Thomas Coville se livre dans le dernier numéro de Course Au Large sur le Trophée Jules Verne. Ce qu’il représente pour lui, sa stratégie, le duel annoncé avec Gitana. Extraits.
Es-tu prêt à écrire une nouvelle page d’histoire sur ce Jules-Verne ?
Battre le record sous les 40 jours, ce sera une nouvelle page dans l’histoire de la voile. Mais on part pour continuer l’histoire du Jules-Verne, qui fait partie aussi de mon histoire. Le premier a été avec Olivier de Kersauson, c’était en 71 jours. C’était mon premier tour du monde en tant qu’équipier, avec un monsieur relativement emblématique. Ensuite, j’ai eu cette chance incroyable de faire l’un de mes plus beaux tours du monde avec Franck Cammas sur Groupama 3, avec un équipage qui était la dream team de l’époque.
Et tu repars 10 ans après sur ton propre bateau avec Franck, qui tentera également le record ; c’est assez incroyable !
On a des parcours qui se croisent régulièrement, jalonnés de succès, de bons moments, de belles rencontres. Franck a toujours été pertinent, percutant et très humain. On est sur des concepts de bateaux différents mais avec des performances qui se rapprochent. Aujourd’hui, en l’état actuel des uns et des autres, c’est encore très ouvert. Ce n’est pas encore formaté, dans un schéma où il y aurait convergence d’idées, de concepts et de performances qui auraient déterminé que c’est cela plutôt qu’autre chose. Je trouve que cela est fascinant et enthousiasmant.
Sodebo Ultim’ 3 est assez novateur avec son cockpit à l’avant…
Nous sommes le plus sortis des sentiers battus avec notre idée de centrer les masses, de faire un bateau léger et aérodynamique. Pour autant, plus je regarde le bateau de Verdier, plus je trouve que c’est aussi intelligent : d’avoir choisi dès le départ de très grands foils, d’avoir voulu voler très haut, d’avoir été très ambitieux là-dessus sans avoir beaucoup de données, même s’ils ont utilisé le MOD70, quasiment l’échelle 1/2. C’était un luxe et une opportunité inédite dans la voile d’avoir un bateau d’essai de cette taille. Il y a peu d’écuries dans le monde qui peuvent se permettre ce genre de choses. Plus je le regarde, et le fait aussi maintenant que je vole, mieux j’arrive à le comprendre, la pertinence du raisonnement de Guillaume Verdier sur certains choix. C’est très inspirant, enthousiasmant, et c’est comme cela que je vis ce Jules-Verne à 2 bateaux. C’est une chance.
En routage, vos chances de battre le record sont de quel ordre ?
Cela ne passe pas à chaque fois. Avec les données météo que nous avons, il n’y a qu’un tiers des routes qui passent. Sur ce record, on va plus aller chercher des états de mer qui nous permettent de faire des vitesses incroyables. Ils nous feront faire une route plus longue ou plus facile. Si, sur mes précédentes tentatives, j’avais des doutes sur ma capacité de battre ou pas le record, là, avec le potentiel qu’on a acquis sur le bateau, je suis certain qu’un jour ou l’autre on le battra ; 2020 ou plus tard, je n’en sais rien, mais j’ai cette certitude que ces bateaux le feront. De même, un jour, nos bateaux seront peut-être aussi capables de rattraper le système qui est devant eux. Ce sera cela la révolution. On aura des transitions qui pourront se faire en descendant dans l’Indien ou le Pacifique très sud, traverser une dorsale puis rattraper le phénomène dépressionnaire devant, ou traverser un front et attraper la dorsale anticyclonique derrière.