Les skippers sont encore en butte avec l’anticyclone de Sainte-Hélène mais devraient en finir demain. Charlie Dalin croisent des baleines. D’autres descendent encore le long des côtes brésiliennes. Sébastien Destremau déclame son poème.
Vendée Globe. Images du bord – Jour 18
Trophée Jules Verne. Thomas Coville : “On prend un plaisir incroyable. C’est magique !”
Suivez l’émission de Sodebo avec Jean-Luc Nélias qui explique la fenêtre prise, l’organisation de l’équipe avec Jean-Christophe Moussard.
Thomas Coville : “On a l’impression d’être parti depuis longtemps. Tout le monde a pris son rythme. Aujourd’hui c’est physique. On a fait pas mal de manœuvre. On a joué avec les ris aujourd’hui. On prend un plaisir incroyable. C’est magique. On a traversé beaucoup de grains durant la nuit. L’eau passe parfois au-dessus du cockpit. On a du vent soutenu, c’est ce qu’on voulait. Cela va se calmer un peu. Le bateau est très chargé actuellement. Mais on va revenir à quelque chose de plus calme où on va pouvoir voler. Avec Gitana on a été bord à bord à des vitesses un peu similaires. On s’est croisé 2 fois. Cela ressemblait à un début de régate. On avait presque oublié que c’était le Jules Verne plutôt qu’une régate de quartier.
On est concentré sur la suite avec la transition à venir. On devrait mettre à peu près 5 jours à l’Equateur. François Morvan a fait 48,9 nds. On essaie plutôt d’avoir des vitesses moyennes qui n’abîment pas le bateau. Il faut que l’on est en permanence en tête le compromis entre l’usure du bateau et la performance. Il ne faut pas brusquer le bateau ni fatiguer tout le monde. On a très bien manger et dormi jusqu’à maintenant. On a envie de profiter de ce moment de vivre ensemble. Cela sera associé à la performance.“
Trophée Jules Verne. Un couloir vers le Sud, Jour 2 Gitana +65 mn

Le Maxi Edmond de Rothschild arrive à hauteur de Madère et compte 65 mn d’avance. Depuis mardi soir, 21h37 très précisément, et leur départ du ponton lorientais pour rejoindre la pointe bretonne et la ligne de départ, le rythme n’a cessé de s’accélérer pour les hommes du Maxi Edmond de Rothschild. À 3h26, mercredi 25 novembre, dans la nuit noire de l’automne à l’arrière d’un front pluvieux, le géant de 32 mètres franchissait la ligne virtuelle tendue entre Ouessant et le cap Lizard, à la pointe sud-sud-ouest de l’Angleterre, et déclenchait ainsi le chronomètre de son premier Trophée Jules Verne. Depuis, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers ont déjà parcouru plus de 1000 milles vers le but. Ils ont doublé ce matin la latitude des Açores et dépasseront dans la soirée celle de Madère… Ça va vite, très vite mais c’est bien là le but d’un record de vitesse. A la position de 15h30, l’équipage possédait 71,6 milles d’avance sur le record détenu par Francis Joyon et Idec Sport.
En s’élançant de Ouessant dans la nuit de mardi à mercredi, la cellule météo du Maxi Edmond de Rothschild composée des deux skippers et de leur routeur Marcel van Triest visait une veine de vent assez nette, synonyme de hautes vitesses en quasi ligne droite vers les alizés de l’hémisphère Nord puis de l’équateur. Mais cette belle trajectoire se mérite et à bord du dernier-né des Gitana, l’équipage a dû se mettre rapidement dans le bain.
En plus de 30 heures de navigation, les six hommes du bord ont en effet réalisé deux empannages pour rester dans ce couloir mais surtout des changements de voiles d’avant pour ajuster sans cesse leur trajectoire face à des conditions décrites instables par Charles Caudrelier hier dans la matinée : « La première nuit a été sportive et intense ! Le vent était très instable, la mer pas très haute mais très désordonnée et nous avons passé notre première nuit sous pilote automatique car c’était inbarrable .» La nuit dernière, tandis que Gitana 17 démarrait son deuxième jour de record, le vent avait bien forci et la mer avait pris du coffre au large de la péninsule ibérique « 4,5 à 5 mètres et un flux puissant de nord nord-est de 25-30 nœuds soufflant jusqu’à 40 nœuds dans les rafales. » Autant dire que lancé en permanence à plus de 30 nœuds, la mise en route est tonique pour les marins du Gitana Team.
Les maxis-trimarans de nouvelle génération, dont le Maxi Edmond de Rothschild est le pionnier, affolent les compteurs sur ce début de record. L’édition 2019 de la Brest Atlantiques nous avait permis d’observer cela avec un départ sur les chapeaux de roues et un dégolfage express malgré des conditions musclées. Un an plus tard, l’histoire se répète et l’intensité de ce début de Trophée Jules Verne se montre à la hauteur des espérances. A 14h45, le duo Cammas – Caudrelier et leurs équipiers avaient avalé plus de 1 200 milles sur le fond (au réel parcouru sur l’eau) à la vitesse moyenne de 35 nœuds !
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Pas de duel car en record mais de l’émulation
« Une des pages légendaires de ce Trophée Jules Verne s’est ouverte cette nuit », déclarait Yann Eliès hier lors de l’émission en direct réalisée dans la base du Gitana Team.
Car cela n’a échappé à personne mais ce sont bien deux bateaux qui se sont élancés au pied du Créac’h dans la nuit de mardi à mercredi. Sodebo à 2h55 et le Maxi Edmond de Rothschild dans son sillage 31 minutes plus tard, à 3h26.
Ces départs quasi simultanés aux allures de course ne doivent cependant pas nous faire oublier l’essentiel : c’est bien à une chasse au record de Francis Joyon que les deux géants se livrent et donc dans une course contre le temps établi par Idec Sport en 2017. Mais ce serait mentir que de ne pas évoquer l’adversaire et le coude à coude qui se joue actuellement dans la descente de l’Atlantique.
« Partir à deux bateaux ? L’hypothèse de s’élancer en même temps que Sodebo était bien présente dans nos esprits puisque l’équipe de Thomas Coville était en stand-by en même temps que nous. Et depuis le début partir à deux bateaux nous plaît assez. C’est une émulation, une motivation supplémentaire ! Et en termes de sécurité c’est aussi sympa », confiait Franck Cammas avant le départ.
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Vendée Globe. Charlie Dalin: “J’espère trouver la porte du Sud ce soir “
Toujours en tête du Vendée Globe, Charlie Dalin tente de s’extiprer de cette bulle anticyclonique pour conforter son avance et passer en tête le premier cap important du Vendée Globe, le Cap de Bonne Espérance.
« J’espère trouver la porte du Sud ce soir après cette dernière poussée anticyclonique à gérer aujourd’hui. J’espère que mes années de Figariste et surtout mon expérience globale de navigateur m’aideront à m’extirper d’ici », analyse Charlie Dalin ce matin.
La pensée du jour : « Thomas Ruyant restera dans le match jusqu’au bout »
En tête de la flotte, le skipper d’APIVIA avoue pourtant alterner les moments de plaisir et d’impatience en attendant que le vent caresse de nouveau ses voiles. « La nuit dernière était magique, tout s’est orchestré comme je l’avais prévu en corrélation avec la météo, tous les changements étaient dans le bon timing mais cette nuit fut beaucoup plus dure. Rien n’a été conforme aux fichiers météo, c’était très compliqué avec ces vents changeants. Je préfère les situations où le vent est en adéquation avec les fichiers mais là (cette nuit) c’était beaucoup moins drôle », relate le navigateur. Si l’écart avec Thomas Ruyant s’est accru, c’est en partie dû à l’avarie du foil bâbord qu’a subi son IMOCA il y a un peu plus de 24 heures. « Je suis forcément peiné pour Thomas car on s’est bien bagarrés ensemble depuis le début de la course. La bonne nouvelle dans la mauvaise c’est qu’il a cassé le foil qui devrait lui servir le moins pour ce tour du Monde. Mais je n’ai aucun doute qu’il restera dans le match jusqu’au bout », avoue Charlie, qui petit à petit glisse vers les quarantièmes Sud.
Le compagnon du jour : l’albatros
« En ce moment, il fait gris, et je viens de passer la nuit la plus froide depuis le départ de la course. C’est sûr que c’est un Vendée Globe assez particulier jusque-là avec des conditions auxquelles on ne s’attendait pas vraiment. Maintenant, je me prépare à vivre un mois entier assez atypique dans les mers du Sud, c’est « le » gros dossier du Vendée ! D’ailleurs, comme un signe, j’ai vu mon premier albatros venir me saluer », s’amuse le skipper d’APIVIA ce matin. « Je m’approche doucement de la porte des glaces, les nuits passent de plus en plus vite, sans doute à cause de la fatigue mais aussi grâce au rythme que je commence à prendre. »
Le petit plus : musique, lessive et Maradona
Mener la flotte de cette mythique course est un rêve que Charlie Dalin peine à réaliser. Même si la durée exceptionnelle de ce tour du monde invite à la prudence et au pragmatisme cela n’empêche pas le marin de savourer quelques instants de détente. « J’ai réussi à écouter un peu de musique dans la descente de l’Atlantique, ce qui fut très plaisant et vraiment agréable mais à part ça, je n’ai pas eu d’autres occasions de me relâcher et de me distraire. Quand j’ai un moment, je préfère dormir pour essayer d’atténuer ma dette de sommeil qui sera de toute façon énorme à mon retour aux Sables d’Olonne », confesse le skipper d’APIVIA. « Sinon je poursuis mes vérifications journalières du bateau, je fais ma lessive, je bricole, rien de très funky ! », rigole-t-il ce matin au téléphone. Si loin des côtes et à l’abri de l’actualité mondiale, certains événements récents parviennent toutefois jusqu’au leader de la course… « J’ai quelques nouvelles venant de la terre mais j’avoue être clairement déconnecté, j’ai tout de même appris que les deux trimarans étaient partis pour tenter le record du Jules Verne et que Maradona était décédé mais franchement dès que j’ai du temps libre, je préfère écouter de la musique ou dormir. »
Aujourd’hui et ces prochains jours, les vitesses devraient augmenter et la porte du grand Sud s’ouvrir, ce qui déclenchera l’acte II de ce périple retour vers la Vendée.
Vendée Globe. Sébastien Destremau slam au passage de l’Equateur
Sébastien Destremau se lance dans le slam à l’occasion de son passage de l’Equateur. Une belle idée originale.
Interprété depuis le bord de Merci, je suis très heureux de sortir notre premier SLAM du Vendée Globe à l’occasion du passage de l’équateur effectué à 12h07 ce jour. Pendant que je m’attache à démonter la cabane en carton de merci et de rassembler toutes les pièces enduites de produits toxiques à l’intérieur afin de les ramener à la maison, certains de mes collègues de bureau larguent des balises irrécupérables, au nom de la science.
Va comprendre le message que cela envoie ça. Ceci étant dit, cela nous donne la parfaite occasion de sortir ce premier slam Co-écrit avec Bruno Gilet et sur une musique composée et interprétée par Sarah Tanguy. Cette œuvre fait le parallèle entre les armateurs qui surchargent leurs bateaux de conteneurs (quitte à prendre le risque d’en larguer à la mer) avec les armateurs de l’époque de l’esclavage qui faisaient exactement la même chose avec leur cargaison d’êtres humains. D’où l’origine du nom Pot au Noir.
Les Paroles du SLAM :
Pot au Noir – Container
Texte: Bruno Gillet/Sébastien Destremau
Musique : Sarah Tanguy (Compositeur/Interprete/Mixage)
Slam enregistré à bord de Merci le 25novembre 2020
Le Pot-au-noir, tu as connu ?
Passer l’esclave par-dessus bord
La honte nous en est revenue
Quand le gros temps est le plus fort
A chaque passage dans le secteur
J’ai un putain de haut-le-coeur
Monsieur l’armateur-arnaqueur
Jetant pareil tes conteneurs
OUI oui C’est toi M’sieur l’armateur
Tes cargos croulant d’containers
Qu’on te voit balancer en mer
Dès que le ciel s’met en travers
Y’a comme un trou dans ma grand-voile
Paralysie qui me prend la moelle
Ce que tu laisses dans ton sillage
Je vais te dire ça m’fout la rage
Quand la mer veille sur mes merveilles
Tes dégâts, faudra qu’tu les payes
Tout comme au temps des goélettes
L’appât du gain te ronge la tête
Mais là c’est moi qui broie du noir
Devant l’tombeau de nos espoirs
Y’a comme un trou dans ma grand-voile
Qui c’est qui a éteint une étoile ?
Si tu n’comprends qu’un seul langage
C’est qu’ton cerveau est en naufrage
La traite des noirs, l’attrait du fric
Tu trempes toujours dans le même trafic
Pour un enjeu très commercial
Tu contamines niveau mondial
De corruption en pollution
C’est l’cachot ta destination
Y’a comme un trou dans ma grand-voile
L’en faut pas plus pour que je chiale…
Vendée Globe. Grosse frayeur pour Benjamin Dutreux
Benjamin Dutreux, skipper de l’IMOCA OMIA-Water Family s’est fait une belle frayeur cette nuit. Il a perdu pas mal de terrain après s’être empêtré dans un probable filet de pêche mais il reste encore à la 11e place de ce Vendée Globe.
” Pour info, je me suis pris un énorme cordage de pêche ou un truc dans le genre dans la quille, la dérive et le safran. J’ai mis plus d’une heure à l’enlever à base de marche arrière, gîte contre gîte… Bref, plus de peur que de mal ! Le bateau a vibré d’un coup, j’ai vraiment cru à quelque chose de plus grave….”.
Joint par message hier, il nous faisait un petit point :
” Ca va plutôt bien même si les conditions sont particulières, actuellement au près ! mais tout va bien à bord, quelques bricoles et un dernier gros check avant el sud dans les jours à venir. J’essaie de retenir mes poursuivants mais ce n’est pas facile dans ces conditions. Je ne suis pas le plus rapide en ligne droite mais dans les petits airs le bateau va bien.
On est encore dans le début de la course qui ne fait que commencer. Il faut rester concentré. Il va falloir écouter le bateau quand ca va débouler. C’est déjà super pour notre petite équipe d’être là devant ! “
Heureusement en y laissant beaucoup d’énergies et ses deux bras, il a réussi à se libérer de ce piège.
Vendée Globe. Clarisse à nouveau au contact

En début de semaine, Clarisse Crémer occupait la 16e place, à 949 milles du leader Charlie Dalin. Si Romain Atanasio l’a dépassé, elle reste au contact et dans le Top 5 des à dérives droites. Après un début de course difficile en raison des conditions météo et du stress lié au défi d’un premier Vendée Globe, Clarisse Crémer a bien pris ses marques. Heureuse, plus sereine et confiante, la navigatrice de Banque Populaire X a énclenche le mode compétition. Pierre-Emmanuel Hérissé, son directeur technique, a fait le point sur sa course en début de semaine.
« Dans nos échanges quotidiens, Clarisse est dynamique, positive et a beaucoup d’humour »
Si les premiers jours de Clarisse ont parfois été marqués par la souffrance, les choses ont bien changé depuis, comme l’explique Pierre-Emmanuel Hérissé : « Clarisse a trouvé son équilibre, elle a pris le rythme de la course. Dans nos échanges quotidiens, elle est dynamique, positive et a beaucoup d’humour. Les conditions de navigation sont bonnes. La glisse va bon train, elle semble heureuse en mer. »
« Clarisse aborde la troisième semaine en mettant l’accent sur l’aspect compétition »
Conséquence de ce bel équilibre trouvé à bord de Banque Populaire X, Clarisse peut pousser davantage le curseur de la performance. « Clarisse aborde la troisième semaine en mettant l’accent sur l’aspect compétition », confirme Pierre-Emmanuel Hérissé. « Le fait d’avoir passé sans encombre des jalons comme la tempête Thêta et le lui a donné confiance en ses capacités et celles de son bateau. »
« Banque Populaire X est à 100 % de son potentiel »
En tant que directeur technique, Pierre-Emmanuel peut aussi donner des nouvelles fraîches du bateau. « Tout va bien à bord », assure-t-il. « La première semaine a été agitée avec quelques bobos somme toute normaux. La deuxième semaine, plus calme, a permis de réparer ces petits soucis. Clarisse est à l’écoute de son bateau, elle fait régulièrement le tour du propriétaire en fonction d’une liste de contrôles établie en amont de la course. Banque Populaire X est à 100 % de son potentiel. De bon augure avant d’arriver dans les mers du Sud. »
« Définir la trajectoire optimale pour contourner l’ de Sainte-Hélène »
Stratégiquement, le grand enjeu des jours à venir pour Clarisse est de contourner au mieux l’ de Sainte-Hélène. « Ce n’est pas simple », constate Pierre-Emmanuel Hérissé. « On voit que les premiers concurrents n’ont pas une trace complètement fluide. Clarisse passe beaucoup d’heures à la table à cartes pour définir la trajectoire optimale, minimiser les manœuvres et donc se ménager. Il est essentiel d’arriver dans les mers du Sud avec un capital physique pas trop altéré. »
« En fin de semaine, l’ambiance va radicalement changer… »
« En fin de semaine, l’ambiance va radicalement changer », prévient le directeur technique. « Ce sera la fin du contournement de l’ et l’approche des mers du Sud. Finis les s et la douceur. Place à la chute des températures, l’humidité, le froid, le plafond nuageux plus bas, le vent plus soutenu, la mer forte… Cela signifiera le début des grands surfs et des quelques semaines à passer dans un milieu inhospitalier. » D’après les derniers routages, à prendre avec des pincettes, Clarisse pourrait franchir le cap de Bonne-Espérance aux alentours du 4 décembre.
Trophée Jules Verne. Franck Cammas et Charles Caudrelier : “On a 1 chance sur 3 de le battre !”
Franck Cammas et Charles Caudrelier se livrent dans le dernier Course Au Large. Extrait de l’entretien avec les deux skippers qui se donnent 1 chance sur 3 de réussir à battre le record.
Course Au Large : Quelle est la stratégie que vous avez retenue pour prendre le départ ?
Charles Caudrelier : Quand tu pars, il faut regarder où tu en seras quand tu arriveras au niveau du Brésil. Tu ne sais pas si tu vas avoir la petite dépression que tu viens chercher parce que c’est une zone de cyclogenèse et cela bouge très vite. Il nous faut 6-9 jours pour y aller. On ne part que si on a une fenêtre qui nous emmène en moins de 13 jours au sud de Bonne-Espérance, parce que sinon, au-delà, les chances de battre le record chutent énormément.
Franck Cammas : On compte partir sur une fenêtre qui nous permet de viser une porte d’entrée dans l’Atlantique Sud 7 jours après le départ. Les prévisions des systèmes météo à 7 jours sont globalement bonnes pour prédire l’existence d’une dépression en train de naître et la position d’un anticyclone. Une fois partis, il peut y avoir des différences de positionnement, mais on peut ajuster notre trajectoire en approchant de cette porte d’entrée. Une fenêtre n’est pas bonne si elle ne nous donne qu’une chance sur 3 d’atteindre cette porte d’entrée. Du 1er novembre au 20 décembre, c’est très bon. L’intérêt de décembre c’est que les nuits sont courtes, voire inexistantes. On a choisi d’y aller à partir du 1er novembre, Sodebo à partir du 15. Marcel pense, lui, que c’est un peu tôt pour arriver dans le Sud par rapport aux glaces, mais on verra.
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Francis Joyon sur Idec était en retard en arrivant au Cap, il n’avait pas eu une super fenêtre en partant.
CC : Oui, c’est vrai. La vraie bonne partie pour lui a été l’Indien. C’était une fenêtre honorable pour le cap des Aiguilles, mais le gros gain est venu après. Dans nos critères, moins de 11 jours au cap des Aiguilles, c’est une très, très bonne fenêtre ; 11 à 12, c’est moins bien ; au-delà de 13 jours, cela commence à être une mauvaise fenêtre. Le scénario où on rebrousserait chemin pour repartir ensuite est assez faible. Plus la saison avance et plus on risque de prendre des fenêtres moins bonnes et moins parfaites. Dans ce cas-là, on peut être dans une situation où la fenêtre est tellement imparfaite que très vite, elle peut se retrouver fermée. Et en même temps, ce seront nos dernières chances de les prendre. Il y a plus de probabilités de rebrousser chemin à la fin de l’année, mais pas forcément en début de stand-by parce que si on prend une fenêtre, ce sera forcément une bonne, et qui n’est pas dégradée.
FC : En novembre, on va avoir de bonnes fenêtres, et plus le temps va passer, plus on va en avoir de moins idéales. On ne va pas prendre une fenêtre dégradée début novembre alors qu’on a encore du temps pour en attendre une meilleure. Cette période d’attente n’est pas très agréable. Tu ne sais jamais ce que tu vas faire dans les 5 jours. Ce n’est pas évident dans ta vie quotidienne, mais il faut en passer par là. Ce que je retiens de mes tentatives en 2007, 2009 puis 2010, c’est que c’est finalement avec la moins bonne fenêtre qu’on a battu le record sur les 3 tentatives. Aujourd’hui, comme le record à battre est difficile, on ne pourra pas se contenter d’une fenêtre médiocre si on veut avoir une chance de le battre. Il y a plus de probabilités d’être dans la situation de Banque Populaire en 2010, qui a attendu tout l’hiver pour finalement ne pas partir. Pour autant, je pense que la fenêtre parfaite n’existe pas. Il faut savoir partir mais pas forcément avec toutes les chances de son côté. Il ne faut pas se dire que l’on va avoir la fenêtre de Francis Joyon au moment du départ. On aurait trop de chance…
C’est dans la descente et la remontée que vous pouvez faire la différence.
CC : Oui, c’est là où c’est intéressant pour nous. J’ai regardé toutes les statistiques et c’est dans cette partie-là que l’on gagne le plus. À ces allures de près ou de reaching serré, on est sûrs d’être plus rapides que les anciens bateaux. Sous les Açores et toute la descente vers le Brésil après le pot au noir, c’est là où on a le plus de différences de vitesses avec Idec et Banque Populaire. On est capables d’aller à 30 nds au près reaching serré dès qu’il y a 16-20 nds de vent, soit 6-7 nds plus vite qu’Idec. Après, dans le Sud, on n’est pas sûrs d’aller plus vite avec l’état de la mer qui peut nous ralentir, mais surtout les systèmes où cela ne sert à rien d’aller plus vite qu’eux. Lorsqu’on ne volera pas, nos performances nous rapprocheront plus de celle d’Idec.
Le vol au large, c’est encore un peu l’inconnu pour vous…
CC : Aller à 40 nds pendant 2 heures ou 2 jours, on sait faire, mais 15 jours, on ne sait pas. Oui, c’est encore l’inconnu pour nous avec nos appendices qui cavitent au-delà de 40 nds. C’est comme pour les hélices sur un pneumatique, avec la cavitation, la peinture est piquée. Sur notre bateau, on ne sait pas ce que la cavitation fera à nos appendices après 15 jours à haute vitesse. Est-ce qu’il y a juste la peinture qui dégage ou il y a plus ? On ne le maîtrise pas. On sait en revanche que personne en mode volant n’a pu faire plus de 5-6 jours à 40 nds sans avoir de problème, à l’image de ce qu’a connu François sur son trimaran Macif sur la Route du Rhum, en finissant avec un safran et un foil en moins. Il y a des moments où on ne sait pas si on peut pousser notre bateau à fond. On a encore des doutes, non pas sur la structure mais sur les appendices. La première difficulté qui risque de nous arriver c’est de ne pas finir avec un bateau à 100 % de son potentiel, voire de ne pas finir du tout. Après la Brest Atlantiques, on a refait des doubles checks de la structure et on a trouvé encore des points faibles, que l’on a renforcés à nouveau. On a refiabilisé nos systèmes. Le bateau est aujourd’hui à maturité, fiabilisé. On a beaucoup navigué. Avec les gains de performance que l’on a faits depuis 2 ans, on a gagné 10 % de chances en plus de battre le record. Statistiquement, on a 30 % de chances de battre le record, soit 1 chance sur 3 avec une moyenne de 27 nds.
Quelles sont les améliorations apportées au bateau depuis sa dernière course ?
CC : On a continué à développer l’aérodynamisme sur le bateau en rajoutant du carénage. On a mis un fairing de barre d’écoute. C’est une pièce en carbone. On a bouché le trou entre la casquette et la bôme et rallongé la casquette. Ce qui permet d’avoir cet effet plaque de la GV.
FC : On a amélioré également notre jeu de voiles en allant sur des voiles sans câble. On passe la charge dans la voile et cela a pour effet de diminuer la flèche des étais. Cela permet de gagner en projection de force vers l’avant. Le gain est assez important. On a fait évoluer nos foils V1, notamment sur la longueur de corne et l’épaisseur. Ce sont des petits détails mais qui nous amènent des gains en performance.
Ces gains sont-ils liés au système d’asservissement que vous avez mis en place ? et comment marche-t-il ?
CC : On a asservi nos 3 safrans et l’aile de raie (la dérive centrale), sauf les foils parce que cela demandait trop d’énergie. Notre système agit comme un pilote automatique, mais sur les flaps disposés sur les safrans et la dérive centrale en évoluant dans une boucle fermée, où il obéit aux consignes qu’on lui donne pour gérer la hauteur de vol, le trim et l’assiette du bateau. Il travaille en permanence avec un moteur qui agit sur un système hydraulique. Le secret est dans les algorithmes et la façon de gérer la hauteur de vol.
La différence avec et sans asservissement ? C’est dans la stabilité du vol et la performance. Si tu veux aller vite, il faut une assiette et une hauteur de vol stables. Quand on asservit, on gagne énormément en stabilité. Le système est depuis toujours dans les tuyaux chez Gitana. On avait commencé à travailler dessus un peu l’année dernière, mais c’est cette année que l’on a progressé, notamment sur le réglage des paramètres des contrôleurs Proportionnel-intégral-dérivé (PID) pour définir la hauteur de vol. L’asservissement, c’est l’avenir, et on considère que c’est également un élément important de sécurité.
FC : Notre système d’asservissement a été développé sur le même principe que celui des TF35. C’est d’ailleurs la même société ― Pixel sur Mer ― qui les a intégrés (cf. Course Au Large n° 86). Le système travaille exactement comme un pilote automatique classique, avec une boucle fermée où l’humain n’intervient pas. Le World Sailing Speed Record Council (WSSRC) a jugé qu’il était dans la même catégorie qu’un pilote automatique classique, alors que la Classe Ultim 32/23 a une interprétation différente. Elle estime que l’asservissement autre que le pilote en lacet sort de la jauge. Après la Brest Atlantiques, on a pu tester notre système.
On s’est rendu compte qu’on pouvait avoir d’énormes gains dans certaines conditions, mais moins dans d’autres où il n’arrive pas à suivre et où on est meilleurs en barrant. Et ce n’est pas forcément dans les conditions les plus dures où il est le meilleur. C’est parfois en début de vol, où on doit lutter un peu pour voler, ou bien dans de la mer, jusqu’à un certain point où il est performant, mais parfois il peut être à contretemps. Ce sont des choses que l’on développe encore avec Charles. Avant de partir, on va dans l’algorithme profond pour lui donner des coefficients. Une fois sur l’eau, on va lui donner des consignes et des bornes. Pour cela, il nous fallait bien connaître le bateau avant. On s’améliore mais on a encore à progresser parce que son utilisation courante est assez récente. C’est encore en développement, comme notre pilote classique. On peut le brancher ou le débrancher quand on veut à bord. On met des consignes de gîte, trim ou hauteur, et on lui dit dans quel range il peut jouer. On va le borner pour éviter qu’il ne consomme trop ou qu’il réagisse trop souvent.
Suivre le Trophée Jules Verne avec la cartographie sur Course Au Large
Trophée Jules Verne. Thomas Coville : “C’est fascinant et enthousiasmant ! “
Thomas Coville se livre dans le dernier numéro de Course Au Large sur le Trophée Jules Verne. Ce qu’il représente pour lui, sa stratégie, le duel annoncé avec Gitana. Extraits.
Es-tu prêt à écrire une nouvelle page d’histoire sur ce Jules-Verne ?
Battre le record sous les 40 jours, ce sera une nouvelle page dans l’histoire de la voile. Mais on part pour continuer l’histoire du Jules-Verne, qui fait partie aussi de mon histoire. Le premier a été avec Olivier de Kersauson, c’était en 71 jours. C’était mon premier tour du monde en tant qu’équipier, avec un monsieur relativement emblématique. Ensuite, j’ai eu cette chance incroyable de faire l’un de mes plus beaux tours du monde avec Franck Cammas sur Groupama 3, avec un équipage qui était la dream team de l’époque.
Et tu repars 10 ans après sur ton propre bateau avec Franck, qui tentera également le record ; c’est assez incroyable !
On a des parcours qui se croisent régulièrement, jalonnés de succès, de bons moments, de belles rencontres. Franck a toujours été pertinent, percutant et très humain. On est sur des concepts de bateaux différents mais avec des performances qui se rapprochent. Aujourd’hui, en l’état actuel des uns et des autres, c’est encore très ouvert. Ce n’est pas encore formaté, dans un schéma où il y aurait convergence d’idées, de concepts et de performances qui auraient déterminé que c’est cela plutôt qu’autre chose. Je trouve que cela est fascinant et enthousiasmant.
Sodebo Ultim’ 3 est assez novateur avec son cockpit à l’avant…
Nous sommes le plus sortis des sentiers battus avec notre idée de centrer les masses, de faire un bateau léger et aérodynamique. Pour autant, plus je regarde le bateau de Verdier, plus je trouve que c’est aussi intelligent : d’avoir choisi dès le départ de très grands foils, d’avoir voulu voler très haut, d’avoir été très ambitieux là-dessus sans avoir beaucoup de données, même s’ils ont utilisé le MOD70, quasiment l’échelle 1/2. C’était un luxe et une opportunité inédite dans la voile d’avoir un bateau d’essai de cette taille. Il y a peu d’écuries dans le monde qui peuvent se permettre ce genre de choses. Plus je le regarde, et le fait aussi maintenant que je vole, mieux j’arrive à le comprendre, la pertinence du raisonnement de Guillaume Verdier sur certains choix. C’est très inspirant, enthousiasmant, et c’est comme cela que je vis ce Jules-Verne à 2 bateaux. C’est une chance.
En routage, vos chances de battre le record sont de quel ordre ?
Cela ne passe pas à chaque fois. Avec les données météo que nous avons, il n’y a qu’un tiers des routes qui passent. Sur ce record, on va plus aller chercher des états de mer qui nous permettent de faire des vitesses incroyables. Ils nous feront faire une route plus longue ou plus facile. Si, sur mes précédentes tentatives, j’avais des doutes sur ma capacité de battre ou pas le record, là, avec le potentiel qu’on a acquis sur le bateau, je suis certain qu’un jour ou l’autre on le battra ; 2020 ou plus tard, je n’en sais rien, mais j’ai cette certitude que ces bateaux le feront. De même, un jour, nos bateaux seront peut-être aussi capables de rattraper le système qui est devant eux. Ce sera cela la révolution. On aura des transitions qui pourront se faire en descendant dans l’Indien ou le Pacifique très sud, traverser une dorsale puis rattraper le phénomène dépressionnaire devant, ou traverser un front et attraper la dorsale anticyclonique derrière.
Trophée Jules Verne. Sodebo au large de Lisbonne +58 nm
Le trimaran Ultim Sodebo se trouve déjà au large du Portugal après avoir filé à plus de 28 nds. Il compte 58 milles d’avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, détenteur du record. Un beau cadeau d’anniversaire pour Thomas Rouxel, qui fête ses 38 ans aujourd’hui !
C’est à 38 nœuds, juste après le passage d’un front ayant levé un peu de mer, néanmoins maniable, que Sodebo Ultim 3, avec à la barre Thomas Rouxel, a attaqué dans la nuit de mardi à mercredi, à 2h55 précisément, son premier Trophée Jules Verne. « C’est parti pour une belle tranche de vie ! », peut alors lancer Thomas Coville à son équipage. L’objectif fixé par la cellule de routage composée de Jean-Luc Nélias et Philippe Legros : descendre le Golfe de Gascogne le plus vite possible dans un vent d’une vingtaine de nœuds de nord-ouest assez instable, donc nécessitant beaucoup de réglages.
Chose bien faite une petite quinzaine d’heures plus tard, puisque Thomas Coville et ses sept équipiers (François Duguet, Sam Goodchild, Corentin Horeau, Martin Keruzoré, François Morvan, Thomas Rouxel et Matthieu Vandame) ont dépassé le Cap Finisterre, à la pointe nord-ouest de l’Espagne, mercredi dès 17h. Non sans s’offrir un beau duel à vue, immortalisé par la caméra de Martin Keruzoré, avec le Maxi Edmond de Rothschild, parti 31 minutes après eux, Thomas Coville ayant même pris le temps d’échanger à la VHF avec l’équipage mené par Franck Cammas et Charles Caudrelier, ses anciens « collègues » de la Volvo Ocean Race 2011-2012 victorieuse !
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