vient de Saint-Malo Team, le grand monocoque de Denis Douillez contraint à une escale technique à Matane, sur les côtes de Gaspésie, pour réparer un rail de grand voile. Après avoir réalisé les travaux nécessaires avec le soutien sans faille des Québécois, le voici prêt à reprendre les chemins de la course. Le capitaine nous écrit : « Hier en arrivant à Matane nous étions un peu démoralisés, nous demandant comment à plus de 800 km de Montréal, nous allions faire venir des pièces, deux mètres de rail, plus 15 inserts filetage arraché. C’était sans compter avec la gentillesse des habitants de Matane. En plus nous avons été ravitaillés de boissons ambrées légèrement pétillantes et ces dames, nous trouvant bien de la misère, nous ont confectionné d’excellents petits desserts. Aujourd’hui on remonte tout ça et on devrait reprendre la mer ce soir. Promis on reviendra un jour… »

Ils ont dit…
Pascal Quintin (Forget Formation) : « Nous avons des conditions un peu trop légères à notre goût. Après Percé, c’était vraiment laborieux. La nuit dernière, les 40 pieds sont même revenus. On espère vraiment une amélioration des conditions : le près et le petit temps ne sont pas à notre avantage. Les prévisions nous annonce du Sud-Ouest : pourvu qu’il arrive assez vite, mais c’est vrai que le programme nous annonce plus du louvoyage jusqu’à Saint-Pierre. Recoller à Crêpes Whaou ! ou à Laiterie de Saint Malo, cela semble mission impossible. Mais on a bien l’intention de jouer avec Imagine. Ce qu’on peut nous souhaiter de mieux ? Des conditions de rêve pour Forget Formation : 15 nœuds de travers sur une mer plate… »

Giovanni Soldini (Télécom Italia) : « Les dernières 48h, nous avons eu une pétole d’enfer. Depuis le départ, nous avons du petit temps, du près, et on tire des bords et on ne fait jamais la route directe ! On espère que cela va s’arranger un peu, sinon  on va y passer un mois !
Le passage de Percé, c’est révélé assez difficile, très lent et toute la flotte est revenue sur nous. On voit des voiles partout ! Mais bon, c’est le jeu de la course au large. Nous sommes impatients de rentrer en Atlantique. Nous avons 10 nœuds de vent d’Est et il doit basculer au Sud-Sud Ouest… »

Halvard Mabire (Pogo Structures) : « Quitte à avoir un nouveau départ à Percé, cela aurait été bien qu’il y ait un bateau comité ! (rires) Nous sommes tous bord à bord et j’ai un peu l’impression que tout le travail qui a été fait dans le Saint Laurent a été réduit à néant… Nous avons passé Percé dans la nuit (06h30, heure française) avec une pleine lune et sous les étoiles : c’était vraiment joli. Et nous voilà de retour dans la bouillasse, mais il paraît qu’on se dirige vers les bancs de Terre Neuve, donc il ne faut pas trop s’étonner ! La flotte est revenue complètement par derrière. Nous sommes encore et toujours au près et je ne vais pas me risquer à une ETA pour Saint-Pierre et Miquelon… »

Sam Manuard (Novedia Group) : « Que nous soyons revenus en tête, c’est vraiment incroyable. Nous avons perdu 10h30 dans l’échouage et l’aventure s’est révélée assez périlleuse. 2 jours après, nous avons remonté toute la flotte, c’est inespéré. Il s’est passé un drôle de truc ! Nous sommes assez à l’aise en termes de vitesse. Mais surtout, on est à fond dessus, et on ne lâche pas le morceau. Il nous reste une bonne tranche de parcours de la Gaspésie à Saint-Pierre et ce n’est pas encore le large. D’ici Terre Neuve, nous avons une bascule à gérer… »

Yvan Noblet (Appart City) : « A Percé, nous n’avons pas eu beaucoup de vent et un peu de courant. Ce passage n’a pas forcément été favorable pour nous, puisque nous avions fait le trou. Nous avons de nouveau un temps un peu brumeux… Nous sommes fatigués, la navigation au large de la Gaspésie a été très éprouvante. Mais nous vivons une belle bagarre et le stress de la compétition est bien là ! Nous avons hâte de trouver du portant et de rejoindre le large : cela nous convient mieux. Nous devons toucher du Sud-Ouest, j’espère qu’il ne va pas tarder à arriver… »